Par Francis Muyshondt.
Hüseyin Turan, gestionnaire de fonds du J. Safra Sarasin Tech Strategy, lancé en mai 2018, reste convaincu que le secteur technologique occupe une place essentielle dans un portefeuille diversifié. Selon lui, des avancées technologiques disruptives, telles que l’IA de pointe, les véhicules autonomes et l’informatique quantique, sont en préparation. Il privilégie aujourd’hui les technologies de rupture et les entreprises résilientes.
Tendances disruptives
Turan identifie trois grandes tendances sur le marché technologique. Premièrement, bien que l’IA soit omniprésente dans les discours, elle en est encore à ses débuts. « Les serveurs dédiés à l’IA ne représentent qu’une faible proportion de l’ensemble des serveurs, ce qui montre un potentiel de croissance considérable. De plus, l’avènement de l’IA générative marque seulement le début de ce voyage. » Il cite également l’émergence de l’IA de pointe, qui inclut des innovations comme les assistants personnels sur smartphone, capables de résumer des emails ou d’organiser des voyages.’
La seconde tendance concerne les progrès des véhicules autonomes, avec des acteurs comme Waymo et Zoox qui étendent leurs activités dans plusieurs villes. « Ces technologies, autrefois perçues comme de la science-fiction, deviennent de plus en plus viables grâce aux avancées en puissance de calcul et en algorithmes d’IA. »
Enfin, l’informatique quantique constitue un domaine prometteur. « Cette technologie pourrait surpasser l’IA en termes d’impact, grâce à une puissance de calcul décuplée. Elle pourrait révolutionner des secteurs comme la pharmaceutique et la cybersécurité. Les implications en matière de cryptographie sont également majeures, des pays comme la Chine investissant massivement dans l’objectif de contourner les méthodes actuelles de chiffrement. »
Technologies de rupture et résilience
Dans la gestion de son fonds, Turan favorise les entreprises dites « deep tech » et résilientes. « Le deep tech désigne des entreprises offrant une expertise technologique profonde et une proposition de valeur unique, difficile à répliquer. » Il cite des exemples comme Applied Materials et Onto Innovation, essentiels à la fabrication de semi-conducteurs, ainsi que Microsoft et ServiceNow dans le domaine des logiciels. La cybersécurité est également une priorité, dans un monde toujours plus digitalisé.
La résilience est un autre critère clé. « Je définis la résilience comme la capacité d’une entreprise à s’adapter et à prospérer face aux défis, qu’ils soient liés à des évolutions du marché, des avancées technologiques ou des changements réglementaires. » Parmi les entreprises exemplaires en matière de résilience, il mentionne Meta et Palo Alto Networks , qui ont su évoluer face à des défis majeurs.
Une bulle en vue ?/p>
La technologie est-elle surévaluée ? Turan rejette la comparaison avec la bulle technologique de 2000. « Les entreprises actuelles, comme Nvidia , se négocient à des valorisations en ligne avec leurs moyennes historiques. Contrairement à l’époque, où des entreprises vendaient à des acteurs locaux instables, les entreprises modernes collaborent avec des clients solides et globaux. »

Selon lui, les valorisations actuelles sont justifiées par des modèles économiques supérieurs, des marges élevées et leur importance stratégique sur le marché mondial. Il souligne également l’effet positif de facteurs cycliques, comme la baisse des taux d’intérêt et l’augmentation des dépenses technologiques des entreprises.
Les défis géopolitiques
Concernant les tensions géopolitiques, Turan reconnaît qu’elles peuvent engendrer de la volatilité à court terme. Cependant, il reste optimiste sur le long terme. « Les avancées technologiques sont inévitables, motivées par la curiosité et l’ingéniosité humaines. » Il distingue toutefois les segments technologiques en fonction de leur exposition aux risques géopolitiques, notant que les semi-conducteurs sont particulièrement vulnérables.’

Et l’Europe ?
Turan se montre critique vis-à-vis de l’innovation en Europe, qu’il juge en retard par rapport aux États-Unis et à la Chine. « L’Europe contribue très peu aux investissements technologiques. Historiquement, des acteurs majeurs comme Ericsson et Nokia dominaient, mais cela a changé. Une réglementation trop stricte freine l’innovation. »
Il appelle à un cadre réglementaire plus équilibré et à une culture de prise de risque similaire à celle des États-Unis, où les entrepreneurs sont davantage motivés par des participations directes au succès de leur entreprise.
Portefeuille et performances

En réduisant ses positions à la fin de la crise technologique de 2022, le fonds a enregistré d’excellents résultats en 2023 et 2024. Benchmark-agnostique, le fonds a surperformé sa catégorie Morningstar de près de 30 % depuis son lancement.

Malgré la volatilité possible, Turan reste confiant : « La technologie offre d’importantes opportunités d’investissement grâce à ses fondamentaux solides et à ses perspectives prometteuses. » Sa recommandation : « Ne tentez pas de synchroniser le marché technologique, mais adoptez une vision à long terme. »