
Christopher Dembik, Senior Investment Strategy Adviser Pictet Asset Management.
Finies les craintes de blocage du détroit d’Ormuz ou de 3ème guerre mondiale ! Le marché se concentre de nouveau sur les banques centrales et les statistiques.
Que retenir du récent épisode boursier lié au Moyen-Orient ?
En général, l’impact du risque géopolitique sur les actions est faible. Ce fut prouvé une nouvelle fois. C’est différent pour les marchés moins liquides, concentrés autour de quelques grands négociants, comme les matières premières.
Prenons l’exemple du déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2021 et de son impact sur le gaz naturel. Comme sur n’importe quel marché, les producteurs et les négociants ont recours à des produits dérivés pour se couvrir contre les fluctuations de prix qui peuvent intervenir entre la conclusion d’une transaction et la livraison. Les producteurs ont tendance à se couvrir contre une baisse des prix tandis que les négociants se couvrent dans le sens inverse. Ni les producteurs ni les négociants ne règlent l’intégralité des sommes sur lesquelles portent les produits dérivés utilisés. En cas de pic de la volatilité, ils doivent régler des appels de marges pour s’adapter aux variations de prix des matières premières. Cela permet de garantir la couverture prise et que la transaction arrive à échéance. En règle générale, les appels de marge variables quotidiens peuvent représenter jusqu’à 20% de la valeur du contrat. C’est le fonctionnement normal du marché.
Tout a déraillé avec l’invasion russe de l’Ukraine. Le marché du gaz européen était déjà fragilisé par le choc positif de demande lié à la reprise Covid. S’est ajouté un choc d’offre négatif au pire moment, lorsque les stocks étaient bas. La panique l’a emporté. Les appels de marge quotidiens ont grimpé jusqu’à 80% de la valeur des contrats. Des problèmes de liquidité sont également apparus. Heureusement, le pire a été évité.
Le problème de la guerre entre l’Iran et Israël était assez similaire. L’énergie n’était toutefois pas le marché le plus vulnérable contrairement à ce qu’on a pu lire ici et là, car des routes commerciales alternatives existent. C’était l’urée, un engrais azoté, qui est très dépendante de la voie de passage du détroit d’Ormuz. Un blocus aurait été une épine dans le pied des pays agricoles de la région, comme l’Egypte. Mais pas de quoi générer une crise économique mondiale.
À surveiller
- La publication de l’inflation en juin en zone euro ne devrait pas réserver de surprise (chiffre inférieur à 2% sur un an). La semaine passée, le gouverneur de la Banque de France a ouvert la porte à une baisse supplémentaire du taux directeur. Nous nous attendons à un taux terminal entre 1,50-1,75%.
- Le taux de chômage américain en juin devrait confirmer la résilience du marché de l’emploi. Tant que le chômage, actuellement à 4,2%, ne bondit pas à 4,5%, nous pensons que la Réserve Fédérale américaine n’a aucune raison de se presser pour baisser les taux. Le marché monétaire estime désormais qu’une nouvelle baisse aura lieu en septembre (probabilité de 85%). C’est en ligne avec nos anticipations.
Vous ne l’avez pas lu dans la presse
Comme toujours, les rapports de la Bank of Interrnational Settlements (BIS) sont passionnants. Celui publié la semaine dernière montre que la baisse du dollar n’est pas uniquement liée aux incertitudes entourant la politique économique et budgétaire américaine (fin de l’exceptionnalisme américain). C’est en grande partie la conséquence d’activités de couverture du taux de change de la part d’investisseurs non américains (notamment en Asie) possédant dans leurs allocations d’actifs des actions ou des obligations en USD. C’est l’occasion de rappeler l’importance de la couverture de change en ce moment. Son coût est actuellement de 2,5%. Ça peut être pertinent si on anticipe une baisse du dollar face à l’euro supérieure à ce niveau dans les mois à venir.