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Les gagnants et les perdants des marchés actions et obligataires
Calendar28 May 2020
Thème: Fixed Income
Maison de fonds: JP Morgan

Par Stuart Canning, spécialiste au sein de l'équipe M&G Multi Asset

Près de deux mois après l’effondrement des marchés actions, que peut-on retenir des convictions des investisseurs ?

Stuartcanning
Stuart Canning
Les "épisodes" de marché sont généralement des périodes où les investisseurs semblent renoncer à leurs convictions long terme du fait de l'évolution des prix.

Au cours de ces épisodes, il est fréquent d’assister à des baisses corrélées entre des classes d'actifs pourtant sans rapport apparent entre elles, ce que nous avons pu en effet constater en mars. Ces périodes de forte corrélation sont révélatrices de l'évolution de convictions ancrées dans les marchés et de l’importance du rôle joué par les comportements.

Quatre gagnants

1. Les obligations d’Etat sud-africain

En l'espace de deux mois, le marché a modifié le point de vue qu’il s’était forgé au cours des dernières années sur la dette publique sud-africaine, passée d'un peu moins de 9,5 % à près de 13 %... et inversement. Comme toujours, ces mouvements de prix s’expliquent après coup. Les taux directeurs sont passés de 6,25 % à 4,25 % depuis le début du mois de mars (bien qu'ils n'aient pas augmenté auparavant) et la Banque centrale est intervenue en achetant des obligations. Généralement, certains segments liquides du monde émergent deviennent le refuge des investisseurs pour se protéger de la volatilité.

2. Les actions mondiales de soins de santé

Parfois plutôt que d’analyser les valorisations, il suffit de se diriger vers des valeurs refuges traditionnelles ou vers les gagnants évidents d'une pandémie. Avec le recul, la baisse des actions mondiales de soins de santé parait déroutante, mais il semblerait que le marché ait d'autres « préoccupations ». Une fois de plus, si nous tentions d'expliquer ces mouvements, un retour aux niveaux antérieurs suggère que les gains réalisés par ces actions ne font que compenser des pertes plus importantes. Mais la nature de ces mouvements semble incompatible avec une telle logique. Dexcom et Biomérieux (deux sociétés de dispositifs médicaux) sont deux exemples de valeurs au sein du iShares MSCI World ETF qui ont le mieux performé.

3. Les actions technologiques

Avec le recul, les actions technologiques, et pas seulement aux États-Unis, font également partie des évidences. Le Nasdaq et son équivalent coréen (le Kosdaq) ont tous les deux bien récupéré depuis leur baisse du mois de mars. Ces actions sont perçues comme ayant plusieurs avantages. Elles sont plus résistantes aux ralentissements du fait de leur portée mondiale et du fait qu'elles n’aient pas (ou peu) besoin d'une présence physique pour fabriquer ou distribuer leurs produits. Par ailleurs, l'augmentation du travail à domicile, aujourd'hui et à l'avenir, est aussi bonne nouvelle pour leur rentabilité à plus long terme. Parmi les meilleures performances depuis le début de l’année, on note des sociétés telles que Shopify (commerce en ligne), Twilio (communication en ligne), Docusign (signature électronique), Wix (développement web) ou encore Sartorius (équipement électronique).

4. Le bitcoin

S’il est délicat de valoriser le Bitcoin , certains se seront penchés sur son comportement récent pour évaluer son potentiel en tant qu'actif sûr. Il n’a pas échappé à une baisse en mars (peu d’actifs y ont échappé), mais il a récupéré depuis. Quelques mois ne sont pas suffisamment pour déterminer les caractéristiques d'un actif, mais beaucoup analyseront son comportement en cas de changement significatif du régime inflationniste dans le contexte post-confinement.

Quatre perdants

1. Les rendements du Trésor américain

Contrairement aux cas mentionnés ci-dessus, le Trésor américain n’a pas connu de retour aux niveaux d'avant février. On pourrait considérer que des baisses de rendement aussi rapides reflètent un besoin épisodique de sécurité. Si c’était vrai, on s'attendrait alors à ce que les rendements augmentent à nouveau au fil de l'épisode. Au lieu de cela, les rendements sont restés faibles. L'épisode semble plutôt refléter la très rapide vente "sans conviction" de mars (entourée ci-dessous), et non une reprise significative. Malgré la reprise des marchés des actions, ce qui est révélateur dans le cas présent, c'est que cela ne reflète en aucun cas l’optimisme à l'égard de l'économie mondiale. Au contraire, la récente stabilité des rendements traduit la conviction que la politique devra rester facile et que l'on ne devrait guère se préoccuper de l'inflation.

2. Les actions du secteur bancaire

Le comportement des actions du secteur bancaire dans le monde entier est une preuve supplémentaire que le comportement récent des marchés n’a rien à avoir avec de l’optimisme. Les indices globaux ne laissent présager aucun signe de reprise, particulièrement pour les entreprises liées à la technologie. Les changements de politique économique auront un impact sur ce point, mais comme pour les taux, il semblerait que le pessimisme soit toujours dominant en ce qui concerne la situation conjoncturelle. Les sociétés ayant le moins bien performé depuis le début de l’année sont AIB Group, Bank of Ireland ou encore Banco de Sabadell.

3. Les actifs brésiliens

Si les rendements des obligations sud-africaines montrent à quel point les ventes dans de nombreuses régions du monde émergent semblent avoir été épisodiques, le Brésil est un cas à part. Dans ce cas de figure, nous assistons à une dépréciation corrélée au dollar américain à la mi-mars. Mais alors que les autres devises des marchés émergents se sont redressées, ou du moins stabilisées, le real brésilien a continué à s'affaiblir. La situation aurait-elle été différente si la banque centrale brésilienne s'était comportée comme en Afrique du Sud ? C'est possible, mais plutôt qu’un mouvement purement épisodique indiqué par la vente corrélée en mars, l'absence de reprise suggère que cette fragilité a davantage un caractère idiosyncrasique.

4. Le pétrole

Tout comme le bitcoin, le pétrole est un secteur qui a retenu l'attention depuis le mois de mars. Ce phénomène s'est accentué lorsque les prix du WTI sont devenus négatifs en avril. Dans le cas du Brent, qui n'a pas souffert de la même dislocation en avril, les prix sont toujours sensiblement inférieurs à leurs niveaux de février. La nature de la demande et de l'offre sur le marché pétrolier peut entraîner des fluctuations de prix spectaculaires, et l'absence de tout sens du rendement pour servir d'"ancrage" à la valorisation peut également empêcher les prix de "remonter" après une action sur les prix qui pourrait sembler épisodique en surface.