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Monthly Macro Insights par Rothschild & Co AM - janvier 2023
Calendar19 Jan 2023
Thème: Macro
Maison de fonds: Rothschild & Co

Un espoir de croissance en V pour la Chine

L’assouplissement soudain et rapide des restrictions sanitaires strictes liées au Covid-19 en Chine entraîne une hausse sans précédent des contaminations et pourrait causer une contraction de l’activité plus importante que prévu à court terme. Dans le secteur manufacturier, l’indice de confiance des entreprises est tombé à 47 en décembre contre 48 en novembre(1), témoignant d’une contraction de l’activité pour le 3è mois consécutif et au rythme le plus élevé depuis près de 3 ans. Concernant le secteur non-manufacturier, l’indice a chuté, passant de 46,7 à 41,6 en décembre, ce qui correspond à un point bas depuis février 2020(2). Les semaines précédant les vacances du Nouvel An lunaire s’annoncent difficiles pour le secteur des services alors que la mobilité pourrait être affectée par la crainte de la population de contracter le virus. L’accélération des contaminations pourrait également entraîner des pénuries temporaires de main-d’oeuvre ainsi qu’une augmentation des perturbations des chaînes d’approvisionnement, avec des répercussions mondiales sur les prix.

Cependant, le nombre de nouveaux cas pourrait atteindre un pic début février, juste après les vacances, ce qui permettra à l’économie chinoise de se redresser à partir du trimestre suivant. De plus, la Commission chinoise de réglementation des banques et des assurances a renforcé son soutien financier aux PME, notamment celles des secteurs de la restauration et du tourisme qui ont été durement touchés par la pandémie. Les responsables politiques ont, plus largement, établi un plan afin de raviver la consommation domestique ainsi que l’investissement. Cela étant, les exportations font toujours face à des vents contraires en raison de l’affaiblissement de la demande extérieure en lien avec les craintes croissantes de récession mondiale dans un contexte de hausses des taux d’intérêt, d’inflation et de guerre en Ukraine.

Dissonance monétaire avec les marchés financiers

L’indice S&P Global de confiance des entreprises manufacturières a légèrement fléchi en décembre à 48,6 avec notamment 75% des pays couverts par l’indice en dessous de la ligne d’expansion (<50), témoignant ainsi d’une faiblesse généralisée, tandis que du côté des services, la confiance est restée stable à 48,1(3). Bien que ces niveaux de confiance restent faibles, les investisseurs espèrent que cette stabilisation présage de l’arrêt du ralentissement de la croissance mondiale. En revanche, la baisse de la sous-composante de l’indice nouvelles commandes en décembre, s’inscrivant en territoire de contraction (47,7), jette un doute sur ces attentes. Concernant l’inflation, les composantes prix des intrants (59,7) et prix de la production (55,1) sont restées sur des niveaux élevés bien que la tendance baissière des derniers mois envoie un signal rassurant quant à la réduction des tensions sur les prix(4). Ce recul s’explique en partie par le ralentissement de la croissance mondiale, mais également par la baisse des prix des matières premières liées à la guerre en Ukraine et l’amélioration de la situation sur les chaînes d’approvisionnement. Néanmoins, les perspectives restent incertaines notamment en raison de la vigueur du marché du travail.

Alors que la Banque centrale européenne (BCE) a procédé à une hausse de ses taux directeurs de moindre ampleur en décembre (+50 points de base contre +75 pdb lors des deux précédentes réunions), celle-ci a conservé un ton hawkish(5) et a entamé son resserrement quantitatif(6). Le pic d’inflation semble dépassé en raison de la baisse des contributions énergétiques en lien avec des températures hivernales clémentes et au succès du remplissage des stocks. Toutefois, si les prix du gaz naturel européen ont retrouvé leur niveau d’avant-guerre, l’impact de la hausse des coûts énergétiques sur la consommation demeure, pour l’heure, incertain alors que les gouvernements réduisent progressivement les aides visant à protéger les consommateurs contre la forte volatilité des prix de l’énergie. De plus, les pressions sous-jacentes sur les prix n’envoient pas de signaux de détente pour le moment, à l’instar de la donnée d’inflation tendancielle de décembre qui atteint un point haut depuis le début de l’euro (5,2%) alors que le chômage reste, quant à lui, sur un niveau historiquement bas à la fin de 2022. D’ailleurs, la BCE a révisé à la hausse ses prévisions d’inflation avec notamment une augmentation à 2,8% de l’inflation tendancielle en 2024, reflétant probablement l’avènement des pressions inflationnistes sur les salaires(7). Ce niveau d’inflation sensiblement supérieur à son objectif de stabilité des prix suggère que l’Institution pourrait être amenée à poursuivre son resserrement monétaire et atteindre un taux terminal supérieur à celui anticipé par les marchés financiers.

Aux États-Unis, les données relatives au marché du travail envoient des signaux contradictoires. D’une part, la croissance de l’emploi est restée solide et le taux de chômage a reculé plus fortement qu’attendu en décembre pour atteindre son plus bas niveau cyclique à 3,5 %(8). En outre, le nombre d’emplois vacants n’a que légèrement diminué en novembre et le rythme de baisse s’avère plus faible qu’au début de 2022, alors que le taux de départs volontaires a atteint un niveau historiquement haut, des éléments témoignant d’un marché du travail très tendu. D’autre part, la croissance du salaire horaire moyen a quelque peu ralenti en décembre pour atteindre 4,6% en glissement annuel, ce qui est inférieur au 5,6% atteint en mars(8). Cette évolution, combinée aux signes de ralentissement de la croissance, à l’image de l’indice ISM manufacturier et des services(9), a nourri l’espoir que la Fed puisse effectivement réaliser un atterrissage en douceur et ainsi bientôt relâcher le frein monétaire. Les marchés à terme des fed funds(10) tablent désormais sur un taux terminal à 5% au premier semestre 2023 avec, par la suite, une réduction de 40 pbd d’ici la fin de l’année.

Or, contrairement aux attentes des investisseurs, le compte-rendu de la dernière réunion de la Fed a montré qu’aucun des 18 membres du FOMC n’est favorable à l’abaissement du taux directeur courant 2023, au regard des risques d’une inflation persistante. En effet, bien que l’inflation ait reflué au cours des derniers mois, ils ont souligné la nécessité de disposer de plus de preuves afin de conclure à une durabilité de la tendance baissière des prix. De plus, les responsables de la Fed ont, dans l’ensemble, convenu qu’un maintien de la politique monétaire en territoire restrictif devrait perdurer encore un certain temps, en lien avec l’expérience historique qui met en garde contre un assouplissement prématuré. En conséquence, comme la politique monétaire fonctionne en partie par l’intermédiaire des marchés financiers, un assouplissement injustifié des conditions financières, surtout s’il est motivé par une perception erronée de la part des investisseurs, compliquera ses efforts pour ramener l’inflation à l’objectif et la forcera ainsi à relever encore davantage ses taux.

(1) Supérieur à 50 il exprime une expansion de l’activité, inférieur à 50, une contraction.
(2) Source : National Bureau of Statistics, janvier 2023.
(3) Source : S&P Global, janvier 2023.
(4) Source : ISM, janvier 2023.
(5) Orientation de politique monétaire moins accommodante visant à lutter contre l’inflation.
(6) Politique monétaire plus restrictive.
(7) Source : Eurostat, janvier 2023.
(8) Source : U.S. Bureau of Labor Statistics, janvier 2023.
(9) Indice des directeurs d’achat, indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat dans un secteur d’activité.
(10) Fonds déposés par les banques commerciales pour répondre aux exigences de réserves obligatoires fixées par la Fed.