Par Frédéric Lejoint.
L’IPO d’OpenIA et la concurrence entre NVidia et Alphabet vont constituer des points d’attention pour le secteur technologique en 2026.
A l’occasion de sa récente présentation des perspectives financières pour l’année 2026, Christopher Dembik (Conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet Asset Management) a consacré une large partie de son exposé sur la thématique de l’intelligence artificielle, qui devrait rester au cœur des interrogations sur les marchés financiers. « La technologie américaine a été au cœur des remous récemment observés sur les marchés. Les prises de bénéfice tactiques des fonds spéculatifs après le beau mouvement haussier observé entre mai et octobre sont à l’origine de la volatilité ».

Valorisation jusfitiée
Une autre cause plus structurelle reflète la nervosité en provenance des particuliers américains qui s’étaient positionnés sur la technologie au premier semestre via des ETF à l'effet de levier, ce qui a accentué leurs pertes lorsque le marché s’est retourné. « Ce n’est toutefois pas un élément qui peut initier un risque systémique, puisque la proportion de retail reste quand même faible par rapport aux institutionnels et aux fonds spéculatifs ». S’il n’a pas d’inquiétude particulière sur la valorisation de la bourse américaine à l’entame de 2026, il estime que les mouvements pourraient s’avérer plus erratiques en raison d’une structuration avec un levier plus élevé du côté des ETF détenus par les particuliers américains.
« La marge bénéficiaire nette combinée du S&P 500 était à 13,1% pour le troisième trimestre, au plus haut depuis 2009, avec des perspectives pour l'année prochaine qui restent positives. En termes de ratios financiers et de rentabilité, nous sommes loin des autres super cycles d'innovation du passé (bulle internet, chemins de fer, etc) qui étaient essentiellement financés par l’endettement ». Des groupes comme Meta ou NVidia cotent actuellement autour ou en-dessous de leur moyenne de long terme, un ratio cours/bénéfice pour le Nasdaq tournant actuellement autour de 30.
Rentabilisation
S’il comprend l’inquiétude de certains investisseurs dans la manière dont les investissements dans les centres de données vont pouvoir être rentabilisés sur le long terme, « ces investissements sont débloqués sur le temps long et pourront être alloués à d'autres sujets à un certain stade ». En outre, ces dépenses d'investissement vont générer à terme des revenus supplémentaires pour des groupes qui ont souvent déjà beaucoup de liquidités.
S’il existe actuellement un risque dans ce domaine, c’est plutôt du côté des marchés privés qu’il faut aujourd’hui regarder. « Je suis par exemple dubitatif sur le modèle financier d'OpenIA, avec une valorisation basée sur des prévisions de chiffre d'affaires d'ici à 2-3 ans qui sont inatteignables avec un business model à bas coût ». Il s’attend d’ailleurs à ce que les groupes (notamment NVidia) qui ont investi dans OpenIA vendent rapidement leur participation lorsque ce groupe aura été introduit en bourse. « Peu importe l'avenir boursier d'OpenIA, un groupe comme NVidia encaissera un gain financier le jour de l’IPO ».
NVidia concurrencé
Christopher Dembik met également en avant la concurrence frontale qui est en train de se mettre en place entre NVidia et Alphabet , et qui risque d’impacter fortement la thématique de l’intelligence artificielle durant les prochains trimestres. « Nous restons positif sur Nvidia car la demande reste élevée sur les puces du groupe, mais l’arrivée de Gemini 3 ( Alphabet ) change quand même très nettement la donne. A l’heure actuelle, Alphabet est la société que nous aurions plutôt tendance à privilégier car le modèle d’entreprise nous paraît plus intéressant sur le long terme ».
Gemini 3 a l'avantage d’être moins énergivore que les puces de NVidia, ce qui constitue un point de plus en plus important pour les groupes qui investissent dans les centres de données. En outre, les puces proposées par Alphabet sont également moins chères à produire. « Dans les différents tests réalisés, Gemini 3 s’en sort bien ou mieux que l’ensemble de ses concurrents. La concurrence à NVidia ne risque donc finalement pas de venir de Chine (Deepseek), mais bien d’ Alphabet ». Il indique également qu’ Alphabet dispose également des moteurs de croissance plus diversifiés dans des domaines comme la publicité en ligne ou les voitures autonomes.
« Dans le reste du secteur technologique, nous essayons aussi de trouver des modèles qui sont sains sans intégrer des anticipations liées à l’IA car la modélisation de l’impact financier de l’IA reste encore extrêmement hasardeuse sur la plupart des secteurs. Amazon est typiquement un de ces modèles solides sur trois axes (e-commerce, cloud, publicité), qui va continuer de croître à un rythme rapide, avec un chiffre d’affaires qui pourrait doubler à 120 milliards de dollars d’ici la fin de la décennie. « La performance n’a pas été au rendez-vous en 2025, mais c’est le type de sociétés que nous voulons avoir dans nos fonds pour le long terme ».
Allocation
En termes d’allocation d’actifs, Christopher Dembik indique qu’il conserve un biais très américain (60 à 70%), avec une croissance qui devrait rester soutenue par les baisses de taux et par la hausse des dépenses budgétaires. « Dans ce domaine, nous privilégions également un positionnement dans le domaine des énergies renouvelables, et plus particulièrement dans le photovoltaïque où il y a beaucoup de subventions publiques jusqu'en 2033 ».
« Nous restons également sceptiques quant à la renaissance de l’Europe, dont la croissance devrait rester à la traîner par rapport aux Etats-Unis en dépit des plans d’investissements annoncés. Enfin, nous privilégions tactiquement les grandes valorisations et le secteur financier sur le marché chinois, en restant prudents sur un positionnement long terme ». Il apprécie également les perspectives de la dette émergente en monnaie locale dans un contexte où le dollar américain devrait rester sous pression.
Et pour ce qui est de l’or, il estime que l’once de métal jaune pourrait atteindre 4500 voire 5000 dollars durant les prochains mois. « L’argument principal en faveur de l’or n’est ni l'inflation ou la géopolitique, mais un positionnement sur un marché qui a peu de profondeur, avec une offre très contrainte et des banques centrales qui achètent massivement. C’est donc un bon actif de diversification ».


