« Nous cherchons des pépites dans les transactions »

Varenne Capital Partners est un gestionnaire de fonds parisien réputé pour son processus de gestion, qui est appliqué dans l’ensemble des produits proposés aux clients. Le moteur principal de performance est la partie du portefeuille investissant sur des positions de long terme sur des sociétés de qualité. Depuis de nombreuses années Varenne Capital Partners a développé des bases de données propriétaires combinant analyse fondamentale et comportementale afin de générer des idées d’investissement originales et indépendantes, comme par exemple la base Dealing of Insiders (ou DOI). Celle-ci vise à regarder attentivement les ventes et achats d’actions de la part des dirigeants de sociétés cotées. Nous avons récemment eu l’occasion de discuter avec Mustapha Mamache, qui fait partie de l’équipe d’analystes réalisant cette analyse cruciale chez Varenne Capital Partners. Il a également contribué à la mise en place de la base de données et des outils informatiques utilisés pour cette analyse.

Qu’est-ce qu’un « insider » ?

Mustapha Mamache: « Un insider est un membre de l’équipe de direction d’une société cotée, un membre du comité de direction, ou une entité qui détient une part significative du capital de la société. Ces personnes ont naturellement accès à des informations privilégiées, et doivent dévoiler leurs transactions aux autorités de contrôle, par exemple la SEC (Securities & Exchange Commission) au niveau du marché américain. Il y a une dizaine d’années, nous avons eu l’idée d’utiliser cette mine d’informations publiques pour trouver des signaux d’achat et de vente pour nos différentes stratégies. Les personnes qui occupent ce type de fonctions peuvent être amenés à réaliser des opérations sur le marché car ils discernent plus rapidement que les autres investisseurs les opportunités qui peuvent se présenter ».

Parlez-nous un peu de votre base de données…

M.M. : « Elle comporte aujourd’hui plus de 8 millions de transactions réalisées par plus de 400000 insiders dans plus de 60 pays et portant sur 40000 entreprises. Nous avons développé des outils informatiques qui permettent de fournir automatiquement chaque semaine une liste de transactions avec une quinzaine de critères potentiels qui peuvent les justifier. Cette liste est ensuite utilisée par les différentes équipes de gestion. Mon travail principal va consister à trouver les raisons qui se cachent derrière ces transactions d’achat ou de vente à un moment précis ».

Quels sont par exemple ces critères d’interprétation des transactions ?

M.M. : « Si plusieurs insiders achètent chaque année des actions à la même période de l’année, il s’agit généralement d’opérations réalisées automatiquement qui n’ont pas de motivations précises. En revanche, si un insider réalise une opération isolée et significative, c’est un signal nettement plus fort qui doit être examiné plus attentivement car elle peut indiquer une information inconnue du marché, et susceptible de dégager une forte plus-value pour les investisseurs dans le futur. C’est le type de pépites que nous recherchons dans ces informations publiques ».

Pouvez-vous nous donner un exemple récent ?

M.M. : « Booking.com est un groupe spécialisé dans la réservation de voyages et de séjours hôteliers un peu partout dans le monde. Lorsque nous effectuons une recherche sur cette société dans notre plateforme, nous allons voir rapidement l’ensemble des opérations d’achat et de vente de la part de personnes qui sont considérées comme des insiders pour cette entreprise. Nous pouvons ensuite regarder pour chaque opération s’il existe une raison particulière qui justifie cette opération, ou s’il s’agit d’un achat pur et simple. Par exemple, Glenn Fogel (CEO) a vendu pour 90 millions d’euros ces dernières années, mais ce sont intégralement des opérations liées à des opérations fiscales qui ne dépendent pas spécialement de la bonne ou de la mauvaise santé de l’entreprise. A l’inverse, nous avons constaté que Robert Mylod, le président du conseil d’administration, avait acheté directement et indirectement à trois reprises des actions en août et en septembre 2022 pour un montant total d’3,7 millions d’euros. Ces opérations ont constitué suffisamment de signaux qui m’ont poussé à examiner plus en profondeur le cas de cette entreprise, et ont fait partie des arguments qui ont justifié la constitution d’une position sur Booking en septembre 2022. Le cours a ensuite progressé de 30% durant le reste de l’année ».

Comment faire le tri dans l’ensemble de ces signaux ?

M.M. : « Pour une grande partie, il s’agit de bon sens. Un achat d’un dirigeant est beaucoup plus significatif que celui réalisé par une secrétaire. De même, l’opération doit toujours est mise en relief par rapport à la détention de titres dans l’entreprise. Par exemple, quand Elon Musk achète 1000 actions Tesla, ce montant est relativement insignifiant par rapport à la participation totale qu’il détient et par rapport au salaire qui lui est versé par l’entreprise. Il faut aussi regarder la situation spécifique d’une entreprise, par exemple les responsables des ressources humaines lorsqu’une entreprise risque de faire face à d’importants plans de licenciements, comme c’est le cas actuellement pour Teleperformance qui risque d’être fortement concurrencé par les solutions basées sur l’IA Générative. Typiquement, sur l’ensemble des opérations réalisées durant une semaine, nous allons éliminer la plupart pour n'en garder que 5 à 10 pour les étudier de manière plus approfondie, et au mieux nous présenterons une ou deux idées aux équipes de gestion ».

Comment améliorez-vous votre modèle ?

M.M. : « La disponibilité des données est au cœur de notre modèle, et nous cherchons donc constamment à ajouter de nouvelles informations qui nous permettrons de trouver de nouvelles idées. Le but est toujours de minimiser le temps passé à travailler sur les données qui sortent du modèle pour se concentrer sur le travail de recherche sur les entreprises qui permet de créer de la valeur ajoutée pour les clients ».