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Evolution des BPA : un air de déjà vu
Calendar11 Sep 2025
Thème: Investir
Maison de fonds: DNCA Investments
Dnca


Pierre Pincemaille, Secrétaire général de la Gestion DNCA Investments.


Les amateurs de Formule 1 connaissent bien l'aspect crucial du pit stop* dont la qualité peut conditionner un podium ou une relégation en bas de classement. La saison de publications trimestrielles qui touche à sa fin semble revêtir le même caractère décisif au regard de la course des marchés actions vers de nouveaux sommets.


Le constat est malheureusement sans appel, avec une saison qui s'avère beaucoup plus faste aux États-Unis : le taux de croissance des bénéfices par action y est de +11% au deuxième trimestre (y/y), à comparer à +3.5% pour l’Europe. Au-delà de cet écart de croissance, le niveau de surprises positives (sur la base d'un consensus ayant subi un ajustement drastique à la baisse des deux côtés de l'Atlantique en amont du début des publications) penche là aussi en faveur des États-Unis. En effet, 80% des entreprises américaines ont publié des résultats supérieurs aux attentes contre 60% en Europe.


La cause première de ces écarts tient aux effets devises. Les sociétés européennes dérivant un quart de leurs revenus de la zone américaine et avec une parité euro/dollar qui s'est ajustée de 9% au deuxième trimestre, l'impact négatif sur la croissance des chiffres d'affaires est inévitable. À l'inverse, ce phénomène a été un contributeur positif pour les sociétés américaines. Sans surprise, l'analyse des comptes-rendus des conference call montre que l'évolution des monnaies est désormais le principal sujet de préoccupation des directions générales européennes, devant le risque tarifaire.


Le deuxième contributeur négatif vient de l'impact de l'évolution du prix du pétrole sur les BPA du secteur énergétique. Même si l’amplitude de baisse est semblable pour les deux zones (environ -20%), le poids des majors dans les indices européens rend la contribution bien plus importante. À tel point que la croissance des BPA européens est rehaussée de 350bp si l'on extrait ce secteur du calcul !


À l'inverse et comme c'est le cas depuis plusieurs trimestres, les banques confirment leur bonne santé. Une production de crédits positive couplée à la maîtrise des dépenses et un coût du risque sous contrôle permettent au secteur d'être le principal pourvoyeur de surprise positive sur la période. Et la pondération du secteur dans l'indice européen concourt à la prépondérance du style value.


Côté américain, l’exceptionnalisme se retrouve dans les performances « sous stéroïdes » des Mag7. En effet, l'écart de croissance entre celles-ci et le S&P 493 est toujours significatif au cours du trimestre écoulé (+26% vs. +7%) et les investisseurs restent enclins à récompenser des perspectives de dépenses d'investissement liées à l'IA toujours plus massives. Sur la base des indications managériales, ces sept sociétés vont avoir des capex représentant 55% de leur marge brute d’autofinancement, contre 20% en 2012…


En revanche, malheur aux perdants quelle que soit leur place de cotation : les déceptions ont été lourdement sanctionnées, bien au-delà des moyennes historiques. Les réactions épidermiques des investisseurs s'expliquent probablement par le niveau actuel des marchés actions ainsi que par les attentes faibles en amont des publications.


Comme c’est souvent le cas, les ajustements annuels du consensus suivent les tendances trimestrielles. Résultat, les prévisions de croissance 2025 aux États-Unis sont désormais à un niveau très honorable de +11% alors que les anticipations de progression des BPA en Europe ont été revues drastiquement pour n’être plus que de +1%. On peut donc considérer que les attentes sont désormais faibles, au moins en relatif.


Au-delà de la dynamique des BPA, la très bonne performance des marchés américains depuis les points bas du Liberation Day (+34% en devise locale) tient également aux accords commerciaux signés par le Président américain, qui profitent largement aux firmes locales. Après la sous-performance récente des marchés actions européens, le ratio cours/bénéfice relatif est revenu vers ses plus bas (25% de décote, en secteur neutre pour gommer les biais). Si l’on ajoute à cet argument de valorisation le coup de pouce énergétique (pétrole et gaz en baisse), un rééquilibrage des allocations en faveur de l'Europe est sans doute à reconsidérer pour cette deuxième partie d'année…


*arrêt au stand