Les mines d’or signent des bénéfices records et de solides bilans, tout en conservant des valorisations attrayantes. Les investisseurs commencent désormais à s’en rendre compte.
![]() James Luke |
De nombreux investisseurs se demandent aujourd’hui s’ils ont loupé le coche. Ou s’il est précisément temps de vendre après une hausse de plus de 50 % cette année. Selon Luke, les actions aurifères sont encore bon marché, et ce pour trois raisons :
- Des marges importantes dissociées des actions
Les actions aurifères ont tendance à surperformer l’or pendant les périodes de hausse des marges et à être moins performantes lors de contractions des marges. Toutefois, depuis la fin de l’année 2023, les marges de trésorerie des producteurs ont atteint des niveaux sans précédent, alors que cela se reflète à peine dans le cours des actions.
- Les marges AISC moyennes se situent aujourd’hui aux environs de 2.000 dollars l’once, soit près du double du pic atteint en 2020. La raison ? L’or est de plus en plus considéré comme un actif monétaire ou, comme le dit Ray Dalio, une ‘monnaie sans dette’.
- Des valorisations raisonnables et de solides bilans
Malgré des marges élevées, les valorisations restent attrayantes. Luke examine différents critères, depuis le P/NAV et le EV/Ebitda jusqu’au rendement des flux de trésorerie disponibles et au rendement du capital investi. Même à un cours de l’or inférieur au prix au comptant, ces indicateurs restent raisonnables. Par ailleurs, les sociétés minières affichent de solides bilans, ce qui les rend plus résistantes à la volatilité.
- Pas d’engouement en vue
On n’observe pas d’enthousiasme irrationnel. Au contraire, les investisseurs ont longtemps profité de la hausse pour vendre. Les flux entrants dans les fonds de mines d’or n’ont repris que récemment.
L’histoire structurelle de l’or
L’or est en train de passer du statut d’investissement de niche à celui de classe d’actifs à part entière. Luke considère comme réaliste d’atteindre des pics de 5.000 dollars l’once d’ici la fin de la décennie, voire davantage en raison des tendances géopolitiques et monétaires.
Le cours de l’or atteint aujourd’hui des sommets historiques, tant en valeur nominale qu’en valeur réelle. Il y a à cela trois raisons principales :
- Banques centrales : achats massifs depuis 2022, lorsque le G7 a gelé les avoirs russes.
- Chine : demande privée croissante en raison des problèmes du secteur immobilier.
- Politique américaine : guerre commerciale, pression sur la Réserve fédérale et incertitude politique.
Selon Luke, ces événements sont les symptômes de deux tendances structurelles :
Vulnérabilité budgétaire
La démographie et la paralysie politique engendrent une hausse des déficits et des dettes. Il en résulte une probabilité accrue de dominance budgétaire : les banques centrales doivent financer la dette par des moyens monétaires, les objectifs d’inflation sont plus élevés et la confiance dans les obligations d’État diminue.
Réorganisation géopolitique
Le monde s’éloigne de la Pax Americana unipolaire pour s’orienter vers un ordre multipolaire, avec les États-Unis et la Chine comme rivaux. Ce glissement mène à une multipolarité monétaire : l’effondrement de l’étalon-dollar qui dominait depuis 1971.
Luke se demande si cela ne pourrait pas entraîner une réorganisation du format de Bretton-Woods. Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs qui se fient au portefeuille classique 60/40, dans un monde où les rendements obligataires doivent être maintenus artificiellement bas par la création monétaire ?
L’or, un petit segment de marché, mais crucial
La demande monétaire d’or, un marché d’environ 400 milliards de dollars, est désormais alimentée par d’énormes sources de capitaux : les réserves des banques centrales, les dépôts d’épargne chinois et moyen-orientaux, les capitaux institutionnels (fonds de pension, fondations, family offices) et même le monde des cryptomonnaies. Jusqu’à présent, la croissance provient principalement des banques centrales, mais d’autres sources pourraient suivre.
Graphique : L’or par rapport aux agrégats monétaires, à l’épargne et aux actifs financiers (en milliards US$)

Selon Bloomberg, le stock actuel de l’ETF est d’environ 95 millions d’onces. Doubler ce chiffre pour atteindre 200 millions d’onces nécessiterait un investissement de 380 milliards de dollars. Un investissement élevé ? Pas d’un point de vue relatif, par rapport à la masse monétaire mondiale. Une vague d’achats simultanés entraînerait toutefois une forte hausse des cours et un déplacement de la demande au détriment des bijoux.