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« Une allocation classique ne fait plus de sens »
Calendar11 Sep 2025
Thème: Investir
Maison de fonds: Pictet
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Par Frédéric Lejoint.


La domination budgétaire dans les grandes économies augure de bonnes années pour les performances boursières.


Dans son dernier point mensuel consacré à la situation économique actuelle, Christopher Dembik (Stratégiste chez Pictet Asset Management) s’est intéressé aux conséquences des niveaux d’endettement élevés dans les grandes économies. « En économie, le terme de domination budgétaire est souvent utilisé pour caractériser cette période, où les banques centrales n’acceptent plus de graves récessions et des vagues de chômage massives, avec des interventions massives pour limiter les coûts d'emprunt ».



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Il souligne que la situation actuelle est relativement unique, avec un problème de dette publique qui représente en moyenne 100% du PIB au sein des pays du G10, soit deux fois plus que dans les pays émergents. « Le refinancement de cette dette atteint des niveaux records, ce qui pousse les banques centrales à maintenir les taux bas ». Il pointe que 70% des banques centrales au niveau mondial sont aujourd’hui accommodantes.


Stable coins


Au niveau américain, Christopher Dembik estime qu’une forme de contrôle de la courbe des taux sera mise en place, à l’image de ce qui s’était déjà produit à la fin de la seconde guerre mondiale. « La Reserve Fédérale détient déjà (directement ou indirectement) 30% du stock de la dette américaine, et elle est déjà intervenue en mai et en juin dernier. Nous sommes clairement dans une sorte de nationalisation du marché secondaire de la dette publique ».


Ce mouvement est amplifié par les stables coins (actifs numériques émis par des acteurs privés) qui doivent désormais avoir en contrepartie des bons du trésor américain, ce qui va permettre de garder le taux sous contrôle. « En 2024, les émetteurs de stable coins ont acheté pour 40 milliards de dollars de bons du trésor américain, soit deux fois plus que le Japon. Cette demande est donc loin d’être anecdotique, et devrait continuer à augmenter rapidement durant les prochaines années ».


Chine et Europe


La domination budgétaire est également importante en Chine ou en Europe. « En Chine, la banque centrale n’est pas indépendante, avec des politiques de relance mises en place depuis le début de l’année. Le crédit est à nouveau en expansion, ce qui augure d’une croissance économique qui va se raffermer durant les 12 prochains mois. L’indice Shanghai Composite est aujourd’hui sur un point haut de 10 ans, et les fonds spéculatifs étrangers n'ont jamais acheté autant d'actions chinoises ».


Et pour l’Europe, il estime que le point d’entrée n’est plus aussi attractif qu’au début de l’année, même si la BCE devrait maintenir ses taux au plus bas possible, tout en intervenant sur les marchés pour soutenir la France en cas de défiance sur la dette souveraine comme elle l’avait déjà fait en décembre 2024. « Nous constatons que la demande reste soutenue sur les nouvelles émissions. Les investisseurs étrangers sont toujours présents, mais ils demandent simplement un taux un peu plus élevé pour détenir de la dette ».


Sortir du cycle


La domination force aujourd’hui les investisseurs à ne plus réfléchir systématiquement en termes de récession et de cycle économique comme par le passé. « Historiquement, ces périodes de domination budgétaire peuvent durer plusieurs décennies, et ont été historiquement négatives pour les obligations souveraines, et positives sur les actions, en raison notamment d’un coût d'emprunt maintenu à des niveaux bas, ce qui crée un cercle vertueux qui soutient la demande, augmente le chiffre d'affaires et en définitive le multiple des actions en bourse ».


Dans ce contexte, un schéma d’allocation 60-40 ne fait clairement plus et l’exposition sur les marchés boursiers doit donc être augmentée. « Nous continuons d’avoir une conviction forte dans les actions sur l'intelligence artificielle. Depuis novembre 2022, le bénéfice des Magnificent Seven a augmenté de 145%, contre seulement 4% pour les autres entreprises du S&P 500, de sorte que la comparaison avec la bulle de l'Internet des années 1999-2000 ne fait selon nous pas de sens. Elles ont énormément de liquidités, elles peuvent innover et racheter massivement leurs actions ». Les rachats d’actions vont dépasser les 1000 milliards d’euros à partir de 2026.


Chine et Europe


Un autre segment attractif sont les actions environnementales américaines, avec des crédits d’impôts qui ont été confirmés jusqu’en 2033 et qui vont cloisonner le marché pour les acteurs locaux. « Il va devenir compliqué pour les acteurs étrangers de pénétrer sur ce marché qui reste en forte expansion ».


Enfin, sur le segment obligataire, la préférence doit aller aux émissions émergentes en devise locale dans un contexte de baisse du dollar et de meilleure orthodoxie budgétaire. « Dans un contexte de forte anxiété concernant la dette des pays développés, la dette émergente est devenue une classe d’actifs moins volatile et davantage détenue par des investisseurs locaux. C’est une très belle opportunité pour les investisseurs dans les années à venir, avec un rendement à cinq ans tournant autour de 7,4% ».


Allocation d’actifs


Au niveau du dollar, il souligne que le billet vert reste encore surévalué, même après son plongeon du début 2025, et qu’il pourrait rester sous pression dans un contexte de détente du loyer de l’argent aux Etats-Unis durant les prochains mois. « Nous travaillons actuellement sur une hypothèse d’un cours de 1,3 sur l’euro-dollar pour 2026 ».


Il n’estime toutefois pas que la domination du dollar va être rapidement remise en cause dans les échanges commerciaux. « Cela prend généralement plusieurs décennies pour qu’une devise de réserve soit renversée, et le billet vert reste incontournable dans les échanges internationaux ». Les achats d’or des banques centrales émergentes restent néanmoins un terreau favorable pour le métal jaune, avec un objectif de 4000 dollars l’once en 2026. « C’est clairement un positionnement qu’il faut maintenir dans les portefeuilles ».