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“Do (not) believe the hype”
Calendar15 Jul 2021
Thème: Investir
Maison de fonds: Ethenea

Par Philip Bold, Portfolio Manager chez Ethenea

Le cycle du hype s’observe dans des segments de marché nouveaux et innovants qui évoluent en permanence. Comment se positionner durant la phase initiale ?
Philip bold
Philip Bold
Technologie des batteries, économie de l’hydrogène et blockchain : ces thématiques ont récemment fait l’objet d’une grande attention sur les marchés boursiers. Les cours des actions sont généralement très volatils et ils peuvent sensiblement s’écarter de la réalité fondamentale de l’innovation sous-jacente au gré du sentiment du marché.

Cette divergence entre attentes et réalité fondamentale est appelé cycle du hype, mise au point à l’origine par Gartner, où l’on distingue cinq phases :

1. Déclencheur d’innovation : une innovation, souvent à l’état expérimental et à petite échelle, attire l’attention, généralement dans les milieux d’experts.
2. Inflation des attentes : les médias s’emparent de l’innovation et la décrivent comme une percée majeure pour différents cas d’application. L’auteur de l’innovation est ainsi sous les feux de la rampe. Le cours de l’action grimpe, généralement accompagné de perspectives de marché prometteuses et soutenu par les commentaires des analystes, sous l’effet des attentes fortes des acteurs du marché. Un cercle vertueux s’installe, la hausse des cours attirant d’autres acteurs du marché. Durant cette phase, la valeur de marché s’éloigne progressivement de la réalité fondamentale.
3. Désillusion : la dure confrontation avec la réalité sous forme de laborieux essais d’implémentation à grande échelle met en évidence la démesure passée. Par ailleurs, les besoins de financement de l’auteur de l’innovation, qui sont généralement couverts par des augmentations de capital synonymes de dilution de la valeur, déclenchent des pressions à la vente. Les acteurs du marché qui avaient alimenté la dynamique haussière au cours de la deuxième phase sont désormais à l’origine de la tendance baissière. L’intérêt du grand public pour l’auteur de l’innovation faiblit et la valeur de marché descend en dessous de la juste valeur.
4. Commercialisation : au fil du temps, l’auteur de l’innovation parvient à faire la preuve de son concept à grande échelle, ce qui ouvre la voie à la commercialisation auprès d’une clientèle de plus en plus nombreuse. La croissance des ventes et du chiffre d’affaires garantit le financement interne du développement de l’innovation. Les attentes, qui se reflètent dans la valeur de marché, deviennent plus réalistes.
5. Adoption de masse : l’innovation initiale arrive à maturité et devient une application standard. Durant cette phase, la réalité et les attentes coïncident largement, en dehors de quelques écarts passagers.

La saga de l’internet constitue un excellent exemple pratique du cycle du hype.

Comment se positionner durant la phase initiale

Le cycle du hype s’observe dans des segments de marché nouveaux et innovants qui évoluent en permanence, parce que son moteur sous-jacent, la psychologie des investisseurs, suit les mêmes schémas. Toutefois, il ne s’agit pas d’une science exacte. Les attentes et la dimension temporelle varient. C’est la raison pour laquelle l’identification d’une technologie émergente (hype) et son positionnement précis dans le cycle n’est valable qu’a posteriori. Mais le principe sur lequel repose le cycle du hype est universel : l’écart entre les attentes et la réalité finit toujours par se résorber. On peut ainsi en déduire des règles de base pour la phase initiale du cycle.

Jeu de hasard : pour se positionner dans la première phase, il faut, premièrement, avoir connaissance très tôt de l’innovation et deuxièmement, être en mesure de l’évaluer précisément à l’aide de paramètres techniques et économiques. La deuxième condition est intrinsèquement contradictoire dans la mesure où une évaluation à ce stade restera rudimentaire et fondée sur des hypothèses. C’est la raison pour laquelle investir dans une entreprise à ce stade relève essentiellement du jeu de hasard.

Irrationalité: les envolées de cours exclusivement motivées par l’espoir ne sont généralement pas durables. De même, l’investissement opportuniste durant la phase de l’inflation des attentes est très risqué compte tenu du décalage manifeste entre réalité fondamentale et valeur de marché. En effet, par expérience, l’irrationalité sous-jacente à la hausse des cours disparaît de manière imprévisible et brutale.

Opportunité potentielle : la phase de désillusion peut se prêter à l’initiation d’une position à long terme. D’une part, l’évaluation de la capacité de commercialisation s’est vérifiée. D’autre part, la dynamique baissière précédente peut donner lieu à une valorisation intéressante. Mais durant cette phase également, un investissement peut s’avérer risqué compte tenu du niveau d’incertitude encore élevé et sa réussite (selon l’horizon d’investissement) dépendra également du timing.