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De la « fin de l’Histoire » à… des histoires sans fin !
Calendar12 Jun 2025
Thème: Investir

Michel Saugné, CIO, La Financière de l’Échiquier (LFDE) │Edito juin 2025

Le monde d’hier, celui de la mondialisation heureuse, semble définitivement révolu. Après la Pax Americana des années 1990 et 2000, puis le temps suspendu des banques centrales entre 2008 et 2020, nous voici entrés dans une nouvelle ère. Celle des ‘’histoires sans fin’’ : inflation persistante, endettement tous azimuts, vieillissement démographique et déclin de la population active, retour des frontières et du protectionnisme, transition énergétique incertaine, intelligence artificielle triomphante, tensions géopolitiques exacerbées… et une repolarisation extrême des sociétés.

Dans cet environnement en constante évolution, les marchés financiers cherchent de nouveaux repères. La première moitié de l’année 2025 a été dominée par un retour en force de l’Europe et des pays émergents sur la scène économique et boursière. Portée par des plans de relance ambitieux – notamment en Allemagne –, une prime de valorisation plus raisonnable, et une surperformance nette des styles Value et des valeurs domestiques, la zone euro pourrait faire son retour au premier plan dans les allocations de portefeuille. À l’inverse, les États-Unis naviguent entre valorisations tendues, déséquilibres budgétaires croissants, et incertitude politique accrue depuis le retour de l’administration Trump. Si la ‘’Big Tech’’ continue de soutenir mécaniquement les indices américains, la dispersion des performances reste marquée, et le risque d’une nouvelle correction ne peut être écarté.

La technologie, parlons-en, n’est plus un « secteur parmi les autres ». Des années 90 à aujourd’hui, à la faveur de trois révolutions successives – internet, réseaux sociaux puis IA – elle est devenue l’ossature des sociétés et économies modernes. Vie en entreprise, santé, éducation, information, transitions énergétique, politique, sécurité, défense : la « tech », souveraine, irrigue désormais toutes les fonctions vitales de nos économies. Et sa maîtrise est désormais une condition sine qua non d’autonomie politique et économique. L’Europe, bien que souvent perçue en retard, dispose d’un socle technologique profond, stratégique, capable de rivaliser sur des segments critiques. Encore faut-il identifier les bons acteurs, les accompagner… et y investir du capital avec discernement.

Au-delà de la tech, plusieurs thématiques d’investissement s’imposent aujourd’hui comme des opportunités à moyen-long terme. Les petites et moyennes capitalisations européennes, longtemps délaissées, retrouvent de la performance – valorisations décotées, croissance bénéficiaire embarquée, exposition domestique couplée à des plans de relance européens massifs. Le secteur de la défense ensuite, qui bénéficie d’un soutien politique inédit dans un monde en réarmement rapide : l’exemple de Rheinmetall illustre à quel point la géopolitique peut devenir un puissant moteur boursier. Et, sur un air de « Shanghai, Mumbai, Dubai or Goodbye », un ‘’remix’’ des années 2000, et possible futur tube des marchés financiers : les marchés émergents pourraient sortir d’un long tunnel de vingt ans de sous-performance, portés par la faiblesse du dollar, une facture énergétique réduite et une réallocation progressive des flux mondiaux. Reste la grande interrogation : l’Amérique.

Entre outrances à tout-va, (géo)politique et fiscalité incertaines, consommateur sous pression, le retail bull market pourrait être retesté, même si le fameux « TACO trade[1] » – « Trump Always Chickens Out » – a jusque-là permis d’éviter une correction durable.

Dans ce monde redevenu multipolaire, instable mais riche en opportunités, l’investisseur doit faire preuve de discernement, de réactivité… et de mémoire. Car si l’Histoire ne se répète jamais vraiment, elle bégaie souvent. À nous, gérants d’actifs, d’en tirer le meilleur parti.