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2022 sera une importante année de transition
Calendar31 Jan 2022
Thème: Macro
Maison de fonds: Lazard

La pandémie va-t-elle bientôt se terminer ? Comment les banques centrales réagiront-elles à la montée des pressions inflationnistes ? Comment la situation géopolitique en Ukraine évoluera-t-elle ? Ron Temple, CFA, Managing Director, Co-directeur de la gestion diversifiée de Lazard Asset Management, analyse les défis de 2022 et leur impact potentiel pour les investisseurs.
Ron temple
Ron Temple

Malgré l’émergence du variant Omicron, nous pensons que la fin de l’épidémie de Covid-19 n'est plus si lointaine, même si le chemin à parcourir sera encore chaotique. La pandémie devrait surtout peser sur les marchés émergents en 2022. Le déploiement des vaccins dans ces pays a en effet été retardé par une offre limitée, la demande des pays riches ayant été forte, et par des défis logistiques.

Dans ce contexte, les politiques monétaires et économiques ont fortement atténué les difficultés économiques causées par le Covid-19 et ont propulsé les marchés financiers de records en records. Seule la dette souveraine ne semble pas s’aligner sur ces perspectives économiques sans doute exubérantes. Bien que les courbes des taux d’emprunt d’État se soient quelque peu pentifiées, elles se maintiennent à des niveaux historiquement bas.

Des politiques monétaires divergentes

Nous considérons 2022 comme une importante année de transition. Les ruptures observées dans les chaînes d'approvisionnement ont tiré les prix à la hausse dans le monde entier, ce qui a pesé sur le pouvoir d’achat des salariés. Aux États-Unis, la grande question est de savoir si l'inflation va revenir à l'objectif de 2% de la Fed. En Europe, parallèlement à l'inflation, les sujets politique sont au centre des préoccupations avec le changement de pouvoir en Allemagne, les élections en France et de potentielles réformes en Italie.

En Chine, la question est de savoir si les dirigeants privilégient désormais une croissance plus qualitative que quantitative, au risque de décevoir les estimations. De manière plus générale, sur les marchés émergents, la croissance sera déterminée par la capacité des pays à vacciner leurs populations et par le soutien public face aux perturbations économiques. Enfin, le défi mondial de long terme est celui de l'adaptation au changement climatique et de son atténuation. Nous pensons que la lutte contre le changement climatique renforcera les pressions inflationnistes à l’échelle mondiale dans les années à venir, et que ce phénomène n’est pas intégré dans les cours.

Selon l’évolution des tensions inflationnistes, les banques centrales des marchés développés sont susceptibles de mener des politiques monétaires divergentes et donc d’accroître la volatilité des taux et des devises. Cet environnement devrait se traduire par des mouvements contrastés sur les marchés actions, au détriment des valeurs de croissance spéculatives, mais au profit des valeurs de qualité plus prévisibles ainsi qu’aux valeurs cycliques sous-évaluées.

Russie : excédent budgétaire en 2022 ?

En ce qui concerne la Russie, la question la plus importante pour 2022 est de savoir si les troupes déployées à la frontière avec l'Ukraine lanceront une offensive ou finiront par se retirer. Malgré le risque de conflit géopolitique et de sanctions économiques, la situation financière de la Russie n’avait pas été aussi robuste depuis de nombreuses années. La hausse des prix de l’énergie est susceptible d'entraîner un excédent budgétaire en 2022 et le renforce les réserves de change. L'Europe semble en revanche vulnérable face à un arrêt de l’approvisionnement en gaz russe, ce qui incite les gouvernements à évaluer les conséquences économiques d’une coupure prolongée des livraisons de gaz en cas de mesures de rétorsion.

Conséquences en matière d'investissement

Marchés obligataires. Dans l’absolu, le contexte économique devrait soutenir le prix des actifs en 2022. Malheureusement, les prix sont souvent déjà élevés. Si l'inflation reste forte comme nous le prévoyons (inflation sous-jacente américaine à 2,5-3,5 % en 2022 et 2,5-3 % en 2023), nous anticipons une pentification de la courbe des taux et un rendement des bons du Trésor à 10 ans proche de 2,5 %. Si la Fed relève ses taux directeurs plus vite que prévu en 2022, notre analyse évoluera en conséquence. À ce stade, notre scénario central est celui d’une Fed fidèle au « ciblage flexible de l'inflation moyenne », levant le pied en douceur pour prendre le temps d’observer les conséquences d’une diminution de ses achats d’actifs.

La hausse des taux d'intérêt à long terme aux États-Unis va peser sur la croissance économique, en particulier sur le marché immobilier américain, où les prix ont augmenté de 20% en 2021. Toutefois, le maintien de taux faibles en Europe et au Japon, où l'inflation devrait être plus modérée, pourrait limiter l'ampleur de la pentification aux États-Unis. Nous pensons néanmoins que l’inflation entraînera des politiques monétaires divergentes à l'échelle mondiale en 2022, ce qui renforcera la volatilité des taux, des devises et des actions.

Marchés actions. La question clé est de savoir si la croissance des bénéfices sera assez élevée pour compenser la prise en compte de taux d’actualisation plus élevés dans les modèles de valorisation. Même si nous identifions toujours un potentiel de hausse pour les marchés actions internationaux, il nous semble que ce moteur va évoluer. La hausse des taux d'actualisation est plus pénalisante pour les valeurs de croissance n’ayant pas encore atteint leur seuil de rentabilité. Les entreprises ne dégageant ni flux de trésorerie positif, ni bénéficies, seront beaucoup plus exposées à ce risque. À l’inverse, les entreprises de qualité bénéficiant d'avantages concurrentiels durables devraient être en mesure de résister à une hausse des taux d'actualisation, tout en affichant une croissance de leurs bénéfices. De même, grâce à un environnement économique favorable, certaines actions sous-évaluées et plus cycliques devraient enregistrer de solides performances, l'amélioration de leur rentabilité compensant largement l’effet de taux d'actualisation plus élevés.

Nous reconnaissons que les actions américaines sont plus chères que sur la plupart des autres marchés. Pour autant, nous pensons toujours que le marché américain peut enregistrer des performances supérieures à la moyenne, car la hausse des taux est tirée par une croissance soutenue. Selon nous, en 2021, le PIB nominal américain devrait avoir progressé de 10%, contre 4% au cours des années précédant la pandémie. En 2022, le PIB nominal pourrait dépasser 8%. En comparaison, la croissance nominale de l’Union européenne devrait atteindre 8% en 2021 et 7% en 2022, contre 2 à 4% avant la pandémie.

Rappelons enfin que dans les années 1970, les investisseurs considéraient souvent les grandes capitalisations comme un moyen efficace de se couvrir contre l'inflation, car les entreprises pouvaient répercuter celle-ci sur la hausse des prix. La situation actuelle nous semble plus nuancée, mais néanmoins similaire. 2022 pourrait donc être une nouvelle année favorable aux actions, notamment aux entreprises de qualité, aux valeurs cycliques et aux actions sous-évaluées. La sélection de titres sera déterminante pour la performance relative dans un marché caractérisé par une volatilité accrue.