
Par Frédéric Lejoint.
Christopher Dembik souligne que l’économie américaine continue sa progression, et entraîne dans sa foulée l’ensemble des actifs financiers.
A l’occasion de son webinaire mensuel, Christopher Dembik (Conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet Asset Management) est revenu sur les implications de la première détente du taux directeur de la Réserve Fédérale. « Depuis le début de l’année, nous avons adopté une vision de long terme quant à la surperformance des Etats-Unis, et les dernières données ont montré que l’économie américaine était désormais loin d’un scénario de récession, voire d’un atterrissage en douceur ».
Détente confirmée
En dépit d’un épuisement de l’épargne accumulée pendant le COVID, le consommateur bénéficie désormais d’un effet richesse en raison de la hausse des salaires de réels, de la bonne tenue du marché immobilier, et de la hausse des marchés boursiers. « Ces trois facteurs permettent une poursuite de l’expansion économique, et justifie largement la prime de valorisation affichée par les actifs américains ». Cette vigueur attire également les excédents d’épargne des autres régions. « Le marché américain est incontournable, avec une capitalisation qui représente 50% de la capitalisation mondiale depuis fin septembre ».
Quant à la détente de 0,5% du taux directeur de la Fed, il souligne que le marché s’attend à une nouvelle baisse lors de la réunion de novembre, mais qu’il est encore trop tôt pour avoir une certitude quant à l’ampleur de la prochaine détente. « Cependant, je ne vois pas ce qui pourrait aujourd’hui dérailler le processus de détente monétaire, avec une inflation qui devrait se stabiliser entre 2 et 3% durant les prochaines années, et avec une hausse de la productivité qui devrait absorber les hausses de salaire ».
Flux monétaires
Les actions américaines bénéficient également des flux financiers qui commencent à sortir des fonds monétaires pour se diriger vers des classes d’actifs plus rémunératrices. « Dans l’ensemble, je pense que nous avons un cocktail parfait, avec un ensemble de facteurs structurels qui vont impacter favorablement les cours des valeurs américaines durant les prochains trimestres ».
Le secteur technologique doit rester privilégié en dépit des menaces règlementaires qui peuvent ponctuellement peser sur les cours. « Je pense que l’objectif des autorités est principalement de contraindre les géants de la technologie à distribuer davantage de leurs profits, mais que les autorités ne voudront pas démanteler les champions nationaux dans un contexte de guerre technologique avec la Chine ».
Christopher Dembik estime aussi qu’il ne faut pas trop craindre les événements politiques et géopolitiques qui peuvent ponctuellement secouer les marchés. « Je ne pense pas que le cours du pétrole s’envolera vers 100 dollars, car nous restons aujourd’hui sur un marché où vous avez un excès d’offre, les grands pays producteurs ne respectant pas leurs quotas de production. Le pétrole reste très abondant et tout pic de volatilité sur le cours du brut ne sera que temporaire ».
Rester prudent
Quant aux actions européennes, il estime que le contexte continue de se dégrader, avec une banque centrale qui rechigne à baisser plus rapidement ses taux pour soutenir l’activité économique. « Le débat sur une baisse de 0,5% n’existe pas, en raison de craintes exagérées quant à une boucle prix – salaires ».
Il conseille une prudence tout aussi importante sur les actifs chinois, en dépit du plan de relance récemment annoncé. « Il faut relativiser les mesures qui ont été annoncées, car elles n’ont pas vocation à permettre aux ménages de consommer davantage. « Baisser les taux n'est pas une incitation suffisante pour consommer quand 60% de votre patrimoine est dans l'immobilier, dont la valeur n’arrête pas de chuter ». Pour Christopher Dembik, l’envolée récente du marché boursier chinois doit donc être regardé avec prudence, en l’absence d’un plan de relance budgétaire ambitieux. « La valorisation attractive n’est pas un argument suffisant pour se positionner aujourd’hui sur le marché chinois ».
Les petites capitalisations constituent également une autre classe d’actifs sur laquelle il se montre assez prudent. « Historiquement, la baisse des taux constitue un élément favorable pour leur performance car elles sont souvent fortement endettées. La réalité est que de nombreuses petites capitalisations éprouvent beaucoup de difficultés pour se refinancer, et sont souvent contraintes à des refinancements très dilutifs conclus à des conditions très défavorables pour les actionnaires (notamment par l’émission d’obligations convertibles) ».
Attrait indien
Sur le versant obligataire, la dette à haut rendement conserve sa préférence. « Ce segment a tendance à ressembler de plus en plus à la dette investment grade, avec de mauvais émetteurs qui sont pratiquement sortis du marché tandis que les meilleurs groupes de ce segment affichent des taux de défaut qui restent contenus » Il privilégie toutefois les maturités courtes, en raison de la volatilité plus élevée sur les durations longues, et de la faible visibilité actuelle quant à l’amplitude des futures baisses de taux.
Enfin, il pointe l’intérêt grandissant des investisseurs pour le marché indien, qui est également un des plus dynamiques en matière d’introduction en bourse. « Vers la mi-septembre, le groupe Bajaj Housing Finance (spécialisé dans les prêts personnels et immobiliers destinés aux particuliers) cherchait à lever 780 millions de dollars lors de son introduction en bourse. La demande des investisseurs institutionnels s’est élevée à pratiquement 40 milliards de dollars ».
