
Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion DNCA Investments.
La qualité des résultats trimestriels du secteur rappelle encore une fois à quel point la santé des banques européennes s’est foncièrement amélioré à la suite de la remontée des taux. Dans son ensemble, le secteur a publié une hausse du produit net bancaire de 3% grâce à l'amélioration des revenus nets d'intérêt*, mais c’est surtout la capacité du secteur à battre les attentes qui impressionne. En effet, le taux de surprise positive sur les résultats est de 80% grâce à la maîtrise des dépenses et au bon comportement du coût du risque. On peut difficilement faire mieux !
Les résultats du dernier stress test de l'Autorité Bancaire Européenne ne disent pas autre chose : les conclusions du régulateur mettent en avant la capacité de l'industrie européenne à mieux résister à un scénario adverse, notamment en raison de la position en capital de départ (CET1** moyen de 16%), d’une meilleure profitabilité (retour sur capitaux en moyenne de 10,5%) et de la qualité des actifs (crédits douteux à 1,9%). Ce sont précisément ces attributs qui permettent au secteur de gratifier les actionnaires de retour généreux via des dividendes (rendement de plus de 5% en moyenne) et des rachats d’actions.
Autre preuve du retour à meilleure fortune du secteur, même l'activité de banque de réseau en France redevient une source de croissance. Après plusieurs années de vaches maigres, une reprise de la production de crédit à l'habitat associée à une meilleure rentabilité (taux actuel supérieur au taux moyen du stock) redonne des couleurs à cette division. Il faut ajouter à cela l'effet spécifique du livret A : la baisse du rendement de celui-ci (fixé par le gouvernement) tire à la baisse le rendement des dépôts à terme, réduisant de facto le coût de la ressource pour les banques. Face à cette amélioration des tendances de revenu, les acteurs français sont restés intransigeants sur la gestion des coûts, permettant une baisse des coefficients d'exploitation avec Crédit Agricole SA comme modèle du genre (53,9% au premier semestre).
Au-delà de la France, la dernière enquête de la BCE ne fait pas état de rupture dans la croissance des prêts au sein de la zone euro malgré l'incertitude liée au contexte international (+2,6% en juillet yoy). Et la révision récente des prévisions de croissance pour 2025 à 1.2% (contre 0.9% précédemment) par l’institution monétaire européenne permet d’être raisonnablement optimiste quant à l’extrapolation de cette tendance. D’autant plus que les ménages européens sont notoirement sous-endettés par rapport à leurs cousins américains.
On constate également une stabilisation de la pression réglementaire appliquée au secteur. La prise d’initiative est américaine avec la volonté de l'administration, par la voix de son secrétaire d'État au Trésor Scott Bessent, de réduire les exigences en capital des banques nationales. Mais les instances européennes ont pris acte de la nécessité de rester compétitifs, la BCE ayant décidé de simplifier sa supervision bancaire à travers la réforme du SREP***. Elle répond ainsi aux demandes légitimes d’une industrie qui s’inquiète de la domination des acteurs américains sur les marchés de capitaux.
Reste enfin le joker des fusions et acquisitions. Autant la consolidation européenne semble toujours aussi laborieuse, comme nous le montre l'opération d’ Unicredit sur Commerzbank lancée il y a presque un an, autant la dynamique nationale reste vivace. Il suffit d'écouter le directeur général de Mediobanca qui a déclaré récemment qu'il y aura moins de banques en Italie dans les mois à venir. Le tout est de savoir lesquels, l’opération ratée de Mediobanca sur Banca Generali ayant fait place à la montée de Monte dei Paschi di Siena au capital de la banque d’affaire milanaise !
Le SX7P, l’indice sectoriel regroupant les 53 principales valeurs européennes a dépassé le niveau des 300 points début août, son plus haut niveau depuis 2008. Il a également surperformé l'indice européen de 35% depuis le début de l'année. Malgré cette performance spectaculaire, la dynamique bénéficiaire a limité l'expansion des multiples du secteur qui traite toujours avec une large décote par rapport au marché si l'on considère le ratio cours sur bénéfices 2026 (9x vs 14x).
La seule ombre au tableau provient du positionnement des investisseurs. En effet, selon le dernier sondage de Bank of America , les banques européennes font partie du top 5 des secteurs les plus favorisés par les investisseurs. Une configuration qui expose le secteur à un risque de sous-performance en cas de retour de l’aversion au risque ou de risque idiosyncratique, comme la rumeur de taxation du secteur par le gouvernement anglais.
Si ce type d'événement venait se concrétiser, il devrait être mis à profit pour bénéficier du potentiel de revalorisation de long terme d’un secteur pour lequel la grande crise financière de 2008 n’est plus qu’un lointain souvenir…
* différence entre les intérêts reçus sur les prêts et les intérêts payés sur les dépôts, livrets et autres sources de financement ;
**ratio agrégé de fonds propres de base de catégorie 1 ;
***bilan annuel de santé des banques pouvant aboutir à de nouvelles exigences de fonds propres.