
Stéphane van Tilborg, Country Head Benelux, La Financière de l'Echiquier.
Le black-out survenu le 28 avril en Espagne et au Portugal a réanimé les débats sur la transition énergétique de l’Europe. Alors que la panne géante a fait ressurgir les accusations de certains envers les énergies renouvelables, rendues responsables d'un déséquilibre entre production et demande d'électricité en raison de leur caractère volatil, les conclusions de l’enquête n’ont à ce jour confirmé aucune piste. Mais cet événement a rappelé avec force une impérieuse nécessité : la résistance et la bonne gestion des réseaux électriques sont indispensables à la sécurité énergétique de l’Europe. Leur financement est une priorité.
BESOIN D’ÉLECTRIFICATION
L’électrification de l’Europe est essentielle à la réussite de la stratégie de transition énergétique du continent, pour lutter contre le réchauffement climatique. C’est également un élément de souveraineté face à ses dépendances aux énergies fossiles qu’elle importe massivement. La Commission européenne a annoncé, le 6 mai dernier, son intention de supprimer les importations de gaz russe d’ici fin 2027, alors qu’il représente 19% de la consommation de gaz en 2024. Pour éviter de remplacer une dépendance par une autre, le gaz naturel liquéfié (GNL) américain par exemple, l’électrification est un impératif. Réussir le scénario d’électrification de l’Agence Internationale de l’Energie est un défi titanesque. Il faudra amener la part d’électricité d’environ 23% de la demande énergétique finale en 2022 à 57% en 2050, et les énergies renouvelables devront grimper de 42 à 90% du mix électrique d'ici 2040 [1].
NÉCESSITÉ D’INVESTIR DANS LE RÉSEAU
Or, le réseau électrique de l’Europe est vieillissant. Près de 40% des 11,3 millions de km de lignes électriques ont en effet plus de 40 ans. Ce réseau doit donc être rénové et étendu afin d’absorber l’électrification massive à venir – véhicules électriques, pompes à chaleur, besoins industriels.... La Cour des Comptes européenne prévoit dans son rapport d’analyse une hausse de la consommation de 60% aux heures de pointe d’ici 2050. Elle prévient que des « investissements considérables » doivent être réalisés dans les 27 pays de l'Union européenne, évalués à 1 871 milliards d'euros d'ici 2050.
Cette modernisation doit s’accompagner du renforcement des interconnexions entre pays afin de gérer les fluctuations et générer des économies de plusieurs milliards d’euros par an. A titre d’exemple, le projet Golfe de Gascogne entre les réseaux français et espagnol devrait permettre de doubler les capacités d’échanges d’électricité et d’éviter la perte de 7 430 GWh/an d’électricité verte selon RTE. Les solutions de stockage d’électricité sont également indispensables, à l’image du déploiement des compteurs intelligents pour lisser les pics de demande, et des ‘’prosommateurs’’ – des consommateurs qui produisent leur propre électricité. Face à ces défis, nous sommes convaincus de la nécessité d’accompagner les gestionnaires de réseaux, acteurs clés de cette transformation, à l’image de l’Allemand E.ON , l'un des principaux opérateurs de réseaux en Europe. L’énergéticien a annoncé un plan d'investissement de 42 milliards d'euros destiné à moderniser les infrastructures énergétiques européennes d’ici 2028. LFDE investit également dans Elia , opérateur de réseaux en Belgique, qui travaille sur des interconnexions transfrontalières pour faciliter l'échange d'électricité entre les pays. Son rôle est crucial dans le développement de projets offshore visant à connecter les parcs éoliens en mer aux réseaux terrestres. Autre exemple avec National Grid , au Royaume-Uni, qui développe des infrastructures et des solutions pour intégrer davantage d'énergies renouvelables et améliorer la résilience du réseau avec l’Europe continentale. La transition est l’enjeu du siècle. Investir dans cette thématique d’avenir permettra de répondre à des défis d’envergure.
[1] IAE – Net Zero by 2050 – A roadmap for the Global Energy Sector