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Barbares contre colombes
Calendar01 Mar 2022
Thème: Macro
Maison de fonds: DNCA Investments
Thomas planell
Thomas Planell

Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA

Les missiles de croisière Kalibr tirés sur la ville de Lviv sont tombés à quelques kilomètres du « limes » polonais de l’Union européenne. 10 ans après la crise de l’Euro, 6 ans après le Brexit, la forteresse Europe qui a su traverser les difficultés nationalistes et parfois séparatistes (Catalogne, Nord de l’Italie) voit à ses portes surgir la forme d’antagonisme la plus grave, presque oubliée : la guerre, moderne, totale, barbare… Les actions européennes ont ainsi abandonné près de l’intégralité de leur surperformance vis-à-vis des marchés américains en quelques séances. L’Euro régresse vers les points bas de 2014 face au dollar. A 13,3 fois, les bénéfices des douze prochains mois (contre 18,8 fois pour le S&P500), la valorisation du MSCI Europe se rapproche des niveaux de mars 2020.

Ainsi que l’annonçait le Président de l’Eurogroup, Paschal Donohoe, au cours d’un sommet exceptionnel vendredi, l’offensive russe « ne vise pas seulement l’Ukraine, mais les valeurs de la démocratie en général, qui sont celles de l’Union». Epaulée d’un Bruno Lemaire fermement déterminé à sanctionner la Russie, Christine Lagarde s’est présentée comme le bras financier de la réponse européenne. Sans remettre en cause sa mission première d’assurer la stabilité des prix, la BCE fera tout ce qui est nécessaire afin d’aider l’économie à absorber l’effet négatif que ce choc géopolitique - et les sanctions qui en découlent - pourrait infliger à l’économie européenne. Succédant au volte-face du faucon de la Banque centrale autrichienne, Robert Holzmann, devenu colombe, ces déclarations ont amené les marchés européens à n’anticiper non plus deux, mais une seule hausse des taux en Europe en 2022. Au sein de la Banque centrale, on se prépare donc au ralentissement possible de l’économie européenne…

Car au-delà du théâtre d’opérations ukrainien où le pire (lâcher des troupes de choc de Kadirov sur Kiev) comme le meilleur (cessez-le-feu) restent possible à court terme, plusieurs scénarios d’affrontement diplomatique se dessinent entre la Russie et le reste du monde… Et malheureusement, dans chacun d’entre eux, l’Europe apparaît comme la première victime économique collatérale. Premier otage de la guerre énergétique menée par Poutine (les volumes de gaz livrés par la Russie ont déjà baissé d’un tiers depuis l’épidémie de Covid), le continent est touché par une inflation générale qui ne ralentit pas, à l’image des prix à la consommation qui bondissent en France en février (+4,1% !). Alors, face à l’extrême instabilité politique et énergétique que crée ce scénario du pire, il est à craindre que les investisseurs exigent durablement une prime de risque supplémentaire sur les actifs européens au fur et à mesure que les perspectives de croissance de la zone euro sont érodées par l’inflation des matières premières. Ce sommet de l’Eurogroup laisse cependant entrevoir quelque lueur d’espoir : une Europe de la défense, unie et renforcée par cette crise pourrait émerger… C’est peut-être déjà ce que pensent les investisseurs, finalement peu paniqués, qui ont plébiscité les valeurs de défense européenne !