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La convergence entre rentabilité et croissance des ventes est-elle toujours une réalité?
Calendar14 Feb 2022
Thème: Investir
Maison de fonds: DPAM

Par Carl Van Nieuwerburgh, Quantitative Equity Strategist DPAM

Le présent article fait le point sur la convergence entre rentabilité et croissance des ventes. Le proverbe classique « les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel » nous enseigne qu’il y a des limites à la croissance et à l’amélioration. Mais cet énoncé a-t-il fait son temps ? Après une décennie de surperformance des actions de croissance, l’affirmation peut sembler vraie pour certains. Pour permettre à tout le monde de se forger une opinion éclairée à ce sujet, l’article de recherche suivant présente une analyse factuelle de l’évolution de la convergence entre rentabilité et croissance des ventes.

La persistance de la rentabilité et/ou des caractéristiques de croissance d’une entreprise sont des déterminants importants des rendements pour les actionnaires. Lorsqu’une entreprise est active dans un segment d’activité caractérisé par une concurrence limitée et des barrières à l’entrée élevées, ses actionnaires vont probablement escompter un flux relativement constant de bénéfices séduisants. À l’inverse, si une entreprise commercialise des produits très banalisés et qu’elle ne dispose pas d’un avantage opérationnel significatif, le flux de bénéfices espéré qui se profile est réduit comparativement.

Si, par exemple, des changements surviennent en matière de préférences des consommateurs et/ou d’innovation, la persistance de la rentabilité d’une entreprise peut soudainement être chamboulée. Un changement dans les habitudes des consommateurs peut faire chuter la demande pour les produits de la première entreprise et éroder sa rentabilité. D’autre part, la seconde entreprise pourrait innover et positionner ses produits avantageusement par rapport à ceux de ses concurrents, ouvrant ainsi la voie à une amélioration de sa rentabilité.

Les investisseurs axés sur la valeur recherchent souvent des entreprises dont ils escomptent que leur rentabilité ou leur croissance relativement modestes s’améliore. À l’inverse, les investisseurs axés sur la qualité/la croissance recherchent des entreprises affichant une rentabilité ou une croissance attrayante et très persistante. Les preuves empiriques ont démontré que cela leur a permis, globalement, de faire face à la marée. Retour à la moyenne des caractéristiques de rentabilité et de croissance Les entreprises à la rentabilité/croissance élevée voient en général leur avantage en termes de rentabilité/croissance diminuer au fil du temps et vice versa.

Convergence de la rentabilité et de la croissance en moyenne

Dans cet article, j’étudie les tendances récentes en matière de retour à la moyenne de la rentabilité. Pour ce faire, j’ai adopté l’approche suivante : Des portefeuilles de quartiles supérieurs et inférieurs basés sur la rentabilité des capitaux propres (ROE) sont constitués au moyen d’une sélection d’actions dans chaque secteur. Ensuite, la différence en termes de ROE respectifs est suivie sur une période de 10 ans après la constitution initiale du portefeuille. Cet exercice est répété à intervalles réguliers tant dans l’univers des actions américaines que dans celui des actions de l’UEM, l’analyse commençant en décembre 2000.

Le premier graphique montre de combien l’écart de rentabilité entre le portefeuille du quartile supérieur et celui du quartile inférieur converge au fil des années. Au cours des deux dernières décennies, la convergence de la rentabilité s’est clairement manifestée. En outre, il est surprenant de voir que la convergence suit une trajectoire assez linéaire dans le temps : La convergence au cours des dernières années survient à un rythme similaire à celui des années précédentes.

Pour étudier spécifiquement la convergence de la rentabilité pour les titres de valeurs et leurs homologues plus onéreux, la même analyse a été effectuée pour les portefeuilles de quartiles supérieurs et inférieurs sur la base de la mesure du ratio cours/valeur comptable (price-to-book, PB). Les résultats confirment qu’au cours des deux dernières décennies également, la rentabilité des actions de valeur bon marché et chères a convergé durant les années ayant suivi leur classification comme bon marché ou chères. Cette convergence est cependant moins prononcée que la convergence en termes de rentabilité entre les portefeuilles de quartiles supérieurs et inférieurs basée directement sur la rentabilité.

Ensuite, la convergence de la croissance est étudiée par la formation de portefeuilles de quartiles supérieurs et inférieurs sur la base de la croissance des ventes attendue, dont on suit après l’écart de croissance au cours des 10 années suivantes. De nouveau, cet exercice est répété à intervalles réguliers. Il apparaît ici que (comme concernant la rentabilité) la croissance des ventes a également convergé en moyenne au cours des deux dernières décennies.

Comparativement à la convergence de la rentabilité, la convergence de la croissance s’est manifestée à un rythme plus élevé au cours des premières années après la formation des portefeuilles de croissance de quartiles supérieurs et inférieurs. Ceci suggère qu’une stratégie d’investissement sélectionnant des actions pour lesquelles les perspectives de croissance sont censées tendre à l’amélioration pourrait porter ses fruits plus rapidement qu’une stratégie sélectionnant des actions pour lesquelles la rentabilité est censée s’améliorer.

Comme nous l’avons fait pour la rentabilité, nous étudions maintenant aussi la convergence de la croissance des ventes entre les actions bon marché et les actions chères. Cette fois, nous analysons l’évolution du différentiel de croissance entre les portefeuilles du quartile supérieur et du quartile inférieur sur la base du rapport cours/bénéfice (price-earnings ratio, PE). Ici aussi, la croissance des ventes des actions bon marché et des actions chères a convergé. La convergence a toutefois été moins impressionnante que pour les portefeuilles des quartiles supérieurs et inférieurs constitués directement en fonction de leur croissance des ventes.

Évolution de la convergence de la rentabilité et de la croissance au fil des ans

Les graphiques 1 et 2 montrent le retour à la moyenne des caractéristiques de rentabilité et de croissance au cours des deux dernières décennies et la manière dont elles ont évolué dans les années qui ont suivi la constitution initiale des portefeuilles. Nous nous concentrons maintenant sur le retour à la moyenne qui a eu lieu cinq ans après la formation du portefeuille. Pour cette mesure, nous nous intéressons à l’évolution au cours des deux dernières décennies.

Dans les graphiques qui suivent, nous pouvons donc par exemple voir si le retour à la moyenne de la rentabilité après cinq ans a été plus marqué pour les portefeuilles formés en 2001 comparativement aux portefeuilles formés en 2011. Il s’avère qu’en effet, le retour à la moyenne de la rentabilité a été relativement faible au cours des dix dernières années par rapport à la première décennie du millénaire. En outre, le retour à la moyenne de la rentabilité est cyclique. Le retour à la moyenne est clairement le plus fort pour les portefeuilles des quartiles supérieurs et inférieurs constitués lors des changements cycliques. Ironiquement, ceci coïncide avec les moments précis où les actions à faible rentabilité/valeur sont les moins chères en termes relatifs.

En ce qui concerne la convergence de la rentabilité entre les actions bon marché et les actions chères, on voit clairement qu’aux États-Unis, elle a été absente pour les portefeuilles bon marché/chers constitués entre 2012 et 2015. Ceci est cohérent avec la faible performance des actions de valeur US jusqu’en 2020. Dans l’UEM, la convergence de la rentabilité entre les titres bon marché et les titres chers sélectionnés entre 2012 et 2015 a également été faible mais elle est néanmoins restée présente. Récemment, le retour à la moyenne de la rentabilité redevient plus prononcé, tant aux États-Unis que dans l’UEM. Les actuelles révisions des prévisions de gains sont également plus fortes pour les actions meilleur marché que pour leurs homologues plus chères. Ceci va certainement contribuer à améliorer le retour à la moyenne de la rentabilité.

Penchons-nous à présent sur l’évolution de la convergence de la croissance des ventes dans le temps (une nouvelle fois 5 ans après la formation initiale du portefeuille). Il apparaît, ici aussi, que le retour à la moyenne de la croissance des ventes a été relativement faible au cours des dix dernières années comparativement au début du millénaire. Fait intéressant, la convergence de la croissance des ventes se produit sur l’ensemble du cycle. Elle n’est pas aussi cyclique que le retour à la moyenne de la rentabilité présenté précédemment.

Il n’y a quasiment pas eu de convergence de la croissance des ventes pour les actions de valeur UEM entre 2012 et 2015. La situation s’est améliorée récemment, mais la convergence reste modeste et volatile.

CONCLUSION

La convergence de la rentabilité et de la croissance des ventes a été relativement faible au cours des dix dernières années, singulièrement pour les actions de valeur. Or, les faits montrent qu’il y a un retour à la moyenne, néanmoins plus modeste. Ceci pourrait être imputable à l’importance croissante d’effets de réseau et au soutien implicite des superviseurs de la concurrence en faveur de champions régionaux capables de jouer un rôle de premier plan dans la concurrence avec les acteurs d’autres régions.

Enfin, l’analyse a une implication en matière d’investissement. Le retour à la moyenne de la rentabilité ayant un cyclique démontré, nous pouvons nous attendre à ce que ce phénomène s’accentue au cours des années qui suivant la crise du Covid-19. En fait, la convergence croissante a déjà commencé à se manifester dans les chiffres les plus récents.

Ceci, conjointement avec des valorisations relatives bon marché, de meilleures révisions des prévisions de bénéfices et un environnement caractérisé par une inflation plus élevée et une croissance économique supérieure à la moyenne, plaide en faveur d’une poursuite à court terme de la récupération des valeurs.