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« Il est possible de marier émergents et impact »
Calendar29 Apr 2023
Maison de fonds: Union Bancaire Privée

Eli Koen est gérant de fonds actions à impact des marchés émergents à l’Union Bancaire Privée (UBP), un gestionnaire suisse qu’il a rejoint en 2010. Auparavant, il avait notamment travaillé chez Lehman Brothers, Goldman Sachs et Ageas Investment Management. Depuis mai 2020, il co-gère le fonds Positive Impact Emerging Equity de l’UBP, un des rares produits répondant à l’article 9 de la législation européenne SFDR sur cette classe d’actifs. Nous avons eu récemment l’occasion de l’interroger sur la stratégie qu’il supervise en compagnie de Mathieu Nègre (Head of Emerging Impact Equities à l’UBP).

Eli koen
Eli Koen

Quel est le cœur de votre stratégie en termes d’impact ?

Eli Koen: « Comme vous le savez, l’investissement de type impact est un concept qui est d’abord apparu dans le private equity. Nous avons repris un certain nombre de concepts utilisés dans les marchés privés pour les appliquer sur les marchés boursiers. Nous avons passé beaucoup de temps sur le développement de notre modèle d’analyse d’impact (IMAP), qui va noter une entreprise sur quatre critères qui sont chacun notés sur 5. Ceci permet d’avoir au final une note sur 20 afin de déterminer l’intensité de chaque société en termes d’impact. Nous avons besoin d’un score minimum de 12 pour qu’une valeur puisse être prise en considération dans notre stratégie ».

Est-ce que vous pouvez donner plus de détails sur ces quatre critères ?

E.K. : « L’intentionnalité reprend la manière dont l’entreprise vit son impact, ce qui revient à savoir si elle se présente comme un agent actif du changement avec une réelle stratégie d’impact. Outre les critères qualitatifs, nous regardons également le pourcentage du Capex et de R&D qui se dirige vers les activités à impact. La matérialité représente simplement le pourcentage du chiffre d’affaires provenant des activités à impact et évalue si des lignes de métier entrent en contradiction. L’additionnalité revient à déterminer si l’entreprise occupe une position de leader dans son domaine, et si sa technologie est véritablement originale par rapport aux concurrents. Enfin, la potentialité reprend les perspectives pour un produit ou un service d’avoir un impact significatif sur le plan mondial, et va également regarder si la société dispose des ressources pour pouvoir saisir cette opportunité ».

Est-ce que vous êtes également actifs au niveau de l’engagement avec les directions ?

E.K. : « Bien entendu. Nous avons une politique active en termes d’engagement avec les sociétés dans lesquelles nous sommes investis. Nous les interrogeons a minima une fois par an, afin de passer en revue les différentes questions qui constituent notre ‘Cadre d’engagement bilatéral’ (IEF, Impact Engagement Framework). Ce dernier s’enrichit chaque année et nous publions les résultats dans notre rapport d’impact annuel. Mais nous les interrogeons également plus ponctuellement si un problème vient à se poser en cours d’année ».

Dans quelle mesure votre analyse d’impact est-elle adaptée aux sociétés des pays émergents ?

E.K. : « Si les sociétés occidentales divulguent aujourd’hui assez facilement des données en termes de durabilité, le monde émergent est un peu en retard et les données sont le plus souvent moins faciles à obtenir. Par rapport à la situation qui prévalait il y a cinq ans, la tendance va clairement vers davantage d’ouverture, tant et si bien qu’en 2020, nous avons estimé que l’univers était suffisamment large pour que nous puissions lancer un produit impact sur cette classe d’actifs ».

Est-ce qu’il y a des régions qui sont plus ou moins avancées dans ce domaine ?

E.K. : « Généralement, les données sont plus faciles à obtenir dans des pays comme le Brésil ou l’Afrique du Sud ; et plus difficile en provenance de Corée du Sud ou du marché intérieur chinois. Les sociétés émergentes sont plus ouvertes au partage d’information si elles sont déjà intégrées dans une chaîne d’approvisionnement avec des sociétés occidentales, qui leur ont probablement déjà elles-mêmes posé des questions au niveau de leurs pratiques. Toutefois, même dans les régions les plus avancées, il y aura toujours un écart important entre les sociétés qui ont adopté des standards très contraignants et celles qui sont encore loin de faire suffisamment d’efforts ».

Pouvez-vous rapidement nous présenter votre fonds ?

E.K. : « Notre stratégie Positive Impact Emerging Equity investit sur les marchés émergents, elle est concentrée sur une quarantaine de lignes, avec un biais vers les moyennes capitalisations et les actions de croissance. La composition est très différente de notre indice, avec une Active Share tournant autour de 97% par rapport aux benchmarks des marchés émergents. Le portefeuille contient un grand nombre de sociétés actives dans les énergies renouvelables, la mobilité électrique, l’éducation, les batteries rechargeables, les soins de santé ou encore la microfinance. Ce dernier secteur est d’ailleurs celui qui est le plus représenté, avec trois groupes dans les dix premières positions du fonds ».

Comment sélectionnez-vous les différentes lignes ?

E.K. : « Si la société obtient un score supérieur à 12 à notre analyse d’impact et passe nos critères ESG, nous réalisons ensuite une analyse financière plus traditionnelle. Le poids de chaque position dépendra du score obtenu par la société sur ces deux grilles d’analyse, mais le gérant peut déroger à ce poids suggéré s’il dispose d’arguments suffisamment forts. Ceci est débattu au sein de l’équipe impact et avec notre Impact Advisory Board constitué d’experts externes à l’UBP spécialisés dans la durabilité. Le fonds a un double objectif, qui va viser tant un impact positif sur la société, qu’à dégager une performance financière attractive pour les investisseurs ».

Est-ce que vous avez apporté beaucoup de changements dans la composition du portefeuille durant les derniers trimestres ?

E.K. : « Au début de 2022, nous avons diminué l’exposition sur les valeurs de croissance pour relever notre exposition sur les segments valorisés de manière plus attractive, comme la microfinance, l’éducation ou les soins de santé. Et nous sommes plus ou moins restés sur ce positionnement depuis le début de l’année 2023 ».