
Marc Terras, Directeur de la Gestion en Architecture Ouverte Rothschild & Co Asset Management.
Après le choc provoqué par l’offensive protectionniste de Donald Trump, les indices boursiers sont repartis à la hausse grâce, notamment, au projet d’accord commercial conclu entre les États-Unis et la Chine au mois de juin. L’annonce par Donald Trump, le 2 avril dernier, de droits de douane « réciproques » exorbitants a déclenché une tempête boursière mondiale et fait plonger l’indice MSCI World de plus de 11 %. Contre toute attente, les Bons du Trésor américain, habituellement recherchés pour leur statut de valeur refuge, ont aussi baissé sous l’effet de ventes massives. Celles- ci s’expliqueraient par la défiance croissante des investisseurs à l’égard du projet de loi budgétaire de Donald Trump menaçant d’aggraver la situation du pays. Face à l’envolée brutale des taux longs et à la chute du dollar, le président américain a été contraint de rétropédaler et de décréter la suspension des droits de douane réciproques pendant 90 jours, tout en maintenant les droits universels de 10 %. En parallèle, une surenchère insensée s’engageait avec la Chine préalablement à la signature d’une trêve en vue de négociation plus approfondies.
Malgré l’accalmie sur les marchés financiers, l’offensive protectionniste et les revirements de Donald Trump ont semé la confusion et l’inquiétude chez les consommateurs. Alors que le Conference Board de la Fed tablait sur un PIB américain en hausse de 1 % en rythme annualisé au premier trimestre, celui-ci est finalement ressorti en baisse de 0,5 % à cause principalement d’un déficit commercial historique dû à l’envolée exceptionnelle des importations avant l’application des nouveaux droits de douane. Dans ses nouvelles projections économiques, la Fed a encore revu en baisse ses prévisions de croissance et en hausse celles d’inflation, renforçant ainsi le scénario de stagflation2. Cette situation la place dans une situation délicate dans la conduite de son double mandat stabilité des prix-plein emploi. Au grand damne de Donald Trump, la banque centrale américaine estime, pour l’heure, que la solidité de l’activité économique et le niveau d’inflation ne plaident pas en faveur d’une baisse immédiate des taux, d’autant que le l’inflation est jugée toujours élevée.
En 2018, lors de la première offensive protectionniste du président américain, les entreprises avaient mis trois mois à répercuter la hausse des tarifs douaniers dans les prix de détail. Jerome Powell estime avoir besoin de plus de temps pour évaluer l’impact sur l’activité économique de la politique américaine en matière d’immigration, de protectionnisme, de déréglementation et de fiscalité avant d’envisager un changement de politique monétaire. Or, plusieurs statistiques, telles que les ventes de détail, demandes d’allocation chômage et exportations suggèrent un début de ralentissement économique aux États-Unis. Lors de ses dernières interventions, Mr. Powell indiquait d’ailleurs ne pas être totalement réfractaire à une baisse de taux en juillet si le marché du travail venait à montrer des signes de faiblesse.
En Zone euro, les chiffres de croissance économique ont plutôt surpris à la hausse au premier trimestre avec un PIB progressant de 0,6 % en variation trimestrielle. Cette embellie pourrait toutefois être contrariée par les nouveaux droits de douane américains. Si la BCE n’a pas modifié ses prévisions de croissance pour 2025, elle a toutefois procédé à sa huitième baisse de taux en un an, portant ainsi le taux de dépôt à 2 %. Le taux « neutre» étant compris entre 1,75 % et 2,25 %, Mme Lagarde indiquait que la BCE était proche de la fin d’un cycle monétaire. Estimant que les risques pesant sur la croissance étaient toujours orientés à la baisse, la présidente de la BCE précisait qu’une nouvelle baisse de taux en septembre n’est pas exclure, d’autant que d’ici-là, la politique tarifaire des États-Unis aura été clarifiée.
En Chine, la hausse de 5,4 % en variation annuelle du PIB au premier trimestre s’explique par deux facteurs exceptionnels : une consommation des ménages dopée par des aides gouvernementales exceptionnelles et un excédent commercial qui s’est envolé avant l’entrée en vigueur des taxes douanières américaines. Les mesures de soutiens monétaire et budgétaire déployées jusqu’à présent restent, pour autant, insuffisantes pour stimuler une demande intérieure toujours minée par l’interminable crise immobilière. Dans ce contexte, portées par les valeurs technologiques, les actions américaines ont rebondi de 10,57 % en dollar sur le trimestre1, quand la Zone euro gagnait 3,54 % en euro.
