écrit par Frédéric Lejoint
Le retrait de Joe Biden de l’élection présidentielle américaine a ouvert la voie à Kamala Harris pour l’investiture démocrate. Greg Meier (Economiste senior chez Allianz Global Investors) explique les principales conséquences que l’élection de Donal Trump ou de Kamala Harris aurait sur les performances des marchés financiers.
Quel est la situation actuelle de l’économie américaine ?
![]() Greg Meier |
Vous n’êtes pas inquiet du niveau des défauts de paiement sur les cartes de crédit ?
G.M. : « Le point de départ était historiquement bas, et le taux de défaut actuel se situe dans la fourchette normale de ces quarante dernières années. Si le consommateur était vraiment en difficulté financière, cela se verrait dans des domaines comme les voyages aériens, qui sont en grande partie discrétionnaires. Or un niveau record de voyages en avion a été atteint durant les festivités du 4 juillet cette année. L’économie américaine pourrait ralentir durant les prochains trimestres, mais la Fed a aujourd’hui la volonté et les moyens de baisser ses taux afin de soutenir l’activité économique ».
Passons sur le sujet de l’élection qui se tiendra le 5 novembre prochain. Quels sont les principaux enjeux de cet événement ?
G.M. : « Les politiques des candidats auront un impact sur les marchés sur trois principaux sujets : la croissance économique, l’inflation et la demande d’actifs refuges. Nous avons examiné les impacts à court terme sur les marchés de ces trois grands enjeux, en partant du principe qu’aucun des deux partis ne contrôlera simultanément la présidence et les deux chambres. En outre, compte tenu de la proximité de l’élection, le programme économique de Kamala Harris ne devrait pas s’écarter fortement de celui qui était soutenu par Joe Biden ».
Commençons par l’impact de cette élection sur la politique budgétaire américaine…
G.M. : « Dans ce domaine, l’impact devrait être limité, car une relance majeure semble improbable si la présidence ne contrôle par les deux chambres. Il est ainsi peu probable que le Congrès approuve des prolongations complètes pour les réductions d’impôts mises en place en 2017 par Donald Trump, et qui expirent en 2026. Sous un gouvernement divisé, l’impact de la politique budgétaire risque d’être neutre ».
Les divergences sont-elles plus importantes au niveau de la politique commerciale ?
G.M. : « Comme les tarifs douaniers peuvent être modifiés sans l’approbation du Congrès, c’est un domaine où le président américain peut prendre des mesures unilatérales susceptibles d’influencer la croissance, l’inflation et les marchés. Tant Trump que Biden ont utilisé cette arme durant les deux derniers mandats, et de nouvelles mesures sont probables. Donald Trump se montrera probablement plus agressif dans ce domaine, avec notamment une taxe de 10 % sur les importations et plus spécifiquement de 60 % sur les produits chinois. L’impact serait donc probablement négatif pour les actions étrangères, et entraînerait une pression inflationniste aux Etats-Unis, avec une hausse des taux et un risque plus élevé de récession. De même, au niveau géopolitique, l’élection de Donald Trump pourrait remettre en cause le soutien à l’OTAN, augmenter la demande de valeurs refuges et peser également sur les actions internationales ».
Quels sont les autres points qui pourraient impacter l’inflation ?
G.M. : « En termes de politique d’immigration, les présidents américains disposent également d’un pouvoir unilatéral. Dans ce cadre, une élection de Donald Trump entraînerait des restrictions sur l’immigration, avec pour conséquence une accélération de l’inflation sur les salaires et une baisse des marges pour les entreprises. A l’inverse, la poursuite de la politique d’immigration actuelle serait une bonne nouvelle pour la capacité de la Réserve Fédérale à contrôler l’inflation ».
Et au niveau de la politique climatique ?
G.M. : « La situation serait ici inversée. La politique de Donald Trump réduirait le recours aux énergies renouvelables pour se reposer davantage sur les énergies fossiles, notamment en réduisant les obstacles règlementaires du secteur de l’énergie. Cette nouvelle orientation politique aiderait à stimuler la croissance américaine en ayant recours à une source d’énergie moins chère. A l’inverse, la volonté de Kamala Harris d’augmenter l’approvisionnement en source d’énergie verte est un facteur d’inflation et de hausse des rendements obligataires ».
L’impact de l’élection est également important pour le futur de la politique monétaire…
G.M. : « Sous la présidence de Donald Trump, il y a un risque qu’il cherche à saper l’indépendance de la Reserve Fédérale, en poussant agressivement à la relance avant de remplacer Jérôme Powell à la fin de son mandat. Les implications pour le marché sont toutefois moins claires car la politique monétaire est déterminée par un comité, pas uniquement par Jérôme Powell. Si Donald Trump parvient à faire pression pour avoir une baisse rapide du taux directeur, il y a un risque que les rendements à long terme remontent en raison des craintes d’inflation. Les actifs refuges, comme l’or, pourraient en profiter ».
En définitive, quel candidat serait le plus bénéfique pour les marchés financiers ?
G.M. : « Donald Trump est susceptible de soutenir le dollar américain et l’or. Il a adopté une position ferme sur un certain nombre de questions lorsqu’il était au pouvoir, et ces positions seront reconduites s’il est réélu. Une nouvelle hausse des actions américaines semble toutefois difficile à envisager avec la retenue budgétaire d’un gouvernement divisé, combinée à l’impact négatif d’une hausse de l’inflation causée par les politiques commerciales et d’immigration. Les actions internationales pourraient davantage souffrir dans ce contexte. L’impact de Kamala Harris pourrait être plus neutre et dans la lignée de la présidence Biden, et également limité par un gouvernement divisé. Une fois les résultats connus, les marchés se recentreront probablement sur l’économie. Cela signifie que pour la plupart des investisseurs, il est important d’ignorer la volatilité à court terme et rester investis sur le marché américain ».