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Qui achètera la dette américaine ?
Calendar03 Jul 2025
Thème: Macro
Maison de fonds: AXA

Par Gilles Moëc, AXA Group Chief Economist et Head of AXA IM Research

Les spéculations autour du successeur de Powell alimentent la faiblesse persistante du dollar. Alors que le malaise général des investisseurs étrangers vis-à-vis des actifs américains perdure, la question de savoir qui sera le prochain « acheteur marginal » de Treasuries devient de plus en plus pressante. Ces derniers temps, les ménages américains ont joué un rôle clé. Des changements réglementaires pourraient inciter les banques américaines à se tourner vers les Treasuries, mais cela ne constitue probablement pas une solution à long terme.

En dépit du message clair de Jay Powell sur la réticence du FOMC à procéder à des baisses de taux préventives, le marché a revu à la baisse ses anticipations concernant la trajectoire des Fed Funds, probablement en réaction à une nouvelle série de déclarations directes de D. Trump sur la politique de la banque centrale. La désignation anticipée du prochain président de la Fed — matérialisant le scénario très discuté d’une « Fed de l’ombre » — pourrait être le signe avant-coureur d’une volatilité durable. Au-delà du risque de signaux contradictoires dans les mois à venir, faire basculer les Fed Funds vers un territoire nettement plus accommodant sans disposer des données macroéconomiques nécessaires pour le justifier — en supposant que ce serait le choix du candidat nommé par D. Trump — se heurterait vraisemblablement à l’opposition d’une majorité au sein du FOMC. Il arrive que des dirigeants de banques centrales se retrouvent minoritaires — cela s’est produit à la Banque d’Angleterre. Mais la Fed n’est pas la BoE. Compte tenu de son histoire, cela affecterait sa crédibilité.

Cela reste pour l’instant une discussion théorique, mais tout ce bruit a déjà un effet tangible sur le dollar, qui continue de s’affaiblir. L’écart de taux d’intérêt attendu avec l’Europe se réduit désormais plus rapidement, ce qui s’ajoute au malaise général à l’égard du dollar à l’international, alimenté par les perspectives budgétaires américaines et les menaces pesant sur l’indépendance de la banque centrale. À l’approche du vote au Sénat sur le « Big Beautiful Budget Bill », la question du financement des déficits budgétaires américains devient de plus en plus pressante. Tandis que les commentateurs de marché se concentrent sur les tout derniers signes de réallocation internationale, un fait marquant des dix dernières années est le recul progressif de la part des investisseurs étrangers sur le marché des Treasuries américains. Les acteurs domestiques ont pris le relais, les ménages américains ayant joué un rôle décisif au cours des trois dernières années. À long terme, maintenir ce schéma nécessiterait probablement une hausse du taux d’épargne des ménages, qui reste pour l’instant difficile à concrétiser. La recherche du prochain acheteur marginal se tourne désormais vers les banques américaines. Une proposition présentée la semaine dernière par les régulateurs américains permettrait aux banques nationales de dégager une capacité significative pour accroître leur présence sur le marché des Treasuries. Cela pourrait offrir un répit à court terme, mais même si de tels changements réglementaires peuvent « orienter » les banques vers les Treasuries, celles-ci ont déjà fortement accru leur exposition aux titres souverains au cours des quinze dernières années. Au-delà des ajustements techniques, il pourrait exister des limites fondamentales à une telle approche.