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Tarifs douaniers : le pire n’est jamais sûr
Calendar28 May 2025
Thème: Investir
Maison de fonds: DNCA Investments
Dnca


Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion DNCA Investments.


Le « jour de la libération » américaine, datant du 2 avril, a surtout été le premier jour d'un épisode de volatilité douloureux pour les investisseurs. Mais ceux qui ont su tenir la barre pendant cette période de gros temps en sortent récompensés : en effet, le marché action global (avec le MSCI World comme proxy) a effacé ses pertes d’avril pour revenir proche des niveaux du mois de février.


De la séquence « accord avec le Royaume-Uni / trêve avec la Chine / annonces lors de la tournée dans les pays du Golfe », le tournant décisif aura sans doute été le week-end de négociation genevoise entre Scott Bessent et He Lifeng (vice-premier ministre chinois en charge de l'économie). Ces pourparlers étaient indispensables au regard des niveaux de droits de douane instaurés de part et d’autre (145% et 125%), équivalant à un embargo commercial qui aurait provoqué des ruptures d’approvisionnement aux Etats-Unis et des faillites en Chine. Mais personne ne s'attendait à une issue aussi rapide.


L'histoire nous dira peut-être qui a fait le premier pas, mais les mises en garde des grands patrons américains de la distribution (Walmart et Target ) sur les risques de voir les rayons se vider ainsi que la baisse de cote de popularité du président américain auprès de sa base d'électeurs ont probablement pesé dans la balance. A tel point que le Wall Street Journal a appelé Donald Trump à suivre la voie de François Mitterrand, faisant référence au renoncement de l’ancien président socialiste français en 1982 face aux réalités économiques. Un comble au pays du libéralisme !


La méthode Trump peut s'apparenter à un choc d'offre négatif pesant à la fois sur les dépenses (consommation et capex) et les embauches en raison de l'incertitude économique, et sur les prix via une hausse des coûts de production. A ce titre, la trêve annoncée réduit significativement la probabilité d'un scénario stagflationniste aux États-Unis.


Les ajustements récents des prévisions macroéconomiques de Goldman Sachs semblent être un bon reflet du consensus : la banque a revue à la hausse son anticipation de croissance américaine cette année de 0,5% à 1% (T4/T4) en raison de droits de douane moindres et d’une détente des conditions financières. La Chine n’est pas en reste avec un relèvement de sa croissance annuelle à 4,6% (vs. 4%) grâce à des exportations qui stagnent (contre -5% précédemment).


Mais cette capacité des analystes à voir le verre à moitié plein ne doit pas éclipser la réalité économique : même en tenant compte des exemptions et suspensions, le tarif douanier moyens des États-Unis reste bien supérieur au niveau de janvier (15% versus 3%) et les sujets de fond entre les deux pays n'ont pas été traités (rééquilibrage des échanges et compétition technologique) ...


Et maintenant, que faire après le rallye boursier ? Alors que certains indices comme le Dax ont largement dépassé le niveau du 2 avril, quelques analystes mettent en avant une situation de type MOFO*, dans laquelle les investisseurs sont « contraints » de courir après le marché. Le pain trade à la hausse, comme cela arrive souvent après un épisode de forte volatilité.


Mais à y regarder de plus près, la situation appelle peut-être à d'autres réflexes. En effet, si on se réfère aux indicateurs techniques (RSI** et moyennes mobiles***) le marché est passé d'une situation de survente à un début de surachat en un temps record. De plus, le dernier sondage de Bank of America montre un état d'esprit résolument moins bearish : renforcement du secteur technologique, baisse des niveaux de liquidités en portefeuilles et recul des anticipations de récession. Aux investisseurs les plus chevronnés, ce regain d’optimisme printanier remémorera sans doute le célèbre dicton anglo-saxon : sell in may and go away…


*Fear of missing out

**Relative strength Index

***Environ 85% des indices pays MSCI traitent au-dessus de leur moyenne mobile 50/200 jours au moment de la rédaction de ces lignes.