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La COP29 sera-t-elle à la hauteur des attentes ?
Calendar08 Nov 2024
Thème: ESG
Maison de fonds: AXA

Par Virginie Derue, Head of RI Research chez AXA IM

- La finance climatique sera au cœur des enjeux à Bakou, mais le nouveau fonds d'action pour le climat ne doit pas servir d’excuse pour retarder la sortie progressive des énergies fossiles.
- Parler d'ambitions sans aborder le financement serait vain : la COP29 doit concrétiser ses promesses en la matière.
Les contributions déterminées au niveau national doivent être significativement revues à la hausse et effectivement mises en œuvre afin d'éviter une hausse drastique des émissions.

La vingt-neuvième conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP29), qui débutera la semaine prochaine à Bakou, intervient dans un contexte de phénomènes météorologiques toujours plus extrêmes, de conflits au Moyen-Orient et en Ukraine, et d’un changement politique majeur aux Etats Unis. Cette conférence devra assurer le suivi du tout premier bilan de l'action mondiale en faveur du climat et de l'appel à une sortie progressive des combustibles fossiles lancé l’an dernier, lors de la COP28.

A l’instar des Émirats arabes unis, hôtes de la COP28, l'économie de l'Azerbaïdjan repose largement sur la production de pétrole et de gaz, qui représente environ la moitié du PIB du pays et plus de 90 % de ses recettes d'exportation[1]. S’il n’est pas forcément propice à des actions concrètes de sortie des combustibles fossiles à court terme, l’actuel contexte international de risques géopolitiques exacerbés et de guerres soulève des questions plus prégnantes.

Les difficultés d’approvisionnement en pétrole et gaz naturel pourraient exercer une pression sur les prix de l'énergie - environ 20 % des approvisionnements actuels transitent par le détroit d'Ormuz[2] - et impacter l'avenir de la demande ainsi que les obligations en matière de sécurité énergétique. Cela ne peut qu’influencer les débats à venir sur les futures données relatives aux émissions de dioxyde de carbone (CO2). Dans ce contexte, les négociations les plus importantes devraient largement porter sur la finance climatique.

Financement de la lutte contre le changement climatique et de l’adaptation : un enjeu à 10 chiffres

L'engagement pris par les pays développés de mobiliser 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 pour soutenir l'action climatique dans les pays en développement n'a été tenu qu'en 2022, tout en continuant de faire l’objet de critiques liées à la forte proportion de prêts.

Un nouvel objectif doit être défini pour la période postérieure à 2025, (nouvel objectif quantifié collectif (NOQC)), point sur lequel la COP29 devra s’efforcer d’avancer. Bien qu’aucun chiffre précis n'ait été communiqué, les demandes ont eu tendance à osciller autour de la barre des mille milliards de dollars, témoignant de la forte pression entourant le sujet.

Autre dossier d’importance : le nouveau Fonds d'action pour la finance climatique (CFAF), dont la création a été annoncée lors de la présidence de la COP29. Ce fonds doit être capitalisé par des contributions volontaires d'au moins un milliard de dollars en provenance de pays et d'entreprises producteurs de combustibles fossiles, dans le but de soutenir les efforts d’atténuation et l'adaptation dans les pays en développement.

Des contributions volontaires sont bien sûr très loin d’une taxe obligatoire sur les combustibles fossiles réclamée par certains, ainsi qu’aux montants globaux nécessaires. Il sera donc impératif de s’assurer que ces contributions volontaires ne soient pas des effets d’annonce, servent d’excuse à repousser toujours plus loin la sortie effective des combustibles fossiles convenue lors de la COP28.

En ce qui concerne les marchés du carbone et alors que la COP28 n'a pas réussi à finaliser les règles et modalités de l'Article 6, nous verrons si la COP29 parvient à avancer sur les sujets de transparence et l'intégrité concernant l'Article 6.2. La Conférence de Bonn sur le changement climatique qui s’est tenue en juin 2024 n’est pas parvenue à un accord sur ces points3. En attendant, les projets d'évitement d'émissions continueront d'être exclus pour les quatre prochaines années, préservant ainsi temporairement l'intégrité du cadre.

