
Par Frédéric Lejoint.
Les questionnements sur la croissance américaine poussent les spécialistes de LFDE à opter pour les secteurs défensifs.
Dans la récente édition de leur webinaire « Au Cœur Des Marchés » du 27 février dernier, les spécialistes de La Financière de l’Échiquier Pierre Puybasset (Porte-Parole de la gestion) et David Kruk (Responsable du trading desk) sont revenus sur les derniers événements sur les marchés financiers, et le changement de sentiment qui est actuellement sensible sur les investisseurs boursiers.
Toucher aux réglages
Ils ont toute d’abord rappelé la bonne résistance des marchés européens ou asiatiques par rapport aux indices américains. « Depuis le début de l’année, 80% des marchés mondiaux ont réalisé une performance supérieure à la bourse américaine. L’exceptionnalisme du marché américain semble aujourd’hui en perte de vitesse, avec notamment une correction qui est en train de se produire sur les grandes valeurs technologiques ».
David Kruk constate également que la croissance américaine, que rien ne semblait pouvoir ébranler depuis plusieurs années, est aujourd’hui en train de montrer des signaux de plus en plus inquiétants, avec notamment un récent chiffre négatif pour l’ISM Services. « Nous n’avions pas un indicateur dans le rouge depuis longtemps, et cette donnée fait écho à de nombreux autres indicateurs, très moyens, qui sont sortis durant le mois de février. Sans trop d’étonnement, l’indicateur des surprises économiques est désormais en territoire négatif alors qu’il était encore largement positif en octobre dernier ».
La question est aujourd’hui de savoir s’il s’agit essentiellement d’une respiration ou du départ d’une période de sous-performance beaucoup plus longue de la bourse américaine. « L’économie américaine fonctionnait à la perfection. A partir du moment où les réglages de cette machine commencent à être bousculés, la performance ne peut en être que moins bonne. A l’inverse, la situation en Europe ou en Chine était si mauvaise que les nouvelles économiques ne pouvaient en être que meilleures ».
Risque d’inflation
La belle machine économique américaine est mise à mal par la politique menée par Donald Trump, qui provoque aujourd’hui un retour du risque d’inflation avec des menaces de tarifs douaniers sur la plupart des partenaires commerciaux des Etats-Unis. « Ces mesures ont été annoncées alors que l’inflation américaine continue d’être résiliente. Cette situation a poussé la Réserve Fédérale à devenir beaucoup plus prudente depuis la fin 2024 ».
A l’heure actuelle, David Kruk estime également qu’il faut être plutôt favorable aux marchés dont la banque centrale peut se montrer accommodante, et donc en faveur de l’Europe ou de la Chine. « Un sondage réalisé chez les clients de Goldman Sachs au début 2025 montrait que 15% des investisseurs américains étaient prêts à réallouer une partie de leur exposition vers d’autres marchés. Les sommes susceptibles de sortir des Etats-Unis vers d’autres marchés, dont l’Europe, sont très importantes ».
Ce qui explique également les souscriptions très importantes d’ETF sur les marchés européens de la part de clients américains durant les dernières semaines. « Pour le moment, il ne s’agit que de gestion passive, et donc d’une prise de position encore très fragile. Il n’y a pas encore le même enthousiasme pour les fonds actifs, cela indiqueraient un investissement avec une optique à plus long terme ».
Allocation européenne
Du côté des grands courtiers américains, David Kruk pointe le même constat d’indécision, avec des vues qui sont encore très divergentes sur l’inflation. « Certains estiment que l’inflation sera très résiliente et que les tarifs vont être dommageables, tandis que d’autres estiment encore qu’elle sera modérée et permettra à la Fed de baisser ses taux plus tard dans l’année ».
Il souligne également que les décisions prises par Elon Musk, ou une majorité très réduite à la Chambre des Représentants, ajoutent à la confusion du consommateur américain. « Le consensus est davantage à trouver sur le fait que les marchés européens constituent actuellement une diversification intéressante pour les investisseurs, avec des bénéfices qui s’améliorent alors que les valorisations restent extrêmement faibles ».
Réserve Fédérale
Pour les prochains mois, les spécialistes de La Financière de l’Échiquier estiment donc qu’il sera particulièrement intéressant de suivre les données qui seront publiées sur l’état de la consommation privée, vu son poids dans l’évolution du PIB américain. « Et comme la croissance est au centre des questionnements, avec un consensus de 2-3% qui sera probablement remis en cause durant les prochains mois, les investisseurs ont commencé à se tourner vers les segments plus défensifs et l’Europe ».
David Kruk estime que ce mouvement devrait encore se poursuivre durant les prochains mois. « Un changement d’orientation au niveau de la politique monétaire de la Réserve Fédérale sera nécessaire pour constater un retournement net sur les actions américaines », estime-t-il. « Je pense qu’il va se produire plus rapidement que les anticipations du marché, en particulier si la consommation américaine continue de montrer des signes de faiblesse », avec plusieurs détentes du taux directeur qui pourraient se produire dès le mois de juillet.
Dans l’intervalle, il estime qu’il faudra continuer à profiter des éventuels mouvements de vente pour acheter les marchés européens, tout en restant plus défensif que cyclique dans un contexte où la croissance pourrait décevoir. « Et dans ce contexte, les taux à 10 ans devraient également se détendre durant les prochains mois ».
