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Bravo Yankee Papa - piloter une nouvelle stratégie aux Etats-Unis
Calendar12 Apr 2021
Maison de fonds: M&G Investments
Richardwoolnough
Richard Woolnough

Par Richard Woolnough, gérant du fonds M&G (Lux) Optimal Income Fund

L’année dernière, l’ensemble de la planète a été confronté à une profonde récession économique. Jerome Powel, le président de la banque centrale des Etats-Unis, a massivement financé l’économie au travers d’un hélicoptère monétaireétant donné l’ampleur de la crise, mais l’option monétaire ne doit pas être la seule à l’avenir. Pour sortir de cette situation, il faut que l’économie américaine se mette à tourner à plein régime.

L’effondrement économique auquel nous avons assisté l’année dernière fait écho à une catastrophe naturelle, non économique. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer le fort rebond des statistiques américaines de l’année dernière (par exemple, sur le front du chômage) à d’autres événements naturels survenus dans le passé (se reporter au graphique ci-dessous).

Hurricane katrina effect unemployment rate

Une chute violente et un rebond rapide

Aux Etats-Unis, la réponse à ces catastrophes historiques à l’échelle d’un État a consisté à mobiliser des ressources d’urgence et des dépenses budgétaires afin de venir en aide et faciliter le rebond. Cette fois-ci, la réponse a été faite bien plus importante en raison de la durée et de l’échelle nationale/mondiale de la pandémie. L’intervention médicale est allée de pair avec une réponse budgétaire et monétaire sans précédent.

Au sortir du confinement, nous pouvons tenter d’établir un guide de la reprise. Nous pouvons nous inspirer des États où les mesures de confinement ont été moindres pour savoir ce qui pourrait se passer lorsque l’intervention de la politique de santé publique prend fin (graphique 1 ci-dessous) ; nous pouvons simplement modéliser le retour au travail de tous ceux qui ont perdu leur emploi dans les secteurs des loisirs et de l’hôtellerie (graphique 2) ; ou nous pouvons déterminer l’emploi probable sur la base de divers rebonds du PIB (graphique 3).

Lockdown us states Unemployment us gdp

Ces modèles simples de « rebond » laissent entrevoir un retour potentiel à un taux de chômage d’environ 4 %-5 % cette année. Les dernières projections de l’OCDE concernant la croissance du PIB réel américain pour 2021 s’établissent à 6,5 %. Ce niveau serait cohérent avec un taux de chômage de 4,7 %. Ces prévisions de PIB sont extrêmement positives pour le risque de crédit et suggéreraient traditionnellement un resserrement de la politique. Toutefois, les choses sont différentes cette fois-ci.

Bravo Yankee Papa

La politique monétaire aux États-Unis a été dirigée par trois personnes au cours des dernières années : Bernanke (Bravo), Yellen (Yankee) et Powell (Papa). On se souvient de Ben Bernanke pour ses propos sur la monnaie hélicoptère, Janet Yellen a envisagé cette approche et a évoqué son utilisation, tandis que Jerome Powell a accéléré à pleins gaz et a exécuté à juste titre un largage d’hélicoptère à pleine charge étant donné l’ampleur de la crise.

Le largage de liquidités "par hélicoptère" de Bernanke était une proposition théorique de ce qu’il fallait faire aux confins de la politique monétaire, Yellen nous a conduits aux limites de la politique monétaire et Powell a mis en œuvre cette politique à grande échelle. Comme toute politique monétaire, l’hélicoptère monétaire fonctionne avec un certain retard.

Nous savons que les taux d’intérêt prennent environ 18 mois pour avoir un effet sur l’économie réelle, mais quel est le décalage pour l’hélicoptère monétaire ? J’aurais tendance à supposer qu’il est très court étant donné que la propension marginale à consommer est élevée. Il va cependant y avoir un certain retard.

Les Américains reçoivent à nouveau leur chèque électronique par la poste. Ils pourront le dépenser pour certaines choses (articles de première nécessité, actions, Bitcoins), mais il leur sera plus difficile de le dépenser pour d’autres (voyages, sorties au restaurant et toute autre activité soumise aux restrictions liées à la Covid-19). Cela entraîne un décalage : imaginez cela comme un hélicoptère qui largue de l’argent, mais au même moment où les magasins sont fermés.

La Fed est parfaitement consciente de la chaîne d’événements qu’elle a déclenchée. Elle ne se polarise toutefois pas sur le résultat probable de sa politique, mais attend que les statistiques apparaissent. Pourquoi ce passage d’une politique proactive à une politique réactive ? La réussite du pilotage de l’inflation à un niveau obstinément bas révèle la difficulté dans laquelle se trouve la Fed en essayant d’agir au seuil zéro.Une inflation qui oscille tout juste au-dessus de zéro est un danger pour la politique monétaire et la Fed doit donc maintenir l’inflation à un niveau plus élevé pendant une période prolongée afin de retrouver de la flexibilité monétaire.

Conclusion

L’aspiration des banques centrales à une faible inflation est un objectif compréhensible, mais les autorités monétaires ont toujours su que cela n’était pas sans risque. Ben Bernanke l’a reconnu avec ses propos sur l’hélicoptère monétaire, Janet Yellen en était bien consciente et était déterminée à tirer les anticipations inflationnistes à la hausse, tandis que Jerome Powell est celui qui a été confronté au seuil "zéro" et a dû procéder au largage de liquidités qui "tombent du ciel".

Ni lui ni ses successeurs ne veulent devoir faire face à cette seule option monétaire à l’avenir. Pour sortir de cette situation, il faut que l’économie se mette à tourner à plein régime.