Autres initiatives de financement : pas de changement majeur mais des progrès potentiels

Fonds pour les pertes et dommages

Nous suivrons attentivement d’éventuelles précisions concernant l’opérationnalisation du Fonds pour les pertes et dommages, ainsi que les montants (800 millions de dollars promis en 2023). Il est indéniable qu'il reste encore beaucoup à accomplir avant que le Fonds ne soit pleinement opérationnel (détermination des bénéficiaires, des donateurs, des types de projets et de leur format…), mais les choses évoluent néanmoins dans le bon sens, à l’image de la nomination de l'Américano-Sénégalais Ibrahima Diong comme directeur exécutif pour une période de quatre ans.

Banques multilatérales de développement

Le bilan4 publié par le Groupe d'experts indépendants du G20 en avril 2024 souligne que le rythme des réformes des banques multilatérales de développement (BMD) demeure insuffisant pour engendrer un impact significatif sur l’aide au développement.

À ce stade, l’effet cumulé des réformes mises en œuvre se traduit par 30 à 40 milliards de dollars de prêts annuels supplémentaires pouvant être octroyés par ces banques. Les principaux défis concernent leur capacité à augmenter la prise de risques et le déploiement à large échelle de nouveaux projets. ​ De nouveaux modèles de garantie, des participations aux risques, financées ou non financées, la titrisation de portefeuilles de dettes souveraines sont des leviers supplémentaires en cours de discussion, mais il est peu probable que la COP29 débouche sur des avancées concrètes en la matière.

Ambition climatique - éviter le point de non-retour

L'ambition climatique de la COP29 devrait se limiter à défendre le renforcement des contributions déterminées au niveau national (CDN) et à faire avancer les objectifs 2030 en matière de capacités d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique annoncés lors de la COP28.

Dans le cadre de l'Accord de Paris, les pays doivent soumettre la prochaine série de CDN - nouvelles ou mises à jour - en 2025 et 2030. Cela signifie qu'au début de l'année prochaine, tous les pays devront fixer de nouveaux objectifs d'émissions pour 2035 tout en révisant leurs objectifs pour 2030.

Alors que les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites de 21 % et 43 % d'ici à 2030 (par rapport aux niveaux de 2019) pour limiter le réchauffement climatique à respectivement 2°C et 1,5°C5, la mise en œuvre complète de toutes les CDN - celles soumises avant septembre 2022 - impliquerait une réduction de 8 % d'ici à 20306. Nous sommes loin du compte, d'autant plus que ces 8 % reposent sur l'hypothèse que tous les éléments conditionnels des CDN sont effectivement mis en œuvre.

Cela indique clairement que les CDN doivent être considérablement renforcées, et ce dès maintenant, si nous voulons éviter une augmentation drastique des émissions après 2030.

Plus que les objectifs, c’est la mise en œuvre qui fera l’objet d’un examen minutieux, dans un contexte où seulement 48 % des parties ont indiqué avoir intégré les objectifs en matière de CDN dans les processus législatifs nationaux. En ce sens, la publication d'ici décembre 2024 des premiers rapports nationaux d’avancement des pays (rapports biennaux de transparence) devrait constituer une étape importante.

De même, il convient de souligner l'annonce par la Chine, en août 2024, de son passage à un contrôle renforcé de ses émissions de carbone après 2030. Cette décision pourrait potentiellement inciter d'autres économies à envisager une approche similaire alors qu’elles préparent la mise à jour de leurs engagements en matière de climat.

L’importance des politiques publiques est indéniable et des avancées positives sont déjà perceptibles. Le déploiement rapide de technologies énergétiques propres, notamment solaires et éoliennes, a déjà commencé à freiner la trajectoire ascendante des émissions de CO2, ouvrant ainsi la voie à un ralentissement structurel des émissions de CO2 liées à l'énergie. Cette analyse de l'Agence internationale de l'énergie souligne l'importance des objectifs de la COP28 visant à tripler la capacité mondiale en énergies renouvelables et le doublement du taux d'efficacité énergétique d'ici 2030. Nous nous attendons donc à ce que la COP29 poursuive sur cette voie, en mettant notamment l'accent sur le développement des infrastructures de transport et de stockage.