par Peter de Coensel, CIO taux fixes chez DPAM
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La cause sous-jacente à la consolidation est le fait que la communauté financière a pris conscience de la complexité extrême et de la globalité de la crise sanitaire engendrée par la pandémie. Au vu de la hausse de la moyenne mobile sur 7 jours des nouveaux cas de contamination déclarés au niveau mondial, l'enthousiasme des marchés financiers tend à s’estomper. « Nous ne voyons pas encore le bout du tunnel, bien au contraire » : telle est l’idée émergente qui commence à se traduire concrètement sur les marchés de taux.
Mais alors que l’anxiété grandit à court terme, il paraît opportun d’examiner les cours et les valorisations à l’horizon décembre 2023, car même les plus pessimistes d’entre nous doivent espérer que l’économie mondiale ne sera alors plus impactée par les confinements et autres mesures restrictives liés au Covid-19.
Arrêtons-nous tout d’abord sur les taux directeurs de la Fed : vendredi passé, sur le marché à terme, le contrat eurodollars 90 jours échéance décembre 2023 clôturait à 98,96. Cela signifie que le marché avait déjà intégré trois hausses de taux d’ici fin 2023, lesquelles porteraient les taux directeurs aux alentours de 0,75 à 1,00 %. Selon le consensus, la Fed devrait commencer à limiter ses achats d’actifs dès le début 2022 et si la réduction mensuelle portait sur 10 milliards de dollars, il lui suffirait de 12 mois pour ramener ses achats à zéro. De fait, le marché intègre déjà avec une certitude de 100% une hausse initiale des taux directeurs de l’ordre de 0,25 à 0,50% dès le printemps 2023.
Si l’on examine l’ensemble des contrats à terme sur l’eurodollar, il indique que la Fed devrait opter pour un cycle de normalisation progressif et relever ses taux trois fois en 2023. Deux années seraient donc nécessaires pour arriver à des taux situés entre 1,75% et 2,00%. En ce qui concerne la BCE, le relèvement de ses taux devrait intervenir un an après celui des Etats-Unis, mais ceci ne transparaît pas clairement dans les cours. La BCE a d’ailleurs déjà averti qu’elle ne s’inspirerait pas nécessairement de la politique de son homologue américaine.
Pour ce qui concerne les bons du Trésor américain à 10 ans, leur taux sur le marché à terme à l’échéance 2023 se situe à 2,25% : il est en ligne avec la politique d’ajustement progressive des taux envisagée par la Fed. Pour l’échéance 2025, ce taux s’établit à 2,55%. Or, à cet horizon, un taux directeur légèrement inférieur à 2% devrait être suffisant pour contenir l’inflation et permettre au taux réel du 10 ans de revenir en territoire positif. Si le scénario selon lequel les anticipations d’inflation à dix ans se situent à 2,35% devait devenir prédominant, cela se traduirait par une hausse de 0,20% des taux réels américains pour les emprunts à 10 ans.
A l’échéance décembre 2023, le Bund allemand à 10 ans devrait se négocier autour de +0,10 %. Si tel est le cas, l’idée selon laquelle « il n’existe plus d’alternative » perdrait du terrain sur les marchés de taux. À fin 2025, le marché table sur des Bunds 10 ans à +0,31 %. Cela implique que le taux de référence allemand devrait se situer dans une fourchette comprise entre +0,25 % et +0,50 %, donc un niveau similaire à celui observé durant la période 2015-2018.
Sur les marchés de devises, les trajectoires des taux d'intérêt décrites ci-dessus sont déterminantes pour les taux de change à terme. Vendredi dernier, la paire EUR/USD s’est affermie pour atteindre 1,2097. Lors de la séance d’échanges américaine, cette paire majeure est passée bien au-dessus de 1,2056, un seuil qui correspond à sa moyenne mobile à 100 jours. Sur le marché à terme, l’ EUR/USD échéance décembre 2023 s’échange actuellement à 1,2425 et à 1,2865 pour l’échéance décembre 2025. Ces cours se maintiendront pour autant que les différentiels de taux entre l’Europe et les Etats-Unis reflètent les taux à terme tels qu’ils sont actuellement évalués par le marché.
Dans le cadre de la construction de portefeuille, le dollar américain offre de nombreux autres avantages en matière de diversification et il reste, avec le franc suisse et le yen, la monnaie refuge de choix lors de périodes marquées par l’aversion au risque.