
Par Frederic Lejoint.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les questions de la souveraineté et de l’autonomie stratégique européenne sont arrivées au premier plan de l’agenda politique, avec en point d’orgue les plans d’infrastructure annoncés durant l’année écoulée dans de nombreux pays. Dans ce contexte, Allianz Global Investors propose une stratégie qui vise spécifiquement les entreprises européennes qui devraient bénéficier de ces efforts durant les prochaines années. Nous avons récemment eu l’occasion de rencontrer Christophe Hautin, le gestionnaire de cette stratégie thématique dans l’air du temps.

Mesures européennes
Dans la pratique, la genèse de ce fonds remonte à 2023. « Nous étions alors déjà depuis un an dans le conflit en Ukraine, avec des enjeux géopolitiques qui devenaient de plus en plus importants. L’émergence du thème de la souveraineté européenne a commencé à provoquer un intérêt croissant chez les investisseurs ». Christophe Hautin souligne que ces enjeux ne remontent par l’invasion russe, et avaient pris des formes différentes dans le passé, notamment lors de l’épidémie du coronavirus lorsque de nombreux pays européens avaient éprouvé des difficultés pour s’approvisionner en masques ou pour se procurer des vaccins. « Nous avions déjà pu nous rendre compte à l’époque de la vulnérabilité de nos entreprises et de nos économies ».
Depuis, de nombreux programmes ont été votés (Repower EU, Chip Act, etc) qui donnent un agenda politique clair de la part de l'Union européenne. « Il y a également une directive actuellement en négociation sur la question de la souveraineté digitale, à l’heure où 75% des entreprises européennes cotées dépendent encore des GAFA américaines pour leurs besoins informatiques. A ce niveau, il y a des vraies questions de souveraineté qui se posent actuellement ». Si certains pays européens disposent d’une marge budgétaire pour financer ces plans, l’argent public seul ne suffira pas. « Des capitaux privés devront être mobilisés, et un fonds comme le nôtre s'inscrit dans cet effort de souveraineté européenne. C’est clairement une thématique porteuse qui intéresse les investisseurs ».
Accompagnement
« Notre stratégie a été initialement lancée en mars 2024 pour le marché français, en prenant l’angle des larges enjeux technologiques qui se posent au niveau européen, notamment ceux liés à la filière des semi-conducteurs. Il a connu une forte progression de ses encours sous gestion qui atteignent désormais 350 millions d’euros, principalement chez les clients particuliers.
Christophe Hautin souligne que cette stratégie est principalement investie dans des sociétés technologique ou innovantes, et qu’un des problèmes de ce segment est la difficulté pour les start-ups prometteuse à trouver les financements lorsqu’elles commencent à grandir. « Nous avons des talents en Europe, mais nous avons également un vrai problème d’accompagnement et de perte d’innovation lorsqu’elles commencent à grossir et cherchent des sources de financement externes pour alimenter leur croissance. Le rapport Draghi de 2024 a très bien mis l'accent sur ce problème, et ce fonds constitue une manière de répondre à ce défi ».
Petites et moyennes
Le fonds est exposé majoritairement sur des sociétés européennes ayant cette dimension innovante et technologique forte, avec une approche forte en termes de sélection fondamentales des différentes valeurs en portefeuille. L’univers d’investissement inclus 800 valeurs, dont un bon nombre de petites et moyennes capitalisations « où l’Europe est riche dans des savoir-faire très spécifiques, cette poche représentant actuellement environ 20% des actifs sous gestion ».
« Nous visons à être investis sur les leaders européens actuels, mais également d’être explosés sur les futurs champions ». Christophe Hautin constate le net rebond de cette classe d’actifs depuis le début 2025, avec des investisseurs qui sont en train de revenir sur ce segment du marché dans un contexte de politique monétaire accommodante et de mesures de soutien qui vont principalement bénéficier à ces sociétés. « Le niveau des valorisations reste encore attractif après plusieurs années de sous-performance ».
Diversification
En termes sectoriel, Christophe Hautin que la souveraineté englobe la capacité de l’Europe à être stratégiquement autonome des autres régions, et couvre un espace beaucoup plus large que la défense, notamment la transition verte (mobilité électrique, économie circulaire, efficience énergétique), la cybersécurité, la santé, la robotique, la réindustrialisation, l’aérospatial ou la transition digitale. Cette approche sectorielle diversifiée permet également d’avoir la possibilité de diversifier l’exposition sur une septantaine de lignes, et d’avoir une approche équilibrée en termes de gestion des risques en étant pas exposé à la contre-performance d’un secteur.
La défense a été une thématique porteuse depuis le lancement du fonds, mais Christophe Hautin souligne ne pas investir aveuglément dans ce secteur. « Il représente environ 15% de nos encours, soit une surpondération assez importante par rapport à notre indice de référence. Nous n’investissons toutefois pas dans les producteurs d’armes controversées (armes biologiques, nucléaires, mines antipersonnelles, etc) pour des questions évidentes de réputation. Nous appliquons ensuite notre approche ESG en regardant les profils des sociétés dans le secteur aéronautique, espace et défense, en étant particulièrement vigilant à des risques spécifiques de gouvernance (respect des sanctions, corruption, etc) ».
Secteur financier
Enfin, le secteur financier devrait également être au cœur de la redistribution des flux d’investissements. « L’Europe a besoin de grands groupes financiers qui soient en mesure de financer la croissance et ne plus être dépendants de banques américaines ». Il pointe également les développements pour assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique en Europe pour relier les centres de production d'électricité renouvelable aux centres urbains, un plan qui nécessitera des investissements énormes (600 milliards d’euros) durant les cinq prochaines années. Dans cette optique, il n’est donc pas étonnant de retrouver Elia parmi les valeurs du portefeuille exposées sur cette thématique.
En termes géographique, le fonds est principalement exposé sur la zone euro (80 à 90% des encours) avec quelques diversifications dans d’autres pays européens. « Depuis le début de l’année, nous avons réduit le risque spécifique sur le marché français, même si la plupart de nos sociétés en portefeuille sont internationales et réalisent une part réduite de leur chiffre d’affaires en France ».


 
            