Par Sonja de Ruiter, responsable de la gestion des fonds chez Triodos Investment Management, gestionnaire du Triodos Energy Transition Europe Fund.
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Ce processus n’est pas à venir : il est déjà engagé. Le retour en arrière n’est plus une option. Certes, les investissements dans les énergies fossiles restent encore nombreux, mais chacun comprend que cette voie est sans avenir. Aucun investisseur ne souhaite se retrouver avec des actifs échoués dans son portefeuille. Accroître les investissements dans les énergies renouvelables, tant pour la production que pour le stockage par batterie, est une décision logique pour diversifier les portefeuilles. Ces solutions offrent à la fois un impact significatif et un potentiel de rendement attractif.
Congestion du réseau
La récente coupure de courant en Espagne a relancé le débat autour de la congestion des réseaux provoquée par la production intermittente des énergies renouvelables. Ce débat, cependant, est mal orienté. Trop souvent perçue comme un frein, la congestion est en réalité le symptôme du succès de la transition : nous produisons désormais tellement d’énergie renouvelable que le réseau ne parvient pas toujours à suivre.
La réponse n’est pas dans un retour aux énergies fossiles, mais dans une modernisation massive des infrastructures : batteries, réseaux intelligents, réseaux de chaleur, solutions « derrière le compteur » ... Ces investissements constituent autant d’opportunités porteuses de stabilité financière.
Le secteur des renouvelables fait face à de nombreux défis. Mais les technologies déjà matures, passées de la phase pilote à une mise en œuvre à grande échelle, peuvent y répondre efficacement. Les panneaux solaires, les éoliennes ou le stockage par batterie sont désormais soutenus par des modèles économiques fiables et de plus en plus rentables. Cela peut générer des revenus réguliers, notamment via des investissements en dette privée. Les systèmes de batteries, par exemple, font souvent l’objet de contrats à long terme : les compagnies d’électricité paient un loyer fixe pour y accéder et équilibrer leur réseau.
L’innovation ne réside donc plus tant dans la technologie que dans le modèle économique. La question centrale devient : comment générer un chiffre d’affaires stable dans un marché en perpétuelle évolution ? Chez Triodos, notre expertise du marché énergétique, notre approche rigoureuse de la gestion des risques et notre méthodologie d’analyse d’impact nous permettent d’accéder très en amont à des projets porteurs.
Production décentralisée
L’avenir énergétique sera décentralisé. La transition repose sur une production électrique plus locale, moins dépendante des grands producteurs traditionnels. Cette dynamique accompagne l’électrification du système : il ne s’agit plus de surcharger les réseaux, mais de rapprocher la production ou le stockage de l’utilisateur final. Sur les sites industriels, ou à travers des coopératives citoyennes, les solutions locales gagnent du terrain. Elles renforcent l’autonomie énergétique, réduisent les risques géopolitiques et soutiennent la résilience économique des territoires. L’énergie doit rester accessible aux consommateurs comme aux entreprises.
Indépendance énergétique
Depuis la flambée des prix de l’énergie liée à l’invasion russe en Ukraine, l’indépendance énergétique s’est imposée comme une priorité stratégique. Ce qui, autrefois, relevait principalement des objectifs climatiques, s’inscrit désormais dans une logique de stabilité géopolitique et de contrôle des coûts.
Les investissements dans l’économie réelle – notamment les infrastructures énergétiques européennes – se révèlent plus résilients face aux tensions internationales, aux fluctuations monétaires ou aux taxes à l’importation. Bien sûr, l’inflation et les taux d’intérêt jouent un rôle, mais la volatilité boursière influence bien moins ces actifs. Cela permet une valorisation plus stable et prévisible à long terme.
Ce n’est donc pas le moment de ralentir ou de réinvestir dans les structures du passé. Bien au contraire : c’est aujourd’hui qu’il est à la fois nécessaire et rentable d’accélérer. Car la transition énergétique ne se limite plus à la réduction des émissions de CO₂ : elle touche désormais à l’indépendance énergétique, à la maîtrise des prix, et à la compétitivité économique de l’Europe. Des enjeux profondément actuels, et résolument essentiels