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Le monde face à la surchauffe climatique et économique
Calendar10 Nov 2021
Thème: Macro
Maison de fonds: DNCA Investments

Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA

Les résultats du troisième trimestre confirment que les entreprises européennes et américaines, pour la plupart, semblent être définitivement sorties de la récession bénéficiaire la plus courte de l'histoire. D'un point de vue macroéconomique, les indicateurs avancés partagent cette résilience : les indices des directeurs d'achat et de confiance du consommateur ralentissent moins que prévu ou se reprennent déjà et confirment que l'expansion se poursuit. Surtout, les variables économiques les plus inertes, les plus lentes à s'inverser, les plus difficiles à influencer se sont désengourdies et arborent les signes d'une vitalité inédite depuis vingt ans. Le chômage continue de se comprimer, les salaires progressent à un rythme jamais vu depuis les dix dernières années parallèlement à l'inflation générale qui devrait s'inscrire au-dessus entre 4% et 6% en 2021 de part et d'autre de l'Atlantique et de la Manche. Indicateur historique de l'activité économique, la consommation de pétrole renoue avec son niveau pré-covid : elle excède déjà le seuil d’avant crise de 100 millions de barils par jour selon BP … alors que l'intensité "pétrolière" du PIB ne cesse de décroitre (il faut deux fois moins de barils qu'en 1990 pour générer 1000$ de croissance économique) et que certains grands clients de l'industrie pétrolière, comme les compagnies aériennes (6% de la demande totale de pétrole) ne sont pas encore totalement sortis de convalescence…

Bien que rassurant en termes économiques, le rebond de la consommation d'hydrocarbures va aggraver la facture climatique de la reprise. Le Global Carbon Project déplore ainsi que les émissions de carbone puissent grimper davantage que prévu, jusqu'à près de 6% en 2021, en ligne avec la croissance du PIB mondial, atteignant un montant total de plus de 36 milliards de tonnes sur l'année quand il faut au monde réduire ce bilan de près d'un milliard et demi de tonnes par an pour ralentir le réchauffement climatique.

Heureusement, en l'absence de Trump, il n'est guère de dirigeant du G20 qui puisse à la COP26 de Glasgow remettre en cause le réchauffement climatique. Il faudra cependant à Biden savoir de quel côté de la balance faire pencher son discours : on ne peut totalement s'engager pour le climat tout en pestant contre les prix du pétrole élevé et en reprochant à l'OPEP de ne pas produire assez…Le monde ne manque pas de statistiques météorologiques qui non seulement confirment mais permettent aussi de prévoir la trajectoire thermique de la planète et ses conséquences sur les écosystèmes. Elles confèrent un caractère difficilement réfutable au réchauffement climatique, et attestent, en l'absence de réaction de notre part, de sa tragique permanence.

La surchauffe économique, la mère de l'inflation, est censée, au contraire, être un phénomène transitoire, sous-contrôle. C'est en tout cas le message que Lagarde et Powell martèlent au marché qui tantôt le conteste ou tantôt capitule et l'accepte. Mais jusqu'à quand ? La décision de la BOE, cette semaine est périlleuse. Au sein du G7, le Royaume-Uni est en première ligne face à l'inflation : la façon dont sa banque centrale négociera sa gestion est un symbole pour la crédibilité des banquiers centraux occidentaux. En maintenant sa politique inchangée, Bailey s'engage sur une voie dangereuse qui peut ébranler l'actif le plus précieux des banques centrales occidentales : leur crédibilité.

Ne pas ajuster les taux directeurs quand l'inflation dérape, que le Sterling se déprécie et que les rendements exigés par les marchés sur les bons du trésor se renchérissent est une décision téméraire qui peut ébranler la confiance des investisseurs. Le pays a déjà subi une crise équivalente dans les années 1970… Mais il n’est nul besoin de remonter aussi loin pour se figurer le prix de la défiance des marchés.

Il suffit de porter le regard vers les portes de l’Europe, en Turquie, où la fuite des capitaux, l’effondrement de la lire et l’inflation (20% par an) devrait bientôt rappeler à Erdogan, devenu président de facto de la banque centrale, le coût social, économique et humain de son interventionnisme.