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Évolution des bpa : jusqu’ici tout va bien
Calendar15 May 2025
Thème: Investir
Maison de fonds: DNCA Investments
Dnca


Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion DNCA Investments.


Alors que la moitié des investisseurs anticipent désormais un hard landing de l'économie*, la situation actuelle a de quoi laisser perplexe : en effet, l'analyse des crises passées (qu'elles soient causées par un choc pétrolier comme en 1975 ou un credit crunch comme en 2008) appelle généralement aux mêmes réponses de la part des autorités monétaires et budgétaires. Mais le contexte actuel, résultat des initiatives du président américain, est inédit avec un choc d'incertitude économique largement plus violent que lors de son premier mandat. Une seule chose semble faire consensus : la balance des risques penche en faveur du ralentissement macroéconomique, et donc vers une réduction des bénéfices par action. Dès lors, il est légitime de s'interroger quant à l'amplitude des révisions de bénéfices à venir car comme tout le monde le sait, l'important n'est pas la chute, mais l'atterrissage.


Une analyse succincte pourrait laisser penser que la saison de publication en cours est business as usual : pour les 49% de valeurs européennes ayant publié, le pourcentage de surprise positive est en ligne avec l'historique de long terme (environ 55%). Le constat est identique de l'autre côté de l'Atlantique (à 75%). Mais ce serait vite oublier que les attentes du consensus des estimations de bénéfices ont été drastiquement revues à la baisse en amont des annonces du premier trimestre : les prévisions de croissance du T1 (vs T1 2024) sont passées de + 11% à + 6% pour le S&P 500 entre fin décembre et mi-avril, et de + 2% à - 5% en Europe.


Dans le détail, la croissance bénéficiaire trimestrielle effective en Europe (- 3%) est plombée par les pétrolières et par le secteur des matériaux de base alors qu’aux États-Unis, un petit nombre de valeurs tirent la croissance (notamment dans la santé et la tech, à + 14%). Si l’on regarde les performances médianes, l’image est bien différente : la croissance des sociétés américaines ayant publié redescend à + 6% et remonte à 5% en Europe !


Les résultats du premier trimestre étant par définition la photo d’une situation préannonce de « libération », les investisseurs attendaient surtout les perspectives présentées pour le reste de l'année. La lecture des transcriptions des conférences téléphoniques montre sans surprise qu'une majorité de sociétés font des commentaires neutres sur l'économie (63%), reflet du brouillard actuel dans lequel elles naviguent. En revanche l'évolution des devises et le niveau des stocks, qui sont des éléments plus tangibles, deviennent des facteurs négatifs. Il n'y a guère que l'IA pour encore susciter l'enthousiasme dans cette période agitée (78% de commentaires positifs).


La prudence qui entoure les commentaires des directions se retrouve dans les prévisions des analystes : au-delà du T1, c'est l'ensemble des projections annuelles qui ont été ajustées à la baisse. De + 7% à + 4% de croissance pour l'Europe depuis le début de l’année, tirée vers le bas par l'automobile et les pétrolières. Plus spécifiquement, la « respiration » des BPA est de 25%, soit quatre sociétés faisant l’objet de révision à la baisse pour une à la hausse.


Quel est le potentiel de baisse supplémentaire hors scénario de récession ? L'analyse récente de Goldman Sachs donne une partie de la réponse. Sous l'effet conjugué de la baisse du pétrole, de la force de l'Euro et du ralentissement économique global, la banque américaine a récemment ajusté ses perspectives de bénéfices par action en Europe de + 2% à - 7%.


Même si la dispersion des prévisions par rapport au consensus est inhabituelle, elle n'est que le miroir d'un constat macroéconomique qui l'est tout autant avec le décalage entre les enquêtes dégradées (indices des directeurs d’achats et confiance du consommateur) et les données économiques « en dur » résilientes (consommation, production et marché du travail). Écart potentiellement expliqué par un phénomène de front running des agents économiques en amont de l'implémentation effective des droits de douane.


Au-delà du fossé entre les soft et hard data, une autre tendance est à souligner : la convergence des PMI (indices des directeurs d'achat) des deux côtés de l'Atlantique. Cette convergence, couplée aux initiatives fiscales européennes, plaide pour une réduction de l’écart de croissance et donc de la décote du marché actions européen par rapport à son cousin américain (20% sur base sectorielle neutre pour gommer les biais par rapport à 10% historiquement).


In fine, cela milite en faveur d’une augmentation du poids de l'Europe dans les gestions internationales. À ce titre, il ne semble pas superfétatoire de rappeler que les États-Unis représentent 65% des indices mondiaux contre un niveau de 45% au sortir de la grande crise financière…


*Dernier sondage de Bank of America .