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Les hypothèses passent à la trappe
Calendar22 Dec 2024
Thème: Macro
Maison de fonds: Lazard

Perspectives mondiales de Lazard pour 2025

Par Ronald Temple, Chief Market Strategist chez Lazard
Ron temple
Ronald Temple

En 2025, les investisseurs devront remettre en question de nombreuses hypothèses de longue date sur le paysage économique et financier mondial.

Après des décennies de mondialisation, de multilatéralisme et de relative stabilité géopolitique, les perspectives ont changé. Lors des élections organisées en 2024 dans les économies développées du monde entier – de la France au Royaume-Uni en passant par le Japon et les États-Unis – les électeurs ont exigé des changements, la pression persistante de l’inflation des années précédentes ayant suscité le désir de sanctionner les dirigeants sortants. Dans chaque pays, les circonstances autres que l’inflation sont différentes et les conséquences politiques divergeront. Mais le changement est dans l’air, avec des implications économiques et de marché significatives dans chaque grande économie.

Au cours des trois dernières années, la plupart des discussions macroéconomiques ont suivi un schéma prévisible. Elles ont commencé par l’inflation, qui a ensuite été reliée à la politique monétaire, ce qui a conduit à envisager le risque de récession et la probabilité d’un atterrissage en douceur. Pendant la majeure partie de l’année 2024, les craintes liées à l’inflation et à la récession se sont considérablement estompées et l’attention s’est déplacée vers les élections, la décision aux États-Unis occupant une place prépondérante dans les perspectives économiques. En 2025, comme il ressort de l’ensemble de ces perspectives, je m’attends à ce que le débat macroéconomique s’oriente nettement vers les effets des politiques du président élu.

Du point de vue du marché, le plus grand défi consiste à quantifier les effets indépendants des changements politiques potentiels, puis à tenter de comprendre comment ces effets compensatoires interagiront. Par exemple, les économistes peuvent estimer l’impact de l’augmentation des droits de douane sur l’inflation et la croissance, mais même ces estimations sont sujettes à de larges marges d’erreur. Plusieurs questions restent sans réponse : Quand les droits de douane seront-ils appliqués ? Seront-ils appliqués en une seule fois ou progressivement ? À quels produits seront-ils appliqués ? Seront-ils appliqués de manière uniforme ? Si ce n’est pas le cas, quelles seront les nuances ? Il est également difficile de prévoir les réactions des clients aux changements de politique. Ainsi, si un million d’immigrés sans papiers étaient expulsés en 2025, quelle en serait l’incidence sur la croissance des salaires par secteur ? Comment les augmentations d’indemnités compensatoires résultant des expulsions affecteront-elles le niveau général des prix ? Il est encore plus ardu de prévoir l’impact des augmentations générales du niveau des prix sur les demandes salariales dans les secteurs qui ne sont pas directement touchés par les expulsions. Enfin, il est complexe de mesurer l’impact que la déréglementation et la baisse des taux d’imposition pourraient avoir sur les “esprits animaux”, ou la psychologie de tous les acteurs du marché.

Si je parle de complexité, c’est pour souligner l’importance de l’humilité dans la prévision de l’impact de changements politiques potentiellement importants sur l’économie et les marchés.

Obligations américaines

En gardant cette mise en garde à l’esprit, mon scénario de base prévoit que l’inflation augmentera modérément en 2025 en raison des droits de douane et d’une modeste augmentation de la consommation due à des effets de richesse et à l’optimisme lié à la perception d’un programme économique davantage axé sur la croissance. En 2026, je m’attends à ce que les pressions inflationnistes s’accentuent encore à mesure que les politiques d’immigration et les droits de douane s’accumulent. Dans ce contexte, je vois le rendement du Trésor américain à 10 ans revenir vers 5 % et le taux des fonds fédéraux se maintenir à 4 % ou plus. Bien qu’il puisse être tentant pour les investisseurs d’allonger la duration de leurs portefeuilles si le rendement du Trésor à 10 ans atteint de nouveau 5 %, je mets en garde contre toute réallocation excessive. En effet, l’évolution du contexte politique pourrait entraîner une hausse durable des coûts de financement du gouvernement américain si les principaux changements politiques relancent l’inflation et si les déficits budgétaires restent élevés. Dans la mesure où l’indépendance de la Fed est également remise en question dans un contexte d’inflation et de déficits élevés, les taux pourraient augmenter fortement.

