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L’inflation comme juge de paix
Calendar01 Aug 2025
Thème: Investir
Maison de fonds: DNCA Investments
Dnca


Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion DNCA Investments.


Rarement les investisseurs n’ont scruté d'aussi près la publication du CPI*. Et pour cause, l'inflation se retrouve au centre d'un bras de fer entre la Réserve Fédérale qui s'inquiète des répercussions de la politique tarifaire de l'administration américaine, et cette même administration qui souhaite alléger au plus vite le fardeau du service de la dette grâce à la baisse des taux directeurs.


Une rapide lecture des grands postes de dépenses fédérales permet de mieux comprendre pourquoi le Président américain met autant sous pression l’institution monétaire : sur les sept trillions de dollars de dépenses, quatre concernent les dépenses non discrétionnaires. Les dépenses de défense sont par nature difficilement ajustables et malgré les effets de manche, le DOGE n'a pas atteint son objectif de réduction de dépenses discrétionnaires (un trillion de dollars). Reste donc le trillion de dollars de remboursement de la dette, avec les taux directeurs comme variable d'ajustement.


Chaque camp a trouvé dans la dernière publication du CPI des éléments allant dans son sens. L'inflation de base est sortie sous les attentes pour le cinquième mois consécutif (+0,2 % m/m contre une attente à +0,3 %), permettant à Donald Trump de réitérer sa demande de baisse des taux, cette fois de 300bp ! Mais le comportement de certaines composantes est annonciateur d'une tendance haussière : le prix des biens les plus exposés à la hausse des tarifs douaniers accélère. A titre d’exemple, le prix des appareils électroménagers enregistre sa plus forte progression mensuelle depuis 1999 (+ 1,93 % m/m). Ces signaux faibles semblent suffisants pour confirmer la posture attentiste de la Fed, comme l'a encore confirmé récemment le gouverneur de la Fed régionale de New York, qui juge la politique monétaire « entièrement appropriée ».


Face à cet immobilisme, les conseillers du président ont accentué leur pression sur Jay Powell, l'accusant d'une mauvaise gestion de la rénovation du siège de la Réserve Fédérale pour la modique somme de 2,5 milliards de dollars. L'argument ne semble pas avoir fait mouche auprès des investisseurs, si l'on en croit le site de paris Polymarket : la probabilité d'un départ cette année n'est que de 18 %.


À la décharge de la Fed et de son président, la mission de maîtrise de l'inflation paraît sinon impossible, au moins très ardue. En effet, les deux grandes composantes de cette équation économique (droits de douane et entreprises) ne sont pas figées. Après avoir conclu les négociations commerciales avec l'Europe, l'administration américaine semble désormais cibler les pays d'Asie du Sud-Est qui servent au contournement des taxes imposées à la Chine. Le taux effectif moyen qui est passé de 2,3 % en début d'année à 13 % actuellement a donc encore vocation à évoluer.


Le comportement des entreprises est également difficilement modélisable. Celles-ci, en anticipation du Liberation Day avaient largement sur stocké, repoussant de facto la nécessité de choisir entre passage du coût incrémental aux agents économiques en bout de chaîne (les ménages) et absorption par les marges. À ce titre, il sera instructif d’écouter les messages des directions à l'occasion de la saison des résultats semestriels qui vient de débuter.


Quant aux investisseurs, ils ont choisi leur camp et revu leurs perspectives de baisse de taux directeurs. Les futurs « pricent » désormais 45bp de baisse de taux d’ici la fin de l'année, contre 65bp en début de mois. Dans le même temps, le point mort d'inflation à deux ans est remonté au-dessus de 2,7 % (+20bp). De plus, ils considèrent toujours la guerre tarifaire comme le principal risque pesant sur la croissance mondiale.


Mais ce risque semble limité si on en croit le dernier sondage de Bank of America : 9 % des investisseurs anticipent actuellement un hard landing de l'économie mondiale, contre 49 % au lendemain des premières annonces tarifaires de Donald Trump. De plus le niveau de liquidité des portefeuilles, mesure du degré d'optimisme, est repassé sous les 4 %. Il semble donc que le TINA** soit devenu la grande tendance de l'été, au moment même où la saisonnalité est historiquement défavorable aux marchés actions…


*Consumer price index

**There is no alternative