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Keith Wade : Les effets du conflit commercial se font sentir ; révision à la baisse des prévisions de croissance de l’économie mondiale
Calendar28 Aug 2019
Thème: Macro
Maison de fonds: Schroders

Keith Wade, économiste en chef de Schroders, a revu ses prévisions de croissance pour l’économie mondiale à la baisse. Il table aujourd’hui sur une croissance de 2,6 % pour cette année et de 2,4 % pour l’année prochaine (contre 2,8 % et 2,6 % précédemment). La principale raison de cette révision est la nouvelle escalade des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis. Alors qu’il s’attendait à ce que l’économie mondiale soit dopée par la signature d’un accord commercial à la fin de l’année, Wade table désormais sur une période d’incertitude plus longue. Face à l’accroissement des inquiétudes, tant les entreprises que les ménages hésitent davantage à effectuer des grosses dépenses. Ils risquent donc de reporter ou annuler leurs projets d’investissement, d’autant plus que les droits de douane semblent avoir pris un caractère permanent.

Keithwade
Keith Wade

Que vise Trump ?

Pourquoi le président américain a-t-il préféré poursuivre son bras de fer avec la Chine plutôt que de trouver un terrain d’entente ? Wade estimait qu’en cette année électorale, il aurait été plus rationnel de conclure un accord commercial afin de pouvoir exploiter la diminution des droits de douane et la reprise de la croissance économique durant la campagne.

La stratégie de Trump est difficile à déterminer. Peut-être s’attend-il à ce que la Chine batte en retraite, mais ce n’est pas vraiment l’impression que donne Pékin. Le gouvernement chinois ne voudra pas perdre la face et se tient prêt à relever le défi. Une autre possibilité est que Trump est véritablement convaincu que les droits de douane sont bons pour l’économie américaine et les travailleurs, dont les emplois seront à l’abri de la concurrence chinoise « déloyale ». Cela n’empêche que des emplois seront tout de même perdus chez les exportateurs US et que les coûts économiques du remplacement des importations chinoises par des achats chez des producteurs moins efficaces devront être couverts. Quoi qu’il en soit, Trump a été élu pour son programme protectionniste (« America First ») et, avec le soutien des démocrates pour ces politiques économiques, il n’a certainement pas l’intention de passer pour un faible. Baisses de taux en réaction Le danger est que la conjoncture américaine connaisse un net ralentissement à cause du conflit commercial et que l’inflation reparte à la hausse, avec un effet domino sur le marché des actions. Les entreprises qui n’avaient pas encore pris en compte les droits de douane ou qui avaient adapté leur production dans l’espoir de progrès dans les négociations commerciales vont probablement devoir réagir maintenant. Les nouveaux droits de douane portent sur des biens de consommation comme des appareils électroniques ou des jouets et vont donc se répercuter sur le portefeuille des ménages. Schroders a, par conséquent, décidé de revoir sa prévision d’inflation CPI à la hausse, à 2,5 % sur une base annuelle au premier semestre de 2020.

L’escalade du conflit commercial va néanmoins entraîner de nouvelles baisses de taux. L’affaiblissement de la croissance, prévu par Schroders aux États-Unis, permettra à la Fed d’abaisser encore ses taux à deux reprises cette année (en septembre et en décembre). Schroders table donc sur un taux directeur à 1,25 % en fin 2020. Schroders s’attend aussi à d’autres assouplissements ailleurs dans le monde : la BCE devrait ainsi abaisser son taux directeur en septembre et en décembre 2019 et la BoJ en décembre. En Chine, la politique budgétaire sera assouplie davantage que prévu et les taux d’intérêt seront de nouveau abaissés l’année prochaine.

Mais les baisses de taux sont-elles vraiment utiles ?

Les baisses de taux vont aider les marchés, mais elles n’auront pas tout de suite un impact sur l’économie. Il faut environ 12 mois pour que les effets d'un assouplissement monétaire se fassent ressentir. La croissance économique ne devrait donc en profiter qu’à partir du second semestre de 2020. Mais compte tenu du climat économique actuel, on est en droit de penser que cela pourrait encore prendre plus de temps.

Tout d’abord, il s’agira du premier cycle d’assouplissement depuis la crise financière mondiale. Le secteur bancaire, qui est devenu plus prudent, aura besoin de plus de temps pour augmenter l’octroi de crédit. Ensuite, les baisses de taux n’ont pas vraiment de poids sur les conséquences des incertitudes économiques. Les risques géopolitiques et les incertitudes autour des politiques menées demeurent élevés et une diminution des coûts de l’emprunt n’y changera rien.

Maintenant que les taux sont en baisse et que l’activité reste fragile, Wade s’attend par conséquent à ce qu’un débat s’ouvre sur la réelle efficacité des politiques monétaires des banques centrales. Il se demande si les gouvernements n’auraient pas plutôt intérêt à augmenter leurs dépenses. Mais le processus politique est lent que ce soit aux États-Unis ou en Europe. Il faudra donc probablement encore du temps avant de pouvoir compter sur des mesures de soutien budgétaires.