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« L’IA est un âge d’or pour l’investissement »
Calendar05 Nov 2025
Thème: Investir
Maison de fonds: ODDO BHF AM


Par Frédéric Lejoint.



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Brice Prunas a commencé sa carrière dans le secteur financier à la fin des années 90. Après avoir occupé la fonction d’analyste à Paris et à Londres, il a lancé le fonds ODDO BHF Artificial Intelligence en 2018. Ce produit est un succès commercial important pour le gestionnaire franco-allemand, avec des encours sous gestion qui approchent désormais le milliard d’euro. Nous avons récemment eu l’occasion de le rencontrer lors de son passage à Bruxelles.


Faut-il croire à la révolution de l’intelligence artificielle ?


Brice Prunas : « Durant les dix prochaines années, il va se produire plus de changements que durant le siècle qui a précédé, ce qui va constituer un âge d’or pour les investisseurs qui auront le courage d’être investi sur les opportunités offertes par l’IA et par les actifs digitaux (crypto, blockchain, etc). Les inégalités de richesses sont appelées à se creuser entre ceux qui seront investis sur l’IA et ceux qui ne le seront pas. Pour le moment, nous n’en sommes encore qu’à la construction de l’infrastructure. Pour faire une analogie, les avenues sont en train d’être percées et les maisons se construisent, mais les gens n’habitent pas encore dans cette ville ».


En quoi consiste cette infrastructure de l’IA ?


B.P. : « Les centres de données utilisent un grand nombre de technologies de pointe, notamment des processeurs graphiques de NVidia à 40000 dollars l’unité. La limite physique à ce développement sont les besoins importants en énergie, qui sont estimés entre 90 et 250 gigawatts pour les prochaines années pour le marché américain. Une autre manière de poser cette équation est de dire qu’un gigawatt de puissance électrique permet à NVidia de dégager aujourd’hui 40 milliards de dollars en chiffre d’affaires. Les investissements des toutes les grandes sociétés américaines incluent aujourd’hui une partie liée à la production d’électricité pour alimenter les centres de données ».


Quels sont les développements les plus excitants à attendre dans l’IA ?


B.P. : « L’architecture est en train d’être construire, mais l’utilisation de l’IA, elle est encore largement devant nous, et elle va être structurante pour nos sociétés pour les prochaines décennies. Clairement, ce sont les applications dans le domaine médical qui m’excitent le plus, avec des progrès fulgurants à attendre et une augmentation significative de l’espérance de vie. De même, l’IA va également nous permettre de faire des avancées significatives dans les nouveaux matériaux ou dans la compréhension des lois physiques du monde, et nous permettre par exemple de lever les obstacles qui entourent encore le développement de réacteurs basés sur la fusion nucléaire. Je suis également convaincu qu’il existe une opportunité sur les actifs digitaux, notamment parce entreprises se parleront entre elles via leurs IA, et que les devises digitales seront utilisées pour réaliser des transactions ».


Quelles sont les sociétés qui ont leur destin en main en termes d’IA ?


B.P. : « Sur le chemin des développements futurs en termes d’IA, il n’y a une petite poignée de sociétés qui maîtrisent leur environnement : Alphabet , NVidia, Tesla et OpenAI. Ce dernier groupe constitue d’ailleurs la prochaine société qui deviendra un hyperstaler lorsqu’elle sera introduite en bourse. Il y a six mois, sa valorisation était de 300 milliards de dollars, un chiffre qui est désormais monté à 500 milliards de dollars avec les contrats récemment annoncés avec AMD ou Oracle . Paradoxalement, des sociétés comme Microsoft ou Amazon n’ont pas leur destin en main car elles ne disposent pas non plus de leur propre modèle d’IA. Maintenant, dans notre fonds, Microsoft représente une position plus importante que Tesla en raison des risques de gouvernance liés à Elon Musk et d’une valorisation élevée ».


Est-ce que les limitations de durabilité vous empêchent d’investir dans certaines sociétés ?


B.P. : « Le fonds se qualifie pour l’article 9 de la législation SFDR, la plus exigeante en termes de durabilité. Cette approche nous incite par exemple à éviter certaines sociétés dont les approches peuvent être l’objet de controverses, comme Palantir en raison de ses liens avec l’industrie de la défense, Uber en raison de ses pratiques sociales, ou les assureurs-santé américains qui utilisent l’IA pour limiter au maximum les remboursements vers les assurés ».


Malgré tout, il y aura des conséquences négatives…


B.P. : « L’IA a des conséquences au niveau sociétal, avec certains secteurs qui vont connaître un remplacement du travail par le capital. Le système de l’université américaine est aujourd’hui en faillite conceptuelle vu qu’il n'a jamais été aussi difficile pour un jeune diplômé de trouver un boulot. Pour les gens qui travaillent, le principal risque est d’être remplacé à terme par une personne qui utilisera de manière plus efficace les possibilités offertes par l’IA. Quant au risque que pourrait faire peser l’IA sur la civilisation humaine en atteignant une forme de conscience, je pense qu’il est assez faible à court ou moyen terme. Par contre, la probabilité est proche de 100% quant à une utilisation nocive de l’IA par les humains pour développer des failles de sécurité ou des agents pathogènes dangereux».


Est-ce que l’IA est une bulle en attente d’exploser ?


B.P. : « J'ai vécu la bulle de l'Internet en 2000. A l’époque, les sociétés n’avaient de chiffre d’affaires et encore moins de bénéfice, tandis que les sociétés de l’IA dégagent aujourd’hui des flux de trésorerie qui se comptent en milliards de dollars. En outre, nous avons aujourd’hui peu d’IPO, tandis que le moindre site cherchait à se faire coter rapidement en bourse à la fin des années 90. Par contre, le développement de l’infrastructure commence à coûter très cher, et les flux de trésorerie de certaines sociétés sont aujourd’hui clairement sous pression. Ceci étant, les flux d’investissements ne semblent pas prêt de se tarir, car aucune entreprise et aucun état n’a envie de rester à la traîne ».


Comment est-ce que vous traduisez cela dans la gestion de votre fond ?


B.P. : « Notre fond est un produit qui investit également dans tous les secteurs qui vont bénéficier du déploiement des algorithmes, et qui sont riches en données exploitables comme le secteur financier ou la santé, et qui représentent 40% des encours. Ceci nous permet d’avoir une meilleure résistance lors des mouvements baissiers sur le secteur technologique (comme en 2022). Le fonds reste très fortement axé sur les Etats-Unis, en raison d’un manque d’opportunités en Europe et des problèmes de régulation en Chine. Mon portefeuille de 60 lignes est principalement investi sur une grosse trentaine de champions appelés à croître pendant de nombreuses années et qui représentent 75% des encours. A côté, j’ai également une dizaine de petites pépites disposant d’un potentiel extraordinaire, et pondérées entre 0,5 et 1% des encours. D’ici cinq ans, deux ou trois de ces petites boites actives dans les actifs digitaix ou la biologie synthétique verront leur cours multiplié par dix. Enfin, j’ai également une petite vingtaine de lignes visant à un positionnement plus tactique si une opportunité se présente sur le marché, ce qui explique en partie notre turnover relativement élevé ».