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La politique budgétaire redessine les marchés : DPAM mise sur l’Europe, l'immobilier et l’or
Calendar07 Jul 2025
Thème: Investir
Maison de fonds: DPAM
Yves ceelen
Yves Ceelen

Perspectives multi-assets par Yves Ceelen, CIO Global Balanced chez DPAM

Aujourd’hui, les gouvernements jouent un rôle de plus en plus déterminant dans l’orientation des marchés, marquant l’avènement d’une ère de domination budgétaire. L’époque du fort activisme des banques centrales, caractéristique du début des années 2000, semble révolue. À cette époque, des institutions comme la Fed ou la BCE s’efforçaient de stabiliser l’économie à travers des politiques telles que l’assouplissement quantitatif, la communication prospective (« forward guidance ») ou des baisses de taux rapides. Ces interventions étaient principalement technocratiques et menées de manière indépendante des gouvernements élus.

Depuis la crise du COVID, un changement progressif s’est opéré : les gouvernements ont commencé à reprendre les rênes. L’expansion budgétaire – via des dépenses directes, des subventions et un endettement massif – est devenue la force dominante. Parallèlement, les banques centrales sont de plus en plus contraintes par les effets secondaires d’un endettement élevé. Elles doivent désormais agir avec davantage de prudence. Cela a donné naissance à un environnement macroéconomique dans lequel la Fed hésite à baisser ses taux, de peur de raviver l’inflation.

Ce changement de paradigme redéfinit le rôle du marché obligataire. De manière implicite ou explicite, les banques centrales risquent d’être poussées à soutenir les conditions de financement des États, face à l’ampleur des déficits et à la pression persistante des dépenses publiques. Les investisseurs ne peuvent plus se contenter d’analyser les données d’inflation ou les discours des banques centrales. L’attention se porte désormais sur les budgets publics, les cycles politiques et l’offre obligataire.

Les journaux alimentent la volatilité

Le statut de valeur refuge du dollar américain semble également de plus en plus fragile. La dette publique a dépassé les 36 000 milliards de dollars (environ 120 % du PIB), et les dégradations répétées de la note de crédit soulignent les inquiétudes quant à la capacité de Washington à maîtriser ses déficits chroniques. Dans ce contexte, la hausse des rendements des bons du Trésor est perçue comme un signe de tension budgétaire. L’inflation, quant à elle, reste proche de 3 %, ce qui limite la marge de manœuvre de la Fed pour baisser ses taux ou relancer des achats d’actifs en période de stress. Cela accroît le risque que, même en cas de « fuite vers la qualité », les rendements réels en dollars restent négatifs si l’inflation repart à la hausse.

À cette incertitude macroéconomique s’ajoutent des tensions géopolitiques croissantes, qui alimentent l’anxiété des marchés. Dans une enquête récente, les PDG mondiaux ont cité l’« instabilité géopolitique », les « frictions commerciales » et l’« incertitude réglementaire » comme principales sources d’inquiétude. Ces préoccupations se sont intensifiées au cours des trois à quatre derniers mois. Les gros titres – allant des menaces tarifaires aux tensions géopolitiques – ont déclenché plusieurs épisodes de volatilité. Ces pics de volatilité, déclenchés par l’actualité, se sont clairement manifestés dans les mouvements croisés des marchés actions, crédit et devises.

Toutefois, une forte volatilité n’est pas nécessairement négative. Dans une approche multi-actifs, il est essentiel d’observer à la fois les marchés actions et crédit pour évaluer le niveau de stress. Si l’un réagit et que l’autre reste stable, cela peut signaler une opportunité tactique. En revanche, si les deux évoluent dans le même sens, la prudence s’impose.

Des opportunités à saisir en Europe, dans l’immobilier et l’or

Ces dynamiques ont directement influencé la construction de nos portefeuilles cette année. Du côté des actions, les titres européens bénéficient de valorisations attractives, du soutien budgétaire aux programmes verts et numériques, et d’une monnaie qui ne semble plus structurellement faible. Ils offrent une exposition pragmatique à la croissance mondiale, tout en limitant le risque de concentration lié aux États-Unis.

Les sociétés immobilières cotées apparaissent également bien positionnées pour tirer parti d’un plateau des taux directeurs, même sans baisse marquée. Leur désendettement est déjà en cours, avec une réduction progressive de l’effet de levier. De nombreux secteurs européens conservent un fort potentiel de croissance, notamment ceux axés sur des entreprises domestiques avec des chaînes d’approvisionnement régionales. Cette approche permet de mieux protéger les portefeuilles contre d’éventuelles pressions tarifaires futures.

À l’inverse, l’exposition large aux actions américaines semble pleinement valorisée après des années de surperformance relative. En attendant que les révisions de bénéfices rattrapent les attentes, nous préférons observer plutôt que poursuivre la tendance.

Les obligations américaines paraissent également moins attractives à ce stade. Une exposition sélective reste essentielle. Les obligations d’entreprises de qualité, même à haut rendement, offrent encore une prime de risque intéressante pour compenser la volatilité de fin de cycle, mieux que la plupart des courbes souveraines. Jusqu’à présent, notre approche prudente a permis de limiter les pertes, même lors des ajustements de taux les plus marqués. En revanche, nous évitons les obligations souveraines de long terme tant que la soutenabilité de la dette et les déficits ne sont pas clarifiés.

Enfin, dans ce contexte mouvant, nous continuons à privilégier les composantes de portefeuille indépendantes des objectifs changeants des décideurs politiques. L’or – et parfois l’argent – ont bien rempli ce rôle depuis 2018, profitant à la fois de l’incertitude sur les taux réels et des pics de risque géopolitique. Dans un environnement marqué par la domination budgétaire et les tensions de marché, une allocation mesurée à ces actifs réels reste pleinement justifiée.