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« Une bulle de concentration »
Calendar30 Dec 2025
Thème: Investir

Par Frédéric Lejoint.


La prudence est de mise sur les actions américaines avant 2026, avec des possibilités de diversification notables vers les actions européennes notamment.


« Le principal changement intervenu en 2025 est la fin de l’exceptionnalisme américain », soulignait Enguerrand Artaz (Stratégiste chez La Financière de l’Échiquier) lors de la présentation des perspectives macroéconomiques et financières pour l’année 2026. « Les Etats-Unis ne sont plus aujourd’hui la seule alternative pour les investisseurs. Des opportunités existent dans d’autres régions du monde ».



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Valorisations élevées


« Fin 2024, le pessimisme était général, mais la remise en cause de l'orthodoxie budgétaire allemande a permis de renouveler l’intérêt pour l’Europe ». Ce retournement de tendance a également concerné les marchés émergents après quatre années de sous-performance par rapport aux indices globaux. « En revanche, ce qui n'a pas changé, c’est la domination des Magnificent Seven sur la Bourse américaine, le leadership de la value et du secteur financier en Europe, ainsi que la sous-performance des petites et moyennes capitalisations en dépit d’un bon premier semestre 2025 ».


A l’entame de la nouvelle année, Enguerrand Artaz constate que les valorisations sont au-dessus des moyennes et des moyennes historiques sur la plupart des marchés boursiers, et plus particulièrement sur le marché américain. « A part le Royaume-Uni, il n’y a plus vraiment de marchés où les valorisations peuvent être considérées comme attractives. Il n’y a toutefois pas de catalyseur permettant de ressusciter l’intérêt pour les valeurs britanniques, et une valorisation faible est rarement une raison suffisante pour investir dans un marché ».


Economie sous pression


Au niveau macroéconomique, Enguerrand Artaz souligne que les droits de douane imposés par l’administration Trump pourraient être en partie annulés par la Cour Suprême début 2026, une décision qui pourrait contraindre le gouvernement américain à rembourser le trop-perçu. « Cette décision ne sera pas neutre sur la direction des taux longs américains. Il est à présent important de suivre l’impact de ces tarifs douaniers sur l'économie mondiale, et plus particulièrement sur les Etats-Unis ».


Il pointe également la dichotomie économique de ce pays. Certains aspects fonctionnant très bien (les investissements dans l'IA) ont permis de maintenir la croissance sur des niveaux élevés ; alors que d’autres vont moins bien sous la surface d’une activité économique apparemment soutenue. « Par exemple, le marché de l'emploi se dégrade petit à petit avec des créations d’emplois à l’arrêt et de plus en plus de licenciements. De même, la croissance du PIB hors investissements dans la technologie est tombée à 0,1% durant le premier semestre 2025, signe d’une économie quasiment en récession ».


Bulle ou pas


Cette dichotomie se retrouve également au niveau du marché boursier, avec une performance de l’indice S&P500 équipondéré (qui limite le poids des Magnificent Seven) qui a fortement divergé de l’indice S&P500 depuis 2021. « La performance du reste de la cote présente davantage de cohérence avec l’état de l’économie américaine, notamment des valeurs exposées à la consommation privée qui ont fortement corrigé depuis le début 2025 ».


Quant à savoir si la technologie américaine est aujourd’hui une bulle proche de l’éclatement, Enguerrand Artaz souligne qu’il existe beaucoup de différences avec la bulle internet de l’année 2000. En dehors des valorisations « délirantes » de quelques sociétés comme Tesla ou Palantir, il estime que les valorisations demeurent pour le moment cohérentes dans le reste du secteur technologique.


« Mais le fait qu’il y ait des différences avec 2000 est-il suffisant pour valider l’absence de bulle dans l’IA ? Le poids de la technologie, qui atteint 40% du marché américain contre 20% en 2000, est un facteur potentiellement aggravant. Plus qu’une bulle de valorisation, il est important d’évoquer plutôt une bulle de concentration, ainsi qu’une bulle des dépenses d’investissements et de l’endettement, notamment pour des groupes déjà confrontés à une situation financière délicate comme Oracle ».


Il constate que cet endettement se fait de plus en plus au niveau du secteur financier non bancaire (gestionnaires d’actifs, compagnies d’assurance, etc.). « Si les banques semblent moins susceptibles d’être concernées par des défauts dans ce domaine, il conviendra toutefois de rester particulièrement attentif au crédit privé, car certains éléments pourraient devenir inquiétants dans cette sphère ».


Plein de bonnes raisons


Pour le reste de l’allocation d’actifs pour entamer l’année 2026, Enguerrand Artaz souligne que les bonnes nouvelles attendues pour l’Europe devraient maintenir l’intérêt pour le Vieux continent durant les prochains mois. « La patience reste nécessaire compte tenu des décisions politiques en provenance d’Allemagne. Selon nous, il y a encore de nombreuses bonnes raisons de regarder l'Europe avec une décote qui reste importante par rapport aux Etats-Unis ».


« L’inflation est attendue en dessous de 2% en 2026 avec une croissance à peine supérieure à 1%. Il faudra se demander si la baisse agressive du bilan de la BCE se justifie encore dans les circonstances actuelles ». Il estime dès lors que la BCE pourrait progressivement se montrer moins agressive et baisser une à deux fois son taux directeur pour soutenir la croissance économique.


« Tant que la BCE refusera de tels ajustements, l’environnement risque de rester difficile pour les petites et moyennes capitalisations ». Inversement, la bonne performance du secteur bancaire pourrait encore se prolonger au début 2026. « Sur les vingt dernières années, le secteur bancaire continue d’afficher la pire performance. Il y a encore de la marge pour le redressement des cours ».