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« La demande pour le rendement reste forte »
Calendar10 Jun 2025
Maison de fonds: AllianzGI

Vincent Marioni a rejoint Allianz Global Investors en 2014, après avoir géré plusieurs fonds spécialisés sur le crédit européen, notamment chez Natixis IM. Depuis 2017, il occupe également la fonction de CIO pour le crédit européen. Nous avons récemment eu l’occasion de le rencontrer à l’occasion du Media Day organisé par la société de gestion européenne à Francfort.

Marioni vincent
Vincent Marioni

Quel est l’état du marché du crédit ?

Vincent Marioni : « Après le fort redressement du marché, les différentiels de taux sont retombés sur les niveaux d’avant le Liberation Day du 2 avril dernier, et ne devraient en toute logique plus se resserrer beaucoup plus. Contrairement aux investisseurs en actions, les investisseurs du crédit exigent le versement d’un coupon et d’être remboursés au final. Les fondamentaux sont donc importants, et les résultats du premier trimestre ont montré une bonne résilience. Le taux de défaut est attendu autour de 3% pour les 12 prochains mois, ce qui reste inférieur au taux de défaut moyen à long terme. La situation pour le haut rendement ne montre donc pas une réelle inquiétude, et la tendance est même à une amélioration des notations dans le segment investment grade. Nous pensons que le risque est acceptable, malgré la forte incertitude liée à la guerre tarifaire ».

Vous avez été surpris par ce qui s’est passé depuis le début de l’année ?

V.M. : « Le marché était extrêmement complaisant, tout en voyant les premiers signes de risque se matérialiser, avec une date de l’annonce des tarifs qui était extrêmement télégraphiée. Les investisseurs ont été surpris par cette rupture qui a provoqué une phase de volatilité extrêmement élevée. Nous sommes ensuite assez rapidement revenus vers les différentiels qui prévalaient avant le 2 avril en considérant que les barrières douanières ne seront pas mortelles pour la plupart des émetteurs ».

Quels sont les secteurs que vous appréciez plus particulièrement ?

V.M. : « Le secteur financier européen continue d’avoir des fondamentaux très solides, qui sont en amélioration constante depuis près de dix ans. Les régulateurs ont fait un excellent travail, avec un secteur bancaire qui est désormais rentable et deux à trois fois plus capitalisé que lors de la grande crise financière, avec des prêts non performants qui ont continué de baisser. En cas de récession ou de croissance plus faible, les banques seront donc nettement plus robustes que par le passé. Nous sommes donc positifs sur les émetteurs bancaires avec un rendement correct dans les émissions subordonnées ».

Pourquoi ce segment reste plus volatil en dépit de l’amélioration des fondamentaux ?

V.M. : « En fait, la volatilité sur ce segment s'est réveillée au moment de l'épisode Crédit Suisse, qui a constitué une piqûre de rappel pour les investisseurs sur le fait qu’il est possible de tout perdre, en particulier sur les segments les plus subordonnés. En termes de risque, cette partie du marché est également comparable au risque sur les actions, avec des cours qui vont donc être davantage impactés par un risque de récession ».

Vous êtes positionnés sur les banques périphériques ?

V.M. : « Oui, car elles ont fait un énorme travail de nettoyage des bilans depuis la crise des souverains, que les banques d’autres pays n'ont pas forcément fait, notamment en termes de fermeture d'agences. Elles ont désormais des structures de coûts qui sont nettement meilleures que des banques allemandes ou françaises, avec des niveaux de profitabilité qui sont vraiment très forts »

Et le secteur immobilier ?

V.M. : « Le secteur a été affecté par la remontée des taux avec une prime qui était remontée sur des niveaux très élevés. La thématique favorable pour ces émetteurs reste valide, avec un cycle de baisse des taux en Europe qui va impacter favorablement la situation de ces entreprises et un marché qui est désormais ouverts à leur refinancement. Nous restons néanmoins relativement prudents sur l’immobilier de bureau, en particulier pour les groupes exposés dans les périphéries des grandes villes, avec des bâtiments vides qui ne seront certainement pas occupés avant longtemps. A l’inverse, nous apprécions le résidentiel, avec un rythme de nouvelles constructions qui a drastiquement baissé depuis 2022 ».

Même sur un segment comme l’automobile, la demande du marché reste assez forte…

V.M. : « Certaines émissions ( Valeo , Volkswagen ) ont été récemment sursouscrites a plusieurs reprises. La demande pour du rendement reste encore très forte et continue d’influencer massivement le marché du crédit. Les investisseurs estiment que la situation économique actuelle est suffisamment robuste et résiliente, même si l’émission provient d’entreprises qui risquent de traverser des trimestres moins bien orientés en termes de résultats financiers ».

Vous êtes dans la même logique ?

V.M. : « Oui. Dans un environnement où la banque centrale européenne continue de descendre son taux directeur, notre scénario est qu'à un moment ou à un autre, les sommes considérables investies dans les placements monétaires devraient logiquement se diriger vers les marchés du crédit. Il y a de la prime sur le marché, et c'est notre travail de gestionnaire d’aller chercher la valeur sur ces émissions. Nous avons plutôt un portefeuille globalement moins cyclique que l'univers d'investissement, mais il ne faut pas hésiter à aller s'investir sur des émissions d'émetteurs cycliques si elles offrent une valeur attractive ».

Quelles est votre approche sur le secteur automobile ?

V.M. : « Les vents contraires sont forts depuis l'été 2024 avec une baisse des ventes en Chine, et une demande faible en Europe. Nous pensons qu'il faudra du temps aux constructeurs européens pour s'adapter à cette nouvelle situation avec une surcapacité importante qui va nécessiter des restructurations. Dans cette optique, le risque lié aux tafis constitue une menace supplémentaire, en particulier pour les groupes allemands. Et même si la prime sur ce secteur est actuellement élevée, nous préférons restons prudents ».

Les fusions / acquisitions peuvent-elles soutenir le marché ?

« Dans l’environnement actuel, il est difficile de valoriser correctement les entreprises, en particulier celles exposées sur l’économie américaine. Nous pensons donc que les fusions/acquisitions devraient faire une pause tant que les incertitudes sur les tarifs ne sont pas levées. De leur côté, les banques ont retrouvé une certaine marge de manœuvre pour faire des acquisitions, et elles le font plutôt par échange d'actions, sans impacter donc leur situation financière ».

Par Frédéric Lejoint