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Argentine : vont-ils y arriver ?
Calendar23 Aug 2019
Thème: Macro
Maison de fonds: Legg Mason

Par Alberto J. Boquin, analyste chercheur chez Brandywine Global (une filiale de Legg Mason).

Les décotes élevées des obligations argentines reflètent-elles les risques que représentent les prochaines élections ?

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Alberto J. Boquin

Dès juin 2017, nous nous sommes montrés confiants quant à la possibilité pour l’Argentine de se défaire définitivement de son statut de mauvais payeur. Nous justifiions notre optimisme par la nécessité pour le pays de surpasser son “péché originel”. Or, cela ne s’est pas produit. Début août, les primes de risque étaient déjà adaptées pour tenir compte de l’augmentation de l’incertitude politique : les obligations en dollars américains échéant en 2027 et émis en 2017 avec un coupon de 6,875 %, se négociaient à plus de 12 %. Les résultats des élections primaires du 11 août ont choqué les marchés car Cristina Kirchner a obtenu 15 points de pourcentage de plus que l’actuel président Macri. Les jours suivants, le cours de change du peso est passé de 45 à 60 pesos pour un dollar américain. Comme la plus grande partie de la dette argentine est libellée en devises fortes, l’évolution du peso argentin a attisé l’inquiétude quant à la viabilité de la dette. La crainte d’un événement de crédit a augmenté suite à une hausse des hypothèses de défaut de paiement pour les obligations en dollars, de 20 % à 75 % environ.

Les marchés des obligations doivent-ils considérer un défaut de paiement comme une quasi-certitude ? Oui et non. Premièrement, les craintes du marché peuvent s’autoréaliser quand un emprunteur solvable perd la capacité de refinancer sa dette. Heureusement pour l’Argentine, bon nombre de ses dettes – pour 4,5 milliards de dollars au total – n’arrivent à échéance qu’en 2021. D’ici là, les paiements des coupons et le refinancement des obligations de l’État argentin représenteront un défi pour le pays, mais la banque centrale détient plus de 60 milliards de dollars de réserves brutes. Cela représente 1,4 fois la masse monétaire et 13 mois d’importations.

La tranche suivante de l’argent fourni par le FMI est prévue pour la mi-septembre. Mais avec un rapport dette brute actuelle/produit intérieur brut (PIB) de plus de 100 % (suite à la dévaluation du peso), il n’est pas certain que l’Argentine puisse répondre aux conditions du FMI. Les emprunteurs doivent en effet prouver qu’ils peuvent rembourser leurs dettes. Heureusement, un tiers environ de la dette est aux mains d’autres entités du secteur public, de sorte que la dette nette est davantage de l’ordre de 65 %. Néanmoins, l’Argentine a besoin de sources de liquidités supplémentaires, comme un accord de swap avec une banque centrale étrangère.

L’évolution du taux de change sera cruciale pour l’avenir. La dévaluation qui devait s’opérer progressivement en l’espace d’une année a eu lieu en un jour. Suivant certaines de nos estimations, le peso se négocie de nouveau dans le bas de la fourchette des valorisations.

La probabilité existe que le cours actuel décourage l’usage croissant du dollar par la population locale et que le dynamisme des comptes courants s’améliore rapidement à court terme. Les déclarations politiques doivent également être suivies de près. Les deux candidats à la présidence se sont dits prêts à poursuivre le remboursement des dettes, mais compte tenu de l’histoire de l’Argentine, le scepticisme des marchés est justifié.

Les obligations en dollars se négocient à présent à moins de 50 cents/dollar, ce qui représente une baisse de cours d’environ 15 cents dans un scénario de défaut de paiement, et une hausse de cours de plus de 50 cents si l’obligation est remboursée. Un défaut de paiement ou une “restructuration amicale” ne peut être exclu en ce moment, mais le rapport risque/rendement est devenu encore plus intrigant.