Marc Leemans, gestionnaire de fonds et Bernard Lalière, responsable du crédit chez DPAM
Des fondamentaux d’entreprise solides, une croissance régulière, une gestion rigoureuse et des conditions techniques favorables soutiennent des perspectives stables et résilientes pour les obligations d’entreprises en 2026. En revanche, le niveau actuel des spreads, particulièrement serrés, se traduit par un risque baissier asymétrique : un seul choc peut peser directement sur les valorisations, tandis que le potentiel d’un nouveau resserrement semble limité.
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Le marché du crédit aborde 2026 avec des spreads à des niveaux historiquement serrés. Les spreads ont commencé à diminuer pendant la reprise post-COVID et sont restés sous pression jusqu'en 2023-2025. À la mi-2025, les spreads des obligations d’entreprises investment grade en Europe et aux États-Unis étaient presque à leur plus bas niveau depuis la crise financière. Si les fondamentaux se sont renforcés, les valorisations actuelles laissent peu de place à l’erreur, estiment Marc Leemans, gestionnaire de fonds, et Bernard Lalière, reponsable du crédit chez DPAM. Ils se demandent si, compte tenu des spreads actuels, les investisseurs sont encore suffisamment rémunérés pour les risques qu'ils prennent.
Un premier point important en 2026 sera l’activité de fusions et d’acquisitions. Après l’euphorie de 2021, les fusions et acquisitions (M&A), y compris les leveraged buy-outs (LBO), ont diminué. Si la confiance des entreprises se rétablit et que le nombre d'accords augmente, les transactions financées par la dette pourraient mettre les obligations d'entreprises sous pression. Cela dit, Leemans et Lalière estiment que les marchés n'en sont encore qu'au début d'une reprise significative de l'activité M&A/LBO et qu'une détérioration immédiate de la qualité des prêts semble donc peu probable.
Un autre risque émergent tient au développement des centres de données et des infrastructures d’intelligence artificielle (IA). Pour financer ces programmes d’investissement importants, certains émetteurs pourraient revenir sur le marché avec de nouvelles émissions de dette. L'élargissement des spreads d' Oracle est un signe précoce que les marchés intègrent le risque d'exécution. Par ailleurs, 2025 a été marquée par un volume record d’émissions « reverse Yankee », permettant à des entreprises américaines de lever des capitaux en dehors des États-Unis. Si le cycle d'investissement dans l'IA continue de s'accélérer, cette pression sur l'offre pourrait également avoir un impact sur les marchés européens. Des investissements en capital et des émissions mal programmés ou mal gérés pourraient générer des tensions sur les marchés.
Optimisme à l'égard des obligations d'entreprises
Malgré des valorisations tendues et des risques potentiels, DPAM reste globalement optimiste à l'égard des obligations d'entreprises.
La qualité sous-jacente des obligations d’entreprises reste solide. Les entreprises investment grade ont abordé les dernières années avec des bilans solides. De nombreuses entreprises ont traversé les quatre à cinq dernières années d'incertitude – avec la pandémie en 2020, le pic d’inflation en 2021, les hausses rapides des taux en 2022, les incertitudes politiques et réglementaires en 2025 – avec un conservatisme modéré. Les entreprises américaines et européennes ont maintenu leurs dépenses combinées en investissements en capital, dividendes et rachats d'actions en dessous du niveau des flux de trésorerie d'exploitation, ce qui témoigne d'une gestion rigoureuse du bilan.
![]() Bernard Lalière |
Au cours des derniers trimestres, le segment investment grade a enregistré environ 2,5 fois plus de reclassements que de déclassements. La croissance européenne, bien que modeste, reste positive, ce qui est favorable aux prêts aux entreprises. Les entreprises sont en mesure de payer leurs coupons et de refinancer leur dette, mais le climat n'encourage pas les dépenses excessives ni l'expansion démesurée.
Les flux de trésorerie devraient également rester favorables. Face à des déficits publics importants et à des contraintes politiques limitant leur réduction, l’offre d’obligations d’État augmente. Cela peut inciter les investisseurs à privilégier les obligations d'entreprises, qui offrent un profil de risque plus stable et des rendements supérieurs.
Scénario de base pour 2026
Pour 2026, DPAM prévoit un rendement total modérément positif, essentiellement porté par les revenus de portage et les coupons. Compte tenu des valorisations actuelles, le potentiel de resserrement supplémentaire est limité. Il est peu probable que les spreads augmentent de manière significative, à moins d'un choc macroéconomique, tel qu'une récession, une surprise inflationniste ou une vague d’investissements liés à l’IA mal gérée.
Dans ce contexte, les spreads investment grade et high yield devraient évoluer dans des fourchettes relativement étroites tant que les fondamentaux resteront solides et les conditions techniques favorables. D’un point de vue de gestion, DPAM privilégie les émetteurs qui présentent un bilan solide, un niveau d'endettement modéré, des besoins de refinancement faibles et une exposition à la croissance structurelle plutôt qu'aux fluctuations cycliques. La sélection active des obligations d'entreprises restera également essentielle en 2026.
Pour en savoir plus, lisez Outlook 2026 : strong issuers, tight spreads de Marc Leemans, gestionnaire de fonds, et Bernard Lalière, responsable du crédit chez DPAM.




