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Reflation économique, inflation et hausse des rendements des emprunts d’État
Calendar19 May 2021
Thème: Macro
Maison de fonds: Ethenea

Par Andrea Siviero, Investment Strategist chez Ethenea

Andrea siviero
Andrea Siviero
Depuis la fin 2020, économistes et financiers n’ont plus que le mot « reflation » à la bouche. Les marchés suivent avec attention les anticipations de hausse de l’inflation et évaluent l’impact de la reprise cyclique sur les rendements des emprunts d’Etat et les mesures des banques centrales. Quelles pourraient être les répercussions des évolutions macroéconomiques actuelles sur les marchés dans les trimestres à venir ?

En 2020, les autorités monétaires et budgétaires du monde entier ont engagé des mesures de soutien sans précédent afin de contrer les forces déflationnistes provoquées par la pandémie et éviter que la récession mondiale ne se transforme en dépression. Conjuguées au développement puis au déploiement progressif de vaccins contre la Covid-19, ces mesures de relance ont jeté les bases d’un environnement reflationniste en 2021.

L’économie mondiale s’est contractée d’environ 3,5 % en 2020. Compte tenu du soutien politique exceptionnel et du déploiement des vaccins, le FMI table désormais sur une croissance économique mondiale d’environ 5,5 % pour l’année 2021. Sauf chocs supplémentaires ou corrections imprévues, l’environnement reflationniste devrait fournir un soutien appuyé à la croissance économique. En 2021 également, cette croissance restera toutefois hétérogène sur le plan régional et tributaire de l’évolution de la pandémie.

Au premier semestre 2021, la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, les contraintes en matière d’offre et un effet de base positif tireront l’inflation vers le haut dans les économies avancées. Nous estimons que l’inflation atteindra son point culminant au deuxième trimestre, mais qu’elle devrait globalement rester modérée à court terme.

En cause, un écart de production négatif, des freins structurels (démographie, mondialisation et technologie) et un déséquilibre croissant entre épargne et investissement. Dans la mesure où l’inflation est actuellement inférieure à son niveau cible, les banques centrales des économies développées devraient faire abstraction des poussées inflationnistes provisoires et maintenir leur politique accommodante durant une longue période (low for long).

Quelles répercussions pour les marchés financiers ?

Un environnement reflationniste caractérisé par une reprise conjoncturelle cyclique, une politique macroéconomique extrêmement accommodante et une hausse modérée des prix est considéré comme favorable aux marchés actions et aux actifs risqués en général.

Les reflation trades ont tendance à favoriser les actifs corrélés à une accélération de la croissance économique. Par ailleurs, ils soutiennent généralement une rotation au profit des actifs qui ont le plus souffert pendant la phase de récession. Les actions et les matières premières ont tendance à surperformer les autres marchés, tout comme les actions des pays émergents par rapport à leurs homologues des pays développés, ou encore les petites capitalisations et les secteurs cycliques face aux grandes capitalisations et aux valeurs de croissance.

En période de reflation, les perspectives de croissance et les anticipations de hausse de l’inflation se traduisent par une hausse des rendements des emprunts d’Etat et la surperformance des obligations à haut rendement par rapport aux titres investment grade. En règle générale, les cycles de reprise et de reflation vont également de pair avec la dépréciation des devises refuges (dollar américain, yen japonais, franc suisse) dans la mesure où les flux d’investissement sont orientés vers des régions présentant de meilleures perspectives de croissance et des taux d’intérêt supérieurs.

Au fil du temps, un scénario reflationniste comporte aussi des risques pour les marchés financiers.

Conjuguée à la reprise économique progressive et à l’amélioration des données conjoncturelles aux Etats-Unis, l’adoption du programme d’aide américain à hauteur de 1900 milliards USD a entraîné une augmentation des anticipations d’inflation et la hausse brutale des rendements souverains.

La hausse des rendements constitue actuellement l’un des principaux risques pour les marchés financiers. Une augmentation durable et significative des taux longs américains pourrait compromettre la reprise cyclique amorcée, mettre un coup d’arrêt à la tendance haussière des marchés et réduire à néant les reflation trades. En outre, le risque posé par la hausse des rendements américains pourrait également soutenir le dollar américain et rediriger les flux d’investissement vers les Etats-Unis au détriment des pays émergents. Même si l’environnement reflationniste reste intact, le potentiel de gains supplémentaires sur les actifs risqués a diminué.

A quoi pouvons-nous donc nous attendre prochainement ?

L’environnement reflationniste devrait permettre aux taux à long terme de quitter les bas niveaux de l’année dernière. Ce durcissement progressif des conditions financières pourrait se traduire par de nouveaux accès de volatilité et des vagues de turbulences sur les marchés.

Toutefois, nous estimons que les reflation trades accompagnant la reprise cyclique ont encore de beaux jours devant eux. Pourquoi ? Tout d’abord, la hausse des rendements à long terme reflète une nette amélioration des perspectives de croissance mondiales. Ensuite, le soutien politique sans précédent rend cette reprise moins sensible à l’évolution des taux d’intérêt que ce n’était le cas les cycles précédents.

Autre point à considérer : l’inflation devrait rester durablement modérée et les banques centrales maintiendront une politique monétaire ultra-accommodante pendant une longue période. Enfin, les taux d’intérêt sont toujours historiquement bas. Les entreprises se sont refinancées à des conditions très favorables et le rebond économique amplifiera leurs bénéfices.

Selon nous, le scénario de croissance sera différent aux Etats-Unis et en Europe. Par ailleurs, la Fed et la BCE suivent des approches différentes qui ont malgré tout contribué au même résultat, à savoir l’accroissement du différentiel de rendement entre les bons du Trésor américain et les emprunts d’Etat européens depuis le début de l’année. Bien que le dollar américain ait perdu près de 11 % de sa valeur en 2020, ces évolutions ont freiné la chute (largement attendue) du billet vert.

Les trajectoires de croissance divergentes des Etats-Unis et de l’Europe ainsi que l’élargissement du différentiel de rendement pourraient ralentir cette tendance, voire soutenir le dollar américain. Ceci mettrait en péril certains des reflation trades les plus prisés (p. ex. les prix des matières premières et le cycle conjoncturel des marchés émergents). Il semble donc certain que nous entendrons parler de reflation, d’inflation et de leur impact sur les marchés encore un certain temps.