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Élections législatives anticipées, quelles réactions sur les marchés financiers ?
Calendar11 Jul 2024
Thème: Investir
Maison de fonds: Edmond de Rothschild
Rotschild co am


Didier Bouvignies, Associé-Gérant, Directeur des gestions, Rothschild&Co Asset Management.


Le résultat des élections législatives de dimanche dernier en France confirme la tendance d’une orientation du pouvoir politique en faveur d’un régime plus parlementaire que présidentiel. Avec cette fois-ci, la recherche d’une coalition, éventualité que le président Macron avait écartée lors de la précédente législature en 2022, malgré l’absence de majorité absolue.


Trois scénarios semblent se profiler pour la formation du prochain gouvernement


  • La recherche d’une majorité absolue, ou plus probablement relative, avec une large coalition arc-en-ciel entre les différents groupes les moins éloignés du centre.

  • La constitution d’un gouvernement de gauche, avec un premier ministre issu du groupe NFP. Toutefois, en l’absence de majorité absolue, les réformes de gauche les plus « extrêmes » pourraient mener à une motion de censure.

  • L’impossibilité de former une coalition de gouvernement encas d’absence de majorité relative significative. Dans cette éventualité, la constitution d’un gouvernement technique, à l’image de ce qu’a vécu l’Italie avec Mario Monti de novembre 2011 à avril 2013, pourrait être envisagée.


Au regard du contexte actuel, l’hypothèse la plus probable porterait sur une majorité relative, avec un déplacement du barycentre vers la gauche, par rapport à la situation qui prévalait. Le choix du premier ministre sera néanmoins le premier élément permettant de juger de cette nouvelle orientation. Plus rassurant pour les marchés, les députés du Rassemblement national et de la France insoumise, partis considérés comme eurosceptiques, ne sont pas en mesure de rassembler une majorité absolue pour faire tomber le gouvernement. Le soutien français au projet européen n'est donc pas menacé.


Conséquences pour les marchés


Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale survenue le 9 juin dernier, le marché des actions françaises a évolué au gré de l’esquisse des différents scénarii politiques envisageables.


Dans la semaine suivant la décision d’Emmanuel Macron, les marchés d’actions européens ont baissé en réaction à la hausse des spreads ​ des obligations françaises, de l’ordre de 30 points de base , et à la contagion aux pays périphériques tels que l’Italie. La création dans l’urgence d’une large coalition de gauche sous l’étiquette Nouveau Front Populaire a, dans un premier temps, fait craindre aux investisseurs la mise en œuvre de mesures préjudiciables à la qualité de crédit de la France en cas de victoire de cette dernière. Les marchés ont corrigé, avec des actions françaises entraînant les valeurs « eurolandaises » dans leur sillage. Vendredi soir dernier, le CAC 40 avait reculé de 4 % par rapport au jour précédant l’annonce de la dissolution et l’Eurostoxx de 1,9 % alors que l’indice mondial MSCI progressait de 2,9% .


Si certains observateurs peuvent penser que cette baisse s’avère modeste au regard de l’incertitude soulevée par cette élection anticipée, il convient de remettre quelques éléments en perspective. En premier lieu, ces événements interviennent à un moment où les marchés mondiaux sont très bien orientés, avec des records successifs des actions américaines et japonaises, portés par des anticipations de baisses des taux et une économie mondiale suffisamment résiliente pour que les bénéfices soient attendus en hausse. Ensuite, les marchés financiers se révèlent être bien plus préoccupés par l’environnement macroéconomique global et par la situation politique américaine que par le cas français, au regard des leurs implications respectives vis-à-vis de l’économie mondiale. Enfin, la part des bénéfices des sociétés du CAC 40 réalisée en France ne représente que 15 % de leurs bénéfices totaux, quand les bénéfices réalisés en France par les sociétés de la Zone euro ne s’élèvent, quant à eux, qu’à 7,5 %.


Bien sûr, une envolée du spread de l’OAT et une contagion aux pays périphériques, dans l’éventualité d’un rapport de force exacerbé avec l’Union européenne, aurait un impact plus significatif via les taux d’intérêt. À ce stade, il nous semble que la sous-performance des actions françaises s’avère logique, compte tenu de l’augmentation du coût du capital relatif liée à la hausse des écarts de taux sur les obligations à 10 ans (seulement 12 points de base par rapport à la situation qui prévalait avant la dissolution ) et à l’incertitude sur l’orthodoxie budgétaire de la France pour les mois à venir. Compte tenu des éléments évoqués précédemment, il est compréhensible que les marchés actions n’aient pas surréagi face à un marché de la dette qui démontre une certaine résilience. En effet, les obligations françaises s’échangent sur des niveaux proches des taux de l’Espagne et du Portugal, deux pays dont les notations par les agences se situent deux crans en dessous de la note de la France. Pour autant, la modeste correction des actions françaises ne constitue pas une opportunité en raison des incertitudes qui vont perdurer.


Le cycle américain et ses conséquences sur les taux d’intérêt demeure assurément la principale variable d’évolution des marchés. En ce sens, la probabilité croissante d’une victoire de Donald Trump à la suite du débat raté par Joe Biden renforce les craintes inflationnistes, notamment s’il venait à être élu à un moment où l’activité et l’inflation se situeraient sur des niveaux supérieurs au seuil de tolérance de la Fed.