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Protéger la biodiversité et ensuite la régénérer
Calendar16 Aug 2023
Thème: Investir
Maison de fonds: Pictet
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Interview du mois : Gabriel Micheli (Gestionnaire du fonds Pictet-Regeneration)


Le lancement d’une nouvelle stratégie thématique de Pictet Asset Management est toujours un événement, le gestionnaire suisse en ayant sorti un grand nombre par le passé qui ont entraîné le reste du secteur dans son sillage. A l’occasion du lancement de la stratégie Pictet-Regeneration, nous avons récemment eu l’occasion d’écouter son gestionnaire principal, Gabriel Micheli, lors de son passage à Bruxelles.


Est-ce que vous pouvez rapidement nous présenter cette nouvelle stratégie ?


Gabriel Micheli: « L’ambition de Regeneration est d’investir dans les sociétés dont les biens et services vont aider à mitiger les impacts négatifs sur la biodiversité, voire même à la régénérer. Il s’agit d’une stratégie globale, concentrée sur une cinquantaine de lignes avec une performance qui devrait dépasser celle de l’indice MSCI World en raison de son positionnement sur des tendances de croissance à long terme. Le portefeuille fait la part belle aux petites et moyennes capitalisations même si nous avons quelques grands noms dans nos dix principales positions. Pictet-Regeneration vise également à dégager un impact positif, et donc de répondre aux exigences de l’article 9 de la législation européenne SFDR ».


Pourquoi lancez-vous cette thématique aujourd’hui ?


G.M. : « Pictet-Regeneration entend s’inscrire dans la continuité de nos autres stratégies durables, pour répondre au plus grand défi auquel l’humanité fait aujourd’hui face sur cette planète. La biodiversité est la limite planétaire qui est aujourd’hui la plus fortement mise sous pression par l’activité humaine, avec des estimations pointant vers une perte de 70% du nombre d’animaux sauvages dans le monde durant les cinquante dernières années. La prise de conscience est aujourd’hui de plus en plus importante, notamment depuis la COP15 sur la biodiversité de Montréal qui s’est tenue en décembre 2022.».


La disponibilité des données est-elle satisfaisante ?


G.M. : « D’un point de vue règlementaire, la pression va devenir de plus en plus importante sur les entreprises, qui vont devoir divulguer beaucoup plus d’informations concernant leur impact sur la biodiversité. Les entreprises commencent d’ailleurs à mettre en place des équipes avec des experts dans ce domaine afin de pouvoir plus facilement répondre aux questions du monde financier. Nous sommes aujourd’hui la première génération à avoir pris conscience de l’importance du problème, et à vouloir modifier la manière dont les entreprises interagissent avec leurs environnement ».


Et vous couplez cet aspect régénératif avec une approche sociale ?


G.M. : « Pictet-Regeneration entend également adopter un angle social dans sa stratégie d’investissement, car il ne sera pas possible d’avoir une vie saine et une meilleure biodiversité sur cette planète si cela se fait au détriment du bien-être d’une partie de la population, notamment dans les pays en voie de développement. Avoir des fondations sociales solides est primordial pour la mise en place de cette économie régénérative ».


Dans la pratique, quelles sont les thématiques sur lesquelles la stratégie va être investie ?


G.M. : « Nos encours sont répartis sur cinq grandes poches. NARROW comprend des thématiques comme l’électrification, l’amélioration de l’efficacité industrielle ou les logiciels de simulation. C’est la poche dans laquelle il existe aujourd’hui le plus d’opportunités, et elle pèse plus de 40% des encours. La deuxième poche la plus importante est LOOP avec 22% des encours, se concentrant sur des thématiques comme le recyclage ou le traitement des déchets. La troisième est EMPOWER (16%) qui vise les thématiques d’inclusion (formation, microfinance, soutien aux PME). La quatrième poche est RENEW (11 %) qui est exposé notamment dans la production d’énergie renouvelable et les ressources biologiques. Enfin, SLOW (4%) est un segment plus étroit en termes d’opportunités, qui vise des sociétés actives dans la consommation intelligente, comme les plateformes de seconde main ou les services de location ».


En quoi la régénération se distingue de la circularité ?


G.M. : « Environ 90% des pertes de biodiversité sont aujourd’hui liées à l’extraction ou à la production de ressources naturelles. Dans le même temps, nous ne réutilisons que 9% des ressources que nous produisons. Augmenter la circularité fait donc partie intégrante d’une stratégie comme Pictet-Regeneration, et elle représente environ deux/tiers de nos encours (via les poches NARROW, SLOW et LOOP). RENEW et EMPOWER complètent la stratégie pour viser une régénération accompagnée d’un impact social favorable. Ces deux poches ne représentent actuellement que 30% des actifs sous gestion, mais la croissance devrait y être beaucoup plus rapide. Pour l’ensemble de ces poches, nous tablons sur une croissance annuelle du chiffre d’affaires qui devrait dépasser 10% par an durant les prochaines années de manière relativement indépendante du cycle économique ».


Pouvez-vous donner quelques exemples de sociétés qui vont entrer dans la composition du portefeuille ?


G.M. : « Copart (SLOW) est un groupe américain qui propose une plateforme de vente de véhicules de seconde main et de pièces détachées, avec une capitalisation boursière qui dépasse 40 milliards de dollars. Le groupe est en duopole sur son marché, avec un excellent management et une valorisation qui s’est fortement normalisée depuis les sommets atteints en 2021. Bank Rakyat (EMPOWER) est une autres des positions principales de notre fonds, un groupe bancaire indonésien spécialisé dans l’inclusion financière des populations rurales par le biais de prêts de microfinance aux petites entreprises, et qui est positionné de surcroit sur un hotspot en matière de biodiversité au niveau mondial. Il faut noter que même les entreprises les plus vertueuses sont aujourd’hui la cause d’un grand nombre d’externalités, et même celles dans lesquelles nous sommes investis ne sont pas encore au stade d’avoir un impact nul sur la biodiversité. Notre ambition est toutefois d’être présent quand ces sociétés avec un impact positif vont commencer à émerger ».