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Interview du mois : Sergio Trigo Paz et Lamine Bougueroua - Union Bancaire Privée
Calendar25 Sep 2024
Maison de fonds: Union Bancaire Privée

auteur: Fred Lejoint

« Retour en grâce pour la dette émergente »

Depuis quelques années, l’Union Bancaire Privée (UBP) s’est constitué une expertise solide dans le domaine de la dette émergente, notamment suite à l’engagement de Lamine Bougueroua (en provenance de Nordea Asset Management) et Sergio Trigo Paz (en provenance de BlackRock ), avec des fonds comme UBAM – EM Responsible Local Bond ou UBAM - Emerging Markets Bond, et des encours qui atteignent 2 milliards de dollars.

Comment s’est comportée la dette émergente durant les derniers mois ?

Sergio
Sergio Trigo Paz

Sergio Trigo Paz (Responsable de l’équipe et CIO Dette Emergente chez UBP) : « Depuis la pause décidée par la Fed en novembre dernier, nous avons assisté à un redressement des différentes classes obligataires, même pour des segments plus risqués comme la dette émergente. Nous avons ensuite eu le point d’inflexion sur l’économie américaine, confirmé en août à Jackson Hole, et qui ouvre la voie à une détente du taux directeur. Dans ce contexte, la dette des pays frontières a pris 12%, contre une progression de 6% pour la dette émergente en devise forte ».

Et la dette en devise locale ?

S.T.P. : « Elle n’a pas participé à ce mouvement, avec une progression qui est restée très en retrait en raison du rendement élevé sur le dollar américain qui a fait concurrence à cette classe obligataire. Nous pensons toutefois qu’il y a désormais des arguments forts pour tabler sur un redressement de ce segment. Les devises émergentes disposent de rendements plus élevés de 3% en moyenne par rapport au dollar américain, et de nombreuses banques centrales émergentes attendaient la première baisse du taux directeur américain pour couper également leur taux directeur. Nous tablons sur une performance de 10% pour ce segment d’ici la fin de l’année ».

Quel est le risque qu’un tel scénario ne se produise pas ?

S.T.P. : « Notre scénario principal, c’est que la Fed va réussir son atterrissage en douceur, avec un taux directeur qui va reculer et un dollar qui va abandonner du terrain face aux devises émergentes. Par contre, si l’économie américaine s’effondre plus fortement et rentre en récession, les devises émergentes ne se redresseront pas face au dollar et la performance de la dette en devises locales va rester limitée à 5% d’ici la fin 2024 ».

Quel serait l’élément déclencheur pour rentrer sur la dette en devises locales ?

S.T.P. : « Le résultat des élections américaines va clairement constituer un facteur central, car les investisseurs se souviennent du rallye du dollar face au peso mexicain lors de la victoire de Donald Trump en 2016 et craignent qu’un second mandat ne provoque une nouvelle correction sur les devises émergentes. Ils préfèrent aujourd’hui attendre d’avoir une meilleure visibilité sur le résultat des élections. Une correction éventuelle sur les devises émergentes offrirait également de très bons points d’entrée pour les investisseurs actifs que nous sommes ».

Quels sont les pays sur lesquels vous voyez le meilleur potentiel à l’heure actuelle ?

Lamine
Lamine Bougueroua

Lamine Bougueroua (gestionnaire du fonds UBAM – EM Responsible Local Bond): « En partant du principe que le dollar va s’affaiblir, nous avons une préférence pour la dette locale asiatique, car de nombreux pays exportateurs (notamment la Malaysie, la Thaïlande, les Philippines ou la Chine) ont mis en place des carry trade (opération visant à profiter des écarts de rendement entre deux devises) dans lesquels ils étaient long sur le dollar et court sur leur devise locale, où les rendements sont typiquement moins élevés. La baisse des taux de la Fed va probablement entraîner un débouclage de ces positions, et la performance des devises asiatiques a d’ailleurs déjà été très forte durant les trois derniers mois. A l’inverse, nous pensons que les devises d’Amérique latine seront plus directement impactées par le ralentissement de l’économie américaine ».

Est-ce qu’il y a d’autres thématiques que vous appréciez ?

L.B.: « Dans notre politique d’investissement, nous intégrons de plus en plus des considérations de durabilité, notamment la partie gouvernance des pays émergents. A ce titre, l’année 2024 a été très riche en opportunités, et nous apprécions plus particulièrement les améliorations structurelles observées en Afrique du Sud après la formation d’un gouvernement d’union nationale entre l’ANC et l’opposition. De même, nous avons noté une amélioration drastique dans le pilotage de la politique monétaire en Turquie, qui nous a permis de surpondérer ce pays. A l’inverse, nous pensons qu’il existe un risque de détérioration de la gouvernance et d’affaiblissement des institutions au Mexique à la suite de l’élection de Claudia Scheinbaum ».

Est-ce que vous pouvez fournir davantage de détails sur votre politique ESG ?

S.T.P. : « Au sein de notre équipe, nous avons déterminé pour chaque pays un Capital ESG, et notre but est de refléter dans la composition de nos portefeuilles les pays qui font preuve de bonne volonté pour améliorer ce capital, et inversement, de réduire notre exposition sur les pays qui ne font pas d’efforts sur ces questions de durabilité. Il s’est avéré historiquement que ces derniers sont également ceux qui ne s’acharnent pas à rembourser leurs dettes. Cette approche nous permet d’avoir un portefeuille structuré dans le sens d'une meilleure durabilité tout en générant de la performance en évitant les risques de contrepartie».

Quels sont les pays que vous appréciez sur les marchés frontières ?

L.B.: « En devise locale, nous détenons des pays comme l'Uruguay, le Paraguay ou l’Egypte, qui font actuellement des efforts importants pour améliorer leurs Capital ESG, notamment au niveau de la gouvernance. Nous sommes également positionnés sur la Turquie, qui est un marché frontière pour la dette en devises locales ». Quels sont les arguments économiques de long terme en faveur des pays émergents ?

L.B.: « Le rapatriement des chaînes de production va bénéficier aux économies émergentes, avec des investissements massifs qui vont bénéficier à des pays comme la Turquie, l’Egypte ou d’autres en Europe centrale. De même, nous aurons une diversification accrue des réserves de changes des banques centrales émergentes, qui devrait bénéficier à l’or, aux matières premières mais également aux devises de pays comme le Brésil ou le Mexique. Enfin, les besoins en métaux liés à la transition écologique vont nécessiter des investissements importants dans des pays producteurs de certaines matières premières ».