Depuis le début de l’année, la devise américaine ayant perdu 12 % sur la période contre euro, l’écart de performance entre les deux zones s’élève à plus de 18 % en euro en faveur du Vieux Continent. Cette dépréciation reflète la défiance croissante des investisseurs à l’égard des choix économiques de Donald Trump. La hausse des taux longs américains résulte de ventes massives d’obligations souveraines américaines de la part d’investisseurs étrangers, inquiets des choix budgétaires inscrits dans la « One Big Beautiful Bill Act » susceptibles d’aggraver l’endettement public des États- Unis qui atteint déjà 125 % du PIB. Malgré la hausse des dépenses d’infrastructure et de défense en Allemagne, les taux à 10 ans allemands ont perdu 13 points de base sur le trimestre, reflétant l’appétence intacte des investisseurs pour cette classe d’actifs. Les obligations souveraines de la Zone euro gagnaient, quant à elles, 1,85 %.
Nos orientations de gestion pour le troisième trimestre 2025
L’imprévisibilité du locataire de la Maison Blanche compliquent l’élaboration des scenarii économiques permettant de définir les allocations stratégiques. Tous les instituts de prévisions ont récemment coupé leurs projections de croissance mondiale en 2025, en raison de la baisse attendue du commerce international, mais aussi relevé celles de l’inflation. Dans ce contexte, la confiance des ménages reste en berne et le sentiment des investisseurs à l’égard des perspectives économiques mondiale n’a cessé de se dégrader. Si les discussions commerciales ont repris depuis le 9 juillet, il est probable qu’elles déboucheront sur des accords en faveur des États-Unis, conformément à l’objectif initial de Donald Trump de rééquilibrer les échanges commerciaux. Face à des marchés actions renouant avec leurs records et affichant des valorisations moins attractives dans un environnement dominé par l’incertitude, nous préconisons toujours une stratégie d’investissement prudente. Cette dernière se traduit par une exposition neutre aux actions, une forte diversification géographique et une poche monétaire substantielle dans l’attente de points d’entrée attrayants.
Le retour de la volatilité devrait permettre de multiplier les positionnements tactiques et opportunistes.
Actions
Bien que maintenant une exposition neutre, nous avons continué de privilégier la Zone euro qui bénéficient d’un cycle d’assouplissement monétaire, d’une amélioration des perspectives économiques grâce notamment au plan de relance budgétaire allemand, et d’une amorce de réallocation mondiale des capitaux au détriment des actions américaines. Malgré une sous-pondération structurelle des actions américaines dans nos allocations, nous les avons renforcées tactiquement suite aux baisses observées. Nous avons aussi continué de favoriser les pays émergents d’Asie, notamment la Chine où l’économie a fait preuve de résilience depuis le début de l’année. Au niveau sectoriel, nous avons commencé à prendre quelques bénéfices sur les banques de la Zone euro qui ont gagné 38 % depuis le début de l’année.
Taux
Les marchés obligataires mondiaux ont gagné 4,52 % au cours du second trimestre 2025, malgré la hausse des taux longs américains. Nous avons conservé nos investissements dans la dette souveraine de la Zone euro qui a bénéficié d’un regain d’intérêt de la part d’investisseurs internationaux à la recherche d’alternative à la dette américaine devenue plus vulnérable aux risques politique et de change.
Crédit
En dépit de spreads très resserrés, nous avons continué de nous positionner sur le crédit Investment Grade européen qui offre des rendements encore élevés alors que les taux de défaut restent faibles. Par ailleurs, nous restons investis sur la dette émergente avantagée par la dépréciation du dollar américain. Nous avons, en outre, poursuivi quelques prises de bénéfices que nous avons réinvesties en supports monétaires en attendant d’avoir plus de visibilité sur l’évolution de plusieurs sources d’inquiétudes, et afin de disposer ainsi de réserves liquides pour saisir des opportunités.