Par Gilles Moëc, AXA Group Chief Economist et Head of AXA IM Research
- Nous examinons les implications de l'accord entre le Royaume-Uni et les États-Unis pour les autres pays qui attendent leur tour dans la « file d'attente des négociations ».
- La mondialisation industrielle ralentit. Ce n'est pas encore le cas pour le commerce des services.
Maintenant que la Fed a clairement indiqué qu'elle n'offrirait aucun soutien préventif, la pression sur la Maison Blanche pour qu'elle désamorce le conflit commercial s'intensifie. Le « clou du spectacle » sera bien sûr les négociations avec la Chine – les premières discussions à Genève ayant été qualifiées de « progrès substantiels » par Scott Bessent, mais sans contenu clair dimanche soir – mais l'accord avec le Royaume-Uni est un premier signe que les négociations peuvent aboutir à des résultats tangibles. L'accord entre le Royaume-Uni et les États-Unis ne sera toutefois pas facile à reproduire. Nous doutons que d'autres pays, même parmi les alliés stratégiques des États-Unis, obtiennent des conditions aussi favorables que le Royaume-Uni.
Même si l'accord entre le Royaume-Uni et les États-Unis s'avère être le modèle général, il n'est pas très engageant. Le « tarif de base » de 10 % (qui reste quatre fois supérieur au taux moyen avant Trump) semble non négociable, à l'exception de quelques exceptions très limitées, et les concessions américaines sont clairement encadrées. Le Royaume-Uni a peut-être obtenu une certaine protection pour le volume actuel de ses exportations automobiles vers les États-Unis, mais dans la pratique, il est désormais confronté à un plafond qui limite toute expansion. Même l'exception accordée à l'acier et à l'aluminium est assortie de « conditions de sécurité » qui, selon nous, impliquent un découplage des intrants et des investissements chinois. Par ailleurs, nous trouvons surprenant qu'aucun débat n'ait encore été lancé au Royaume-Uni sur la question de savoir si les traitements préférentiels accordés aux produits américains pourraient compliquer les négociations avec Bruxelles sur un meilleur accès au marché de l'UE, qui est plus essentiel pour l'économie britannique.
Or, il est essentiel de noter que l'accord britannique ne prévoit aucune contrepartie dans le domaine des services, malgré la volonté de Londres de revoir sa taxe sur les services numériques. Toute extension de la guerre commerciale aux services porterait un nouveau coup à la mondialisation. L'intensification des échanges dans la production industrielle mondiale a ralenti au cours des quinze dernières années : la « phase enthousiaste » de la mondialisation industrielle a pris fin bien avant la montée du mercantilisme dans la vie politique américaine. À l'inverse, le commerce mondial des services continue de progresser. Les États-Unis ont tout intérêt à promouvoir le libre-échange des services compte tenu de leur position dominante dans ce domaine. Le coup pourrait venir de ceux qui tentent de riposter au protectionnisme américain sur les biens. Toutefois, compte tenu de la part du commerce des services dans leur PIB, plus élevée qu'aux États-Unis, une telle voie ne serait pas nécessairement dans l'intérêt des Européens.