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Diversification : la règle d’or en question
Calendar28 Jul 2025
Thème: Investir
Maison de fonds: DNCA Investments
Dnca


Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion DNCA Investments.


Les constats a posteriori sont toujours faciles à effectuer (le fameux backtrading), et le suivant ne déroge pas à la règle : sur la quinzaine d’années suivant la grande crise financière qui a vu disparaitre Lehman Brothers, il n’y avait pas vraiment de question à se poser pour les allocataires : Un mix 60/40 d’actifs américains permettait d’obtenir un ratio de Sharpe hors norme. Pendant cette longue période, la règle d’or de diversification des risques comme vecteur de meilleur couple rendement / risque a été largement inopérante.


Mais la prime de valorisation des « gagnants » (américains) sur les « perdants » (reste du monde) qui avait atteint des niveaux records et le catalyseur d’un dollar plus faible ont poussé les investisseurs internationaux à revoir leur copie cette année. Résultat, un écart de performance significatif au premier semestre entre les marchés actions européens et leurs homologues américains en euros*. Le rattrapage récent de l’Europe amène à s’interroger à nouveaux quant à l’allocation au sein de la classe d’actif action pour le second semestre. Et ce, sous l’angle des capitalisations boursières, des facteurs de style et des zones géographiques.


Le phénomène de concentration est bien connu aux Etats-Unis en raison de la prépondérance des valeurs technologiques. Après le rebond du complexe Big Tech post DeepSeek et Liberation day, le secteur représente un tiers de l’indice soit sa plus importante pondération depuis la bulle dotcom. Signe des temps S&P a lancé, en partenariat avec Goldman Sachs , un « US 500 ex Mag7 Index » (X7 Index), pour éviter le risque de concentration du S&P500 sur les Magnificent 7. Ce nouvel indice servira notamment d’outil de couverture sans prendre le risque de « shorter » Alphabet , Amazon , Apple , Meta, Microsoft , Nvidia , ou Tesla…


Mais le phénomène de concentration touche désormais l’Europe : au premier semestre, 16% de la capitalisation boursière du Stoxx600 est responsable de 54% de sa progression. Sans les financières et les industrielles (notamment la défense), la hausse de l’indice au premier semestre ne serait que de 1,8% !


Cette configuration amène à une première réflexion concernant le facteur taille de capitalisation. Les smid américaines sont à la traine, alors que ce segment européen commence à surperformer. Ce changement de tendance devrait être amené à se prolonger au regard de la valorisation (PER 2026 de 12x pour le MSCI EMU Small Cap vs. 14x pour le MSCI EMU) et de la large exposition aux initiatives allemandes.


Quant aux facteurs de style, ils ont joué de manière très différente des deux côtés de l’atlantique. En Europe, le style value fait la course en tête depuis 2022 avec les banques comme fer de lance. A contrario, la sous performance du facteur « Qualité » sur la même période est marquée, notamment en raison des entreprises exportatrices composants ce sous-ensemble. Le derating du style Qualité a ramené sa valorisation relative en ligne avec son historique de long terme (1,4x contre des niveaux supérieurs à 2x avant la pandémie de covid). Ce retour à la moyenne devrait inciter les investisseurs à s’intéresser à nouveau à ce pan de la cote.


Côté américain, les écarts sont encore plus flagrants : le style croissance à surperformé la value de 14,4% au T2, du jamais vu depuis 25 ans. Cet écart de performance relative place le segment value au plus depuis 30 ans ! Un tel écart devrait la aussi amener à un réexamen du positionnement, sur la base des valorisations.


Enfin, les révisions de bénéfices par action plaident en faveur des Etats-Unis, notamment en raison du dollar : le consensus attend désormais une croissance de bpa +2.1% en Europe pour cette année (vs +7,4% en début d’année) et +9.2% (vs 14,2%) aux Etats-Unis. Si les attentes pour le deuxième trimestre sont confirmées (+5% yoy vs. 0% en Europe), ce différentiel devrait permettre au marché américain d’effectuer un rattrape au second semestre, au moment où être baissier dollar est devenu très consensuel.


Pendant de nombreuses années, la politique de taux bas des banques centrales couplé à l’exceptionnalisme américain a rendu le concept de diversification inapte à améliorer le rendement ajusté du risque des portefeuilles. La fin des politiques monétaires non conventionnelles et le retour aux affaires de l’imprévisible Trump rendent à nouveau l’environnement propice à l’application de la règle d’or. En effet, les écarts de performances des différents facteurs propres à la classe d’actif action (taille, style, zone) au premier semestre montrent que cette grille d’analyse est à nouveau pertinente. En résumé, pour surperformer le mot d’ordre est désormais de diversifier !


*+6,65% vs. -7,18%.