La politique commerciale et d’immigration pesant sur la croissance et augmentant l’inflation, tandis que la déréglementation et la politique fiscale augmentent la rentabilité des entreprises, je m’attendrais à ce que les écarts de crédit restent serrés, car le risque de récession semble faible. Toutefois, si je me trompe, l’incertitude accumulée créée par tant de changements et une escalade de la guerre commerciale mondiale pourrait à un moment donné peser sur la psychologie des investisseurs, entraînant un élargissement des écarts de crédit et la perception d’un risque de récession accru. En d’autres termes, je préfère toujours m’exposer davantage aux emprunteurs de duration intermédiaire et de meilleure qualité plutôt que de chercher à obtenir des rendements dans des domaines plus risqués, tels que le marché à haut rendement ou les prêts à effet de levier, étant donné le risque élevé d’un ralentissement inattendu.

Actions américaines

Pour les actions américaines, la réaction initiale à l’élection américaine a été positive, car les investisseurs se sont concentrés sur les vents favorables évidents pour la rentabilité : des taux d’imposition sur les sociétés plus bas et une réglementation moins stricte. Toutefois, je m’attends à une plus grande dispersion sur le marché des actions lorsque la réalité d’un environnement commercial beaucoup moins favorable s’imposera. Certaines entreprises, comme celles des secteurs des services financiers et de l’énergie, seront moins vulnérables aux tarifs douaniers, tandis que d’autres, comme celles du secteur de la consommation, le seront bien davantage. Après une nouvelle année de leadership étroit de l’indice S&P 500, je m’attends à un changement de leadership sur le marché et potentiellement à une rotation significative des capitaux. Pour préciser cette étroitesse : en 2024, l’indice S&P 500 a progressé de 26,8 % jusqu’au 25 novembre, mais l’action médiane n’a progressé que de 16,8 % et seules 167 actions ont dépassé la performance globale de l’indice. Sur le marché boursier américain, les investisseurs pourraient vouloir examiner les opportunités offertes par les actions à petite capitalisation. Après des années de sous-performance, le secteur a été revigoré après l’élection grâce à l’optimisme selon lequel les petites entreprises pourraient bénéficier de la déréglementation et de taux d’imposition réduits, tout en étant moins vulnérables aux conséquences négatives d’une guerre commerciale mondiale. Cela dit, je plaide en faveur d’une stratégie qui tienne compte de la qualité, vu le nombre de petites entreprises qui perdent régulièrement de l’argent et le fait que le coût du financement par l’emprunt risque d’être plus élevé pendant plus longtemps que prévu, en raison de l’impact inflationniste des politiques commerciales et migratoires américaines.

Actions non américaines

Au lendemain de l’élection américaine, les actions non américaines ont initialement sous-performé les valeurs américaines. Toutefois, l’année 2025 pourrait constituer une excellente occasion d’accroître les capitaux sur les marchés non américains, les investisseurs révisant leurs hypothèses concernant les gagnants et les perdants relatifs de la refonte des chaînes d’approvisionnement mondiales dans un contexte géopolitique en pleine évolution. Au cours de trois des cinq derniers trimestres, les investissements directs étrangers en Chine ont été négatifs, et je m’attends à ce que davantage de capitaux soient réorientés hors de Chine dans les années à venir. Les principaux bénéficiaires seront probablement d’autres économies émergentes pour les biens de consommation courante, tandis que la production de biens stratégiques et liés à la sécurité nationale sera de plus en plus redirigée vers les économies développées. Compte tenu des décotes record des actions non américaines par rapport aux actions américaines, je pense que les investisseurs seraient bien inspirés d’examiner de nouveau les entreprises les mieux placées pour tirer parti de cette évolution.

Au-delà de la géographie, je continue de penser que les deux thèmes économiques les plus transformateurs de notre époque seront l’avènement de l’intelligence artificielle (IA) et la transition énergétique. Les investisseurs sont pleinement engagés dans le négoce de l’IA mais écartent de plus en plus les actions liées à l’énergie propre. Je pense qu’une formidable opportunité d’investissement pourrait se présenter, car le changement climatique se poursuit sans relâche et l’opportunité d’investir dans l’atténuation et l’adaptation est de plus en plus grande. Dans le cas de l’IA, l’opportunité la plus intéressante à court terme pourrait toujours se trouver chez les leaders du marché, mais je pense qu’elle se déplacera de plus en plus vers les entreprises qui déploient efficacement l’IA dans leurs opérations d’une manière qui génère des retours sur investissement significatifs.