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L'Asie et la transition énergétique : sauveur ou malfaiteur ?
Calendar08 Mar 2023
Thème: ESG
Maison de fonds: Baillie Gifford

L'Occident pointe souvent du doigt l'Asie comme responsable des dommages causés au climat. L'augmentation de l'utilisation du charbon en Chine et l'objectif net zéro tardif de l'Inde, ​ 2070, sont bien documentés. Cependant, Andrew Keiller, spécialiste des investissements sur les marchés émergents chez Baillie Gifford, estime que sans l'Asie, le monde n'a que peu ou pas de chances d'atteindre les objectifs climatiques à long terme. « Pour les allocateurs de capitaux, il s'agit d'une opportunité sous-estimée. »

La Chine (énergie solaire)

​Rien qu'au cours de la dernière décennie, l'énergie solaire est devenue 90 % moins chère. Son coût est devenu inférieur à celui des combustibles fossiles dans la plupart des grands pays. La Chine a joué un rôle considérable dans cette progression. La fabrication nécessite des composants fondamentaux : modules, cellules, polysilicium et plaquettes. La part de production de la Chine dans ces composants est respectivement de 75 %, 85 %, 79 % et 97 %. Alors que la demande d'exportation de ces composants augmente, la demande domestique ne représente qu'un tiers.

Pourquoi la Chine est-elle si dominante ? Keiller : « La réponse courte est due à la technologie et aux investissements. Le pays représente près des deux tiers des investissements mondiaux à grande échelle dans le domaine du solaire. Au cours du premier semestre 2022, la Chine a investi plus de 40 milliards de dollars, soit une augmentation de 173 % par rapport à l’année précédente. »

Taiwan (puces électroniques)

​En raison des vulnérabilités de la chaîne d'approvisionnement et des tensions géopolitiques de ces dernières années, l'importance de Taïwan dans cette chaîne des semi-conducteurs est devenue évidente. Keiller : « Comme la technologie est utilisée pour mieux gérer le changement climatique, l'importance des puces haut de gamme devrait encore augmenter. Actuellement, une seule entreprise, TSMC, produit environ deux tiers de ces puces. Dépendance excessive sans doute, mais qui ne devrait pas changer de sitôt. »

Le nombre de semi-conducteurs destinés aux énergies renouvelables dans le monde devrait augmenter à un taux de croissance annuel de 8 à 10 % d'ici à 2027. Les utilisations finales vont des véhicules électriques (VE), qui nécessitent environ 2.000 puces par voiture, à la gestion efficace de l'alimentation du réseau.

L’Indonésie (matières premières et matériaux)

​L'Indonésie représente près de 20 % de la production mondiale de nickel. « Le nickel prend de plus en plus d'importance dans les véhicules électriques, même si seulement 7 % environ de la production mondiale de nickel est actuellement destinée aux batteries, » explique M. Keiller.

Le scientifique et auteur tchéco-canadien Vaclav Smil suggère que même si 25 % du parc automobile mondial était électrique en 2050, les besoins en nickel pourraient être multipliés par 28. Keiller : « Nous sommes ici à un stade de croissance très précoce ; nous investissons dans des producteurs de nickel depuis environ cinq ans, notamment ceux qui possèdent des mines en Indonésie. »

Corée du Sud (batteries) ​

​Outre la Chine, la Corée du Sud abrite certains des acteurs les plus importants du marché des batteries pour véhicules électriques, notamment Samsung SDI, SK On et LG Energy Solutions. À eux trois, ils fournissent de nombreux constructeurs automobiles mondiaux. Le gouvernement coréen considère les batteries rechargeables comme une industrie clé pour la future croissance économique du pays. Ses plus grandes entreprises investissent des dizaines de milliards dans la recherche et le développement et bénéficient d'un soutien important du gouvernement sous forme de réductions d'impôts.

Keiller : « Bien que la Chine détienne aujourd'hui la plus grande part de marché dans les batteries pour véhicules électriques, ces dernières années ont démontré l’importance, pour les constructeurs automobiles mondiaux, de ne pas être dépendants d'un seul pays. La Corée devrait être un grand bénéficiaire des exportations dans ce domaine. La clientèle de LG Energy Solutions, par exemple, comprend déjà de grandes marques telles que Tesla, VW, Renault et General Motors . »

L'Inde (hydrogène)

​L'économie indienne croît à un tel rythme que le Gouvernement doit planifier soigneusement sa future demande en électricité. L’Inde devra probablement construire autant de capacités de production supplémentaires d'ici 2040 que l'Union européenne en possède actuellement. Le président indien, Narendra Modi, souhaite tripler la production d'électricité à partir de combustibles non fossiles d'ici à 2030. Cela équivaut ​ à construire l'équivalent de la capacité de production totale du pays actuelle, nécessitant des centaines de milliards de dollars d'investissement.

Keiller : « Les grands conglomérats tels que Reliance Industries devraient jouer un rôle ​ primordial dans ces plans. Reliance est une entreprise qui a prouvé son expertise en ingénierie de classe mondiale en construisant et en exploitant l'une des raffineries les plus complexes au monde. En plus de cela, elle a montré qu'elle pouvait prendre des décisions audacieuses et efficaces en matière d'allocation de capital pour construire un réseau 4G colossal en Inde pour plus de 400 millions de personnes en quelques années seulement. »

Conclusion

​Même les projections les plus optimistes en matière de transition énergétique montrent que l'énergie traditionnelle continuera à jouer un rôle essentiel dans les économies développées et émergentes pendant des décennies. Il reste donc nécessaire d'investir dans les entreprises de combustibles fossiles les plus responsables et les plus sobres en carbone.

Keiller : « Comprendre l'équilibre complexe entre le besoin de solutions propres et un approvisionnement énergétique abordable et sûr nous aide à découvrir les opportunités d'investissement de croissance. L'Asie, en particulier, sera un fournisseur de solutions pour la transition, mais les techniques de notation ESG simplistes risquent de passer à côté de l'essentiel. Nous irions jusqu'à dire que malgré tous les reproches qu’on lui fait, sans l'Asie et son rôle essentiel dans la transition énergétique, nous avons peu de chances d'atteindre les objectifs climatiques à long terme. »