
Par Frédéric Lejoint.
Même si l’impact des tarifs de l’administration Trump a été relativement faible, leur effet a déjà commencé à se faire sentir alors que la valorisation de la bourse américaine est revenue sur des niveaux élevés.
Les spécialistes de Rothschild & Co Asset Management ont récemment mis à jour leurs attentes macroéconomiques et financières. Tout d’abord, Marc-Antoine Collard (Chef économiste chez Rothschild & co Asset Management) a tenu à rappeler que le premier semestre s’est déroulé plus favorablement que les attentes parfois alarmistes de nombreux économistes.

Entre deux chaises
« Si le niveau des tarifs américains est au plus haut depuis les années 30, ils ont été implémentés progressivement ce qui a permis de retarder la transmission vers les prix payés par les consommateurs américains. La détérioration n’a clairement pas été aussi brutale qu’attendu, avec des conditions de financement qui se sont assouplies ». Et il pointe que les révisions des attentes des économistes ont été généralement à la hausse durant les derniers mois, avec un risque de récession qui a reculé.
Pour autant, il estime prématuré de crier victoire. « Un ralentissement sensible de la croissance américaine et mondiale reste probable durant la deuxième partie de l’année, même si le manque de précédents historiques par rapport à la situation actuelle a tendance à augmenter fortement la marge d’erreur ». Marc-Antoine Collard souligne toutefois que les dépenses d’investissement attendues pour 2026 (dans tous les pays du G7) sont inférieures au niveau qui a précédé l’arrivée de Donald Trump à la présidence américaine.
Dans ce contexte, il estime que le mandat de la Réserve Fédérale va rester difficile à appliquer, en raison du double mandat du grand argentier américain: la lutte contre l’inflation et le plein emploi. « Les derniers chiffres pour l’inflation PCE (la mesure préférée de la Fed) suggèrent une pression sur les prix qui reste significative, notamment au niveau des salaires. Dans le même temps, les chiffres de l’emploi semblent indiquer une détérioration rapide de la situation sur le marché du travail. En définitive, si l’impact des tarifs n’est pas aussi important qu’initialement craint, leurs conséquences pourrait être très dommageables s’ils empêchent l’adoption d’une position plus accommodante par la banque centrale américaine ».
Flux européens
Dans cet environnement qui s’annonce délicat à négocier d’un point de vue économique, Anthony Bailly (Head of European Equity) estime qu’il ne devrait pas s’opposer à une poursuite du repositionnement des investisseurs vers l’Europe durant les prochains trimestres. « Les marchés ont rapidement parié sur un compromis avec les Etats-Unis, avec des tarifs moins sévères que les niveaux initialement annoncés par Donald Trump. Dans le même temps, les indicateurs manufacturiers se sont redressés tandis que l’inflation est retombé vers l’objectif de la BCE ». Au niveau sectoriel, Anthony Bailly souligne que la performance des marchés a été soutenue par les secteurs domestiques qui vont directement bénéficier des plans d’investissements (défense, infrastructure, etc) qui vont soutenir la croissance économique à partir de 2026.
En termes de valorisation, il pointe également que le rebond récent du marché américain l’a ramené vers des niveaux de valorisation relativement élevés d’un point de vue historique à plus de 22 fois les bénéfices attendus. « La différence de valorisation avec l’Europe ne peut plus se justifier par une incertitude politique plus importante en Europe, alors que le gouvernement américain vient de faire passer une loi budgétaire qui va creuser considérablement le déficit budgétaire alors que le taux américain à 10 ans est déjà sur des niveaux élevés ».
Dans ce contexte, Anthony Bailly reste convaincu que le momentum favorable de la Zone Euro peut se poursuivre, notamment vers les secteurs cycliques et domestiques dont la valorisation reste attractive. De même, l’accord sur les tarifs douaniers devrait permettre aux secteurs exportateurs de refaire une partie de la sous-performance du premier semestre ».
Privilégier le crédit
Au niveau des marchés obligataires, Emmanuel Petit (Head of Fixed Income) souligne que les opportunités actuelles se trouvent difficilement du côté des obligations gouvernementales, avec une Réserve Fédérale qui ne semble pas encore disposée à détendre le loyer de l’argent, tandis que la Banque Centrale Européenne devrait désormais se mettre en pause. « Le financement des déficits budgétaires reste une inquiétude latente pour de nombreux investisseurs ». Et aux Etats-Unis, la nomination du prochain président de la Réserve Fédérale constitue un autre facteur d’incertitude à moyen terme.
Dans ce contexte, Emmanuel Petit estime que les marchés du crédit constituent actuellement le segment le moins volatil. « La situation financière des entreprises reste solide, et la classe d’actifs offre un rendement absolu attractif. En outre, les périodes de plus forte volatilité doivent être considérées comme des opportunités à saisir, et il faudra se montrer réactif durant les prochains mois en évitant les sociétés les plus fragiles sur leurs secteurs respectifs ». Il privilégie les entreprises les mieux notées sur des échéances comprises entre 5 et 10 ans, ainsi que les émissions provenant du secteur financier au vu de leur valorisation et de leurs fondamentaux solides.