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Stagnation historique dans le marché automobile européen: faut-il encore investir dans ce secteur ?
Calendar19 Dec 2024
Thème: Investir
Maison de fonds: DPAM

Par Bernard Lalière, Head of Credit, et Bart Jooris, CFA, Buy-Side Credit Analyst chez DPAM

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Bernard Lalière
Le marché automobile européen est dans l’impasse. Autrefois symbole de la prospérité et de l’innovation de l’après-guerre, le secteur se trouve aujourd’hui dans un état de stagnation. Les nouvelles immatriculations de véhicules légers sont obstinément inférieures de 4 millions d’unités aux niveaux d’avant la pandémie, et la reprise attendue semble inaccessible.

Au cœur de ce ralentissement, nous trouvons une interaction complexe de facteurs. En Europe et aux États-Unis, les consommateurs manifestent une hésitation notable à l’égard des véhicules électriques à batterie (BEV). Les inquiétudes soulevées par des prix d’achat élevés, une autonomie limitée et la fiabilité de l’infrastructure de recharge ont tempéré l’enthousiasme pour ces nouvelles technologies. Cette réticence se manifeste dans un contexte où les prix des voitures neuves ont augmenté de plus de 30 % au cours des cinq dernières années, dépassant la croissance modeste du revenu disponible des ménages. En conséquence, le pouvoir de fixation des prix des constructeurs s’estompe.

Le climat économique général jette également une ombre sur l’industrie. L’Europe est aux prises avec une faible croissance économique et de nombreux ménages ont du mal à y faire face. Au lieu d’investir dans de nouveaux véhicules, les gens choisissent d’utiliser leurs voitures existantes plus longtemps. Cette tendance se reflète dans l’augmentation de l’âge moyen des véhicules sur le continent.

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Immatriculations de voitures neuves dans l’UE (gauche), Âge moyen du parc automobile de l’UE (droite) - Source : ACEA, DPAM; 2024

Les politiques publiques ajoutent une nouvelle couche de complexité. Les subventions et les incitations à l’achat qui soutenaient autrefois le marché ont été réduites. L'Allemagne, par exemple, a réduit ses primes à l’achat en décembre 2023. Le gouvernement français continue également à réduire son soutien au segment des véhicules électriques. Il a récemment annoncé que le bonus écologique serait considérablement réduit pour les voitures particulières, tandis que le bonus écologique pour les véhicules utilitaires légers serait entièrement supprimé. Ces changements de politique suppriment un mécanisme de soutien crucial pour les véhicules électriques à batterie et viennent grossir les défis croissants de l’industrie.

En Chine, la situation présente ses propres difficultés. La demande de véhicules haut de gamme diminue et la concurrence intense dans les segments inférieurs du marché entraîne des problèmes de surcapacité. Les différends tarifaires compliquent encore les choses, créant des barrières supplémentaires pour les constructeurs actifs à l’échelle mondiale.

Les entreprises réagissent par des réductions de coûts

Les fournisseurs de pièces automobiles tels que Forvia, Hella, ZF Friedrichshafen, Continental et Schaeffler ressentent la pression. S’il est vrai que la baisse des coûts des matières premières peut sembler une mince consolation, il n’en demeure pas moins qu’elle ne suffit pas à compenser l’augmentation des frais de main-d’œuvre, des coûts de recherche et de développement, et les exigences financières croissantes liées au lancement de nouveaux modèles. Les pressions sur les coûts compriment les marges et laissent peu de place à l’erreur.
Bart jooris
Bart Jooris

En réponse à ces pressions, les entreprises veulent prendre des mesures décisives, mais se heurtent parfois à la résistance des gouvernements (comme Volkswagen en Allemagne et Stellantis en Italie). La surcapacité est traitée par des mesures de réduction des coûts, y compris des réductions d’effectifs. Ces mesures, bien que nécessaires d’un point de vue commercial, ne s’attaquent pas au problème plus important. Le problème fondamental de la faiblesse de la demande, étroitement liée à une croissance économique chancelante et aux incitations gouvernementales, n’est toujours pas résolu.

La sélection comme clé du succès pour les investisseurs

Les investisseurs nagent dans l’incertitude. Le creusement des spreads de crédit dans le secteur incite à la prudence. La volatilité accrue reflète la faible visibilité de la trajectoire future de l’industrie. Si certaines entreprises conservent des bilans solides et des réserves de liquidités, cette solidité financière est tempérée par l’imprévisibilité des conditions de marché.

Cela ne signifie pas pour autant que l’ensemble du secteur soit dépourvu d’opportunités. Les investisseurs pourraient envisager de se concentrer sur les fabricants d’équipements d’origine (OEM) et les fournisseurs de qualité affichant une empreinte géographique diversifiée. Les entreprises qui répondent aux besoins du marché du remplacement pourraient être mieux positionnées, étant donné que le vieillissement du parc automobile nécessite un entretien continu et le remplacement des pièces usées. Les primes de risque élevées actuellement associées aux entreprises solides pourraient offrir des rendements attrayants à ceux qui sont prêts à affronter prudemment les risques nécessaires.

Pour l’instant, la sélection est décisive. Faire des choix éclairés quant à l’affectation des capitaux peut faire la différence entre les profits et les pertes. L’heure est à la diligence et à la réflexion stratégique plutôt qu’aux investissements audacieux et radicaux.