
Cette transaction a constitué un choc pour le marché des obligations de crédit. Les craintes de ses implications inflationnistes ont fait grimper les rendements des obligations d'État, tandis que les conséquences négatives sur les bénéfices des entreprises ont encore accru les spreads.
Ermira Marika, Head of Developed Markets Credit, Nithin Mallya, Quantitative Analyst, Nicolas Musolino, Head of Systematic Research, Developed Markets Credit at Pictet Asset Management.
Mais les investisseurs européens en obligations à haut rendement sont bien placés pour profiter de ces bouleversements. D'un côté, la confusion politique risque de nuire de manière disproportionnée à l'économie américaine. De l'autre, lorsque les émetteurs européens subissent des dégradations, l'histoire suggère que des opportunités s'ouvriront à ceux qui sont en mesure d'en tirer parti.
Les émetteurs d'obligations victimes d'abaissements de notation les faisant passer de la catégorie investissement à celle du haut rendement – appelés « anges déchus » – ont historiquement généré des rendements exceptionnels pour les investisseurs qui achètent immédiatement après la dégradation et conservent leurs titres pendant quelques mois. Si, comme le craignent certains économistes, les droits de douane déclenchent une récession mondiale, les anges déchus connaîtront une chute sans précédent depuis des années.
Fig. 1 - Plus ils grimpent, plus les
Fallen Angels surperforment lors des événements de notation, écart excédentaire par rapport à leurs pairs en termes de maturité de notation, points de base

Anges déchus, retours célestes
En capturant ces anges déchus juste après qu’ils aient subi une baisse de leur notation, on obtient des rendements excédentaires de 3,1 points de pourcentage l’année suivante et de 4,5 points de pourcentage les deux années suivantes par rapport à leurs pairs dans l’indice à haut rendement (voir Fig. 1) .
En effet, avant la dégradation, les écarts de crédit sur ces obligations se sont considérablement élargis. Ils se sont ensuite resserrés tout aussi brutalement.
Pourquoi cette hausse et ce retournement de tendance ? Les obligations assorties de perspectives de notation négatives par les agences de notation se négocient généralement à un prix inférieur à celui de leurs pairs, affichant ainsi une prime de spread de crédit. Cependant, les obligations dites « anges déchus » affichent une prime bien plus importante au moment de la dégradation. Ce comportement est principalement lié au fait que les investisseurs en obligations de qualité « investment grade » sont généralement tenus de détenir des obligations notées « junk » (c'est-à-dire à haut rendement), ce qui les contraint à vendre ces obligations. De plus, la taille bien plus réduite du marché du haut rendement amplifie la pression vendeuse. La combinaison de ces deux effets se traduit par une prime de spread de crédit excédentaire moyenne de 120 pb (voir figure 2).
Au plus fort de la pression vendeuse, les « anges déchus » représentent des opportunités d'investissement très attractives et les investisseurs à haut rendement finiront par profiter de la décote en achetant ces obligations. À mesure que le marché à haut rendement, plus restreint, digère ces nouveaux arrivants, la marge des « anges déchus » se resserre et converge vers le niveau de leurs nouveaux pairs, offrant une surperformance considérable aux détenteurs d'obligations. Ce processus prend généralement douze mois.
Fig. 2 - Prime de pression vendeuse
Évolution du spread 2 ans avant et après la dégradation*, points de base *Le graphique montre le spread réel sur les Fallen Angels par rapport à ce qu'il serait sans les ventes forcées des investisseurs limités à la détention de crédits de qualité investissement.

Non omnes pares
Tous les anges déchus ne se valent pas. Les trois quarts d'entre eux affichent des performances supérieures ou comparables à celles de leurs homologues à haut rendement. Mais s'il est important d'identifier les plus performants pour maximiser les rendements, les investisseurs peuvent également améliorer leurs performances en évitant les pires anges déchus. Le profil de rendement du quartile inférieur est à queue épaisse, ce qui signifie qu'éviter les 5 à 10 % d'anges déchus les plus mauvais suffit à améliorer sensiblement les rendements.
Le point de vue des investisseurs sur les business angels
Du point de vue d’un gestionnaire de titres de qualité investissement, prolonger la période de détention d’une obligation rétrogradée à haut rendement par rapport à la fenêtre étroite existante permettrait une vente plus ordonnée sur le marché, entraînant des valorisations moins extrêmes et réduisant donc le coût de liquidation de la position.
Du point de vue d'un investisseur à haut rendement, même si l'achat aveugle d'anges déchus entraînerait une surperformance moyenne, les perspectives pourraient être encore améliorées par une sélection d'obligations plus rigoureuse, évitant les 5 à 10 % les plus défavorisés de ces anges déchus. L'accent devrait être mis sur les fondamentaux de l'entreprise, tels que l'évolution de ses bénéfices et de son endettement, ainsi que la qualité de sa direction.
C'est un vent mauvais qui ne souffle rien de bon, et même dans le contexte actuel de turbulences boursières, des opportunités sont à saisir. C'est particulièrement vrai dans le secteur du crédit, notamment là où les investisseurs providentiels hésitent à s'aventurer, c'est-à-dire à la frontière des notations entre les catégories « investment grade » et « high yield ».