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L'incidence à long terme des guerres commerciales sur les retours sur investissement
Calendar12 Jun 2019
Thème: Macro
Maison de fonds: Legg Mason

Par Kim Catechis, Responsable marchés émergents internationaux chez Martin Currie (une filiale Legg Mason)

Les États-Unis et la Chine se livrent une guerre commerciale ouverte, et dans le même temps une guerre froide sous-jacente dans le domaine des technologies. Les implications à court terme sont bien visibles pour les investisseurs sur les marchés de capitaux, ce qui leur permet de prendre des décisions évidentes à cet horizon. Toutefois, les impacts à long terme sont moins clairs.

Kimkatechis
Kim Catechis

Le grand modèle commercial international de l'après-guerre axé sur la mondialisation est officiellement enterré, du moins sous la forme avec laquelle nous avons grandi. Les volumes des échanges commerciaux des pays émergents développés devraient baisser et être remplacés par une combinaison d'automatisation accrue, d'apprentissage automatique, d'IA et d'impression en 3D, facilités par l'adoption de la 5G et poussés par un manque de clarté de plus en plus grand dans les politiques commerciales des gouvernements, à mesure que de plus en plus de pays développés s'enfonceront dans les guerres commerciales actuelles.

Cependant, les échanges entre économies émergentes représentent 39 % du commerce mondial et augmentent à un taux annuel composé de 2,9 % depuis dix ans. En revanche, la croissance des échanges commerciaux entre les économies avancées a été tout à fait atone en comparaison, à 1,1 % au cours de la même période. Compte tenu de la taille de la Chine, de sa croissance et de l'ampleur des infrastructures physiques construites pour faciliter le commerce avec les plus de 80 pays de l'initiative la Ceinture et la Route, il ne semble pas exagéré de s'attendre à ce que les échanges entre marchés émergents dépassent les échanges entre les économies développées d'ici à 2025.

En fin de compte, cette évolution pourrait déboucher sur la création de trois « camps » ; chacun conduisant à une interdépendance économique et politique croissante et limitant les rendements des investissements.

  • 1. Le groupement dirigé par la Chine, soit principalement les pays impliqués dans l'initiative la Ceinture et la Route et les signataires du partenariat économique régional global (RCEP), le groupe commercial multilatéral sous l'égide de la Chine. Ce partenariat englobe l'Asie et le Pacifique occidental. Ce groupe bénéficiera d'une croissance continue des volumes et de la valeur des échanges commerciaux, en parallèle à un alignement de plus en plus fort sur Pékin dans le domaine géopolitique. Une fois terminé, le RCEP sera monumental. Il englobe 3,5 milliards de personnes et 33,3 % du PIB mondial, reposant sur les règles de l'OMC.

  • 2. Les vestiges de l'ordre de l'Ancien Monde, le Japon, l'UE et certains pays de l'Asie du Sud-est et du Pacifique, dans le cadre de l'Accord de partenariat économique Japon-UE et les 11 pays membres du CPTPP (Accord global et progressif de Partenariat transpacifique). L'APE Japon-UE mettra le Royaume-Uni dans une situation peu enviable après le Brexit. Ce partenariat englobe 638 millions de consommateurs, 28 % de l'économie mondiale et plus d'un tiers du commerce mondial. Le CPTPP représente 753 millions de consommateurs, 15 % de l'économie mondiale et inflige un net désavantage compétitif aux pays qui n'en sont pas membres : les entreprises américaines seront désormais désavantagées face aux entreprises canadiennes, mexicaines, japonaises et australiennes sur ces marchés. Les entreprises thaïlandaises, coréennes et taiwanaises perdront du terrain face à leurs rivaux malaisiens, vietnamiens et japonais.

  • 3. Les États-Unis, qui sont de toute façon une économie relativement moins axée sur les échanges commerciaux, avec un nombre restreint de pays non alignés, dont l'importance commerciale décline dans le temps étant donné que leur faculté à rivaliser avec les évolutions technologiques s'effrite en raison de l'affaiblissement de leurs capacités. En cas de Brexit « dur », le Royaume-Uni est un candidat à ce groupe. En effet, il perdrait les avantages de la coopération avec l'UE sur la recherche technologique, tandis qu'il n'est pas en mesure de rivaliser avec les États-Unis dans ce domaine.

    Dans un tel scénario, la division du monde en trois camps sera totale et l'intervention de l'État gagnera du terrain tandis que les populations se plaindront de plus en plus de la détérioration de leur niveau de vie et que l'inflation et la hausse des taux d'intérêt exacerberont les inégalités. Il se peut que les investisseurs ne jouissent plus d'autant de liberté, alors que le secteur public dans un premier temps et les grands détenteurs d'actifs privés dans un deuxième temps se voient contraints de réduire leur exposition sur les marchés dans les « autres » camps.

    Enfin, il convient de souligner qu'il est très peu probable que toutes ces souffrances débouchent sur une réduction du déficit commercial entre les États-Unis et la Chine ou qu'elles permettent d'enrailler le développement de la Chine. En fin de compte, la combinaison d'un leadership résolu et stable, d'économies d'échelle, d'une population de plus en plus instruite et d'un marché national dynamique permettra probablement à Pékin d'accélérer la sophistication technologique croissante du